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Nos Lecteurs ont la Parole

Ravages du mode impersonnel

« Dans les sociétés simples, où la division du travail est peu avancée, les individus pratiquent peu ou prou toutes les mêmes activités : l’expérience vécue est ainsi peu différenciée et les membres de la société sont relativement semblables les uns aux autres. Ils ont peu le sentiment d’un moi unique : quand la « solidarité [mécanique] qui dérive des ressemblances est à son maximum », alors « la conscience collective recouvre exactement notre conscience totale et coïncide de tous points avec elle », si bien que « notre individualité est nulle… notre personnalité s’évanouit… car nous ne sommes plus nous-mêmes, mais l’être collectif. »

Extrait de, Personnalité individuelle et personnalité collective selon Émile Durkheim et Georges Simmel par Jean Terrier, 2012.

(Durkheim, 1991 [1893] : 99-100).

Quand on demande au Libanais ce qu’il pense de l’abîme où il se trouve, il répond d’un air désinvolte : « Que pouvez-vous attendre d’un peuple qui ne réagit pas ? » Cette réponse indique la prévalence d’un regard à distance d’une identité nationale. Les mêmes acteurs sur la scène politique répètent avec un air désolant : « Les erreurs faites ne nous concernent pas. On ne fait que réagir au problème des autres avant nous. » Malgré les avancées remarquables des composantes de la société civile, le Libanais y espère la solution de tous ses maux alors que pour saisir sa colère citoyenne il doit attendre d’abord de lui-même en agissant à la première personne. Quand le rapport impersonnel prévaut de part et d’autre, le problème et la solution ne concernent plus que « des choses à venir », « des conjonctures internationales propices » et la suite hypothétique des prochaines élections. Le recours frénétique au mode impersonnel signifie une identité non sciemment appropriée. Elle demeure en dehors de toute cohérence démocratique.

Comment faire partie d’un ensemble alors qu’on se dissocie de notre propre prise en charge ? Comment assumer un rôle quand au lieu de l’exprimer et de le corriger on préfère faire la sourde oreille ? Notre si beau pays est davantage perçu comme un hôtel d’abonnés absents pour sa maintenance, toujours disposés dans l’abîme, à se chamailler pour préserver des affaires et des perspectives structurées verbales même quand les murs et le toit sont complètement fissurés ! Il est peut-être temps d’envisager sérieusement un nouveau thème de discussion qui s’impose à tant de niveaux : la situation schizophrénique du pays et les solutions envisagées par les spécialistes psy, bien avant de « nouveaux » sujets. Le départ de nombreux Libanais pour d’autres cieux se fait de plus en plus afin de pouvoir vivre au présent et non plus à l’avenir. Inutile donc de recourir aux avis spécialisés les plus divers quand le sujet le plus urgent demeure de corriger les appétits effrénés vers la dépendance et l’accusation des autres !

La réalité la plus pressante aujourd’hui consiste à arrêter les ravages du mode impersonnel pour un nouveau départ. Il commence en chacun de nous afin de prémunir une logique mentale cohérente dans une société où la folie devient la norme !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« Dans les sociétés simples, où la division du travail est peu avancée, les individus pratiquent peu ou prou toutes les mêmes activités : l’expérience vécue est ainsi peu différenciée et les membres de la société sont relativement semblables les uns aux autres. Ils ont peu le sentiment d’un moi unique : quand la « solidarité [mécanique] qui dérive des...

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