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Lifestyle - This is America

La (dé)marche artistique des sneakers dans les musées

Ces chaussures, autrefois exclusivement sportives, sont devenues des objets de mode, d’art, d’expositions et de ventes aux enchères... 

La (dé)marche artistique des sneakers dans les musées

Une vue de l’exposition « Overboard ». Photo tirée du site officiel de Brattleboro Museum

Rien ne peut arrêter la marche planétaire des sneakers qui les a menés aux temples de l’art où ils sont aujourd’hui les bienvenus. Ainsi, après avoir fait une pause au Brattleboro Museum and Art Center dans l’État du Vermont, ils ont traversé l’Atlantique pour se poser au Design Museum de Londres. Ces deux expositions, certes de conceptions différentes, témoignent néanmoins de l’intégration de ces chaussures de sport dans la culture sociale et le jeune paysage artistique. Pour la première, Overboard, (Par-dessus bord), présentée par le Brattleboro Museum and Art Center, Andy Yoder, sculpteur américain, a tiré son inspiration de l’état souvent désastreux de l’environnement. Il a dévoilé plus de 220 répliques de baskets Nike, Air Jordan, qu’il a lui-même fabriquées à partir de boîtes recyclées, de sacs et d’affiches, récupérées souvent dans les poubelles. Il est surtout intervenu sur des sneakers qui ont connu un destin tragique en mai 1990, date à laquelle ce modèle venait juste d’être lancé par Nike tandis que, parallèlement, une mémorable marée noire avait été provoquée par le pétrolier Hansa Carrier qui transitait de Corée du Sud jusqu’à Seattle, sur la côte ouest des États-Unis. Soudain pris dans une tempête, le navire avait vu sa marchandise se déverser entièrement dans l’océan Pacifique près de la péninsule de l’Alaska.

L’Adidas Futurecraft, entièrement fabriquée par un robot pouvant manier à la fois 2 000 fils tirés de dix bobines de couleurs différentes pour réaliser la partie supérieure d’une chaussure. Photo tirée du site officiel de The Design Museum

Reproductions avec des déchets

Dans la cargaison du navire se trouvaient également plusieurs conteneurs en acier chargés de 61 820 paires de baskets Nike. Au cours des semaines, des mois et des années qui ont suivi, des milliers de ces chaussures ont ainsi jonché les plages du nord-ouest du Pacifique. Une vision que le sculpteur a voulu restituer, 30 ans plus tard, avec une volonté de respecter au mieux l’environnement. Ainsi, au lieu d’utiliser du fil et du tissu, Yoder a fabriqué chaque pièce à partir de déchets qu’il a récoltés dans son quartier de la banlieue de Washington DC, avec pour seuls outils des ciseaux et de la colle. Le résultat est un bel ensemble coloré d’œuvres d’art, des pièces uniques qui s’ajoutent à une réflexion permanente sur la protection de notre planète. « Nous sommes tous devenus insensibles au leitmotiv de la sauvegarde de l’environnement qui est réellement menacé », a déclaré l’artiste. « Le message doit peut-être nous parvenir d’une manière différente, qui ne soit ni trop prêchi-prêcha ni apocalyptique. Cette exposition est une façon détournée de le faire, a-t-il poursuivi. Je voulais observer la manière dont notre société de consommation pollue les continents. Souvent, ce que nous achetons est fabriqué ailleurs. En voyageant vers ses destinations finales, la marchandise laisse des traces partout. »

Danny Lichtenfeld, directeur du Brattleboro Museum and Art Center et curateur de cette exposition, est évidemment sur la même longueur d’onde que l’artiste. Il souligne la « capacité de Yoder à rendre les thèmes de la pollution des océans et de l’excès de consommation accessibles, d’une manière ludique. C’est ce qui rend son art si brillant ».

Les sneakers Yzee de Kenay West acquises pour 1,8 million de dollars. Photo tirée du compte Instagram de Sotheby’s

Pendant ce temps ailleurs…

Sortis de leur boîte de Pandore, cette fois-ci de l’autre côté de l’Atlantique et plus précisément à Londres, The Design Museum présente, du 18 mai au 24 octobre 2021, une exposition de plus de 200 baskets, intitulée Sneakers Unboxed : Studio to Street (Sneakers déballées : du studio à la rue). On y découvre l’histoire de cette chaussure de sport, les coulisses de certains des designs les plus emblématiques, tant dans leur forme que leurs prouesses techniques, et le cheminement qui les a menés de la chaussure de sport classique à un objet de collection devenu culte. Sa curatrice, Ligaya Salazar, s’explique : « Sneakers Unboxed : Studio to Street révèle le rôle que des jeunes de divers horizons ont joué pour faire des baskets individuelles des icônes de style et conduire une industrie qui vaut désormais des milliards. L’exposition donne également un aperçu des coulisses des nouvelles pratiques d’upcycling et de conception durable, des prototypes invisibles prédisant l’avenir du design de performance et des collaborations streetwear et mode qui ont changé le visage de l’industrie.

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Comme pour de nombreux articles de mode fonctionnels, le débat est lancé pour savoir si les baskets peuvent être envisagées comme une partie intégrante de la culture du design. » Le musée dévoile donc plus de 270 paires de sneakers en retraçant le parcours de la chaussure de tennis à semelle en caoutchouc du début des années 1900, devenu un emblème sophistiqué remis au goût du jour par la jeunesse, et une puissante industrie générant des milliards de dollars et donnant lieu à de fabuleuses ventes aux enchères. L’une des plus spectaculaires a eu lieu en avril dernier, chez Sotheby’s, et a engendré 1,8 million de dollars déboursés par une plate-forme d’investissement pour l’acquisition de la paire de Yeezy en cuir noir portée par Kanye West à la cérémonie des Grammy Awards en 2008. Ces sneakers montantes noires, modèle unique, sont la toute première paire qui fut présentée publiquement. Ce montant faramineux a dépassé le record enregistré en août 2020 par la vente, pour 615 000 dollars, d’une paire de Air Jordan 1 de Nike chaussée par Michael Jordan lors d’un de ses célèbres tournois de basket-ball.

La « Wolf Kahn Jordan 5 » revisitée par Andy Yoder. Photo tirée du site officiel de Brattleboro Museum

Même la haute couture (Balenciaga, Chanel et les autres) s’est mise au pas, griffant des sneakers de son inspiration. L’un des clous de cette exposition est sans doute l’Adidas Futurecraft, un robot pouvant manier à la fois 2 000 fils tirés de dix bobines de couleurs différentes pour réaliser la partie supérieure d’une chaussure entièrement fabriquée par lui. Enfin, Nike a lancé un Refurbished Sneaker Program qui donne une nouvelle vie aux sneakers usagés, dans un souci de protéger l’environnement. Dans ce travail à la fois beau, hautement sophistiqué et conscient, nous voilà bien loin de la simple chaussure blanche de tennis que l’on jetait autrefois après usage...

Rien ne peut arrêter la marche planétaire des sneakers qui les a menés aux temples de l’art où ils sont aujourd’hui les bienvenus. Ainsi, après avoir fait une pause au Brattleboro Museum and Art Center dans l’État du Vermont, ils ont traversé l’Atlantique pour se poser au Design Museum de Londres. Ces deux expositions, certes de conceptions différentes, témoignent néanmoins de...

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