Le Tribunal spécial pour le Liban, en charge de juger les personnes présumées responsables de l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri et d'attentats connexes en 2005, est à court de fonds en raison de la crise économique et politique au pays du Cèdre, rapporte mardi l'agence Reuters. Cette "situation financière très inquiétante", selon une porte-parole de l'institution, menace la poursuite des procédures en cours.
Le Liban doit normalement payer 49% des frais du TSL, les 51% restants reviennent à des contributions volontaires de membres de l'ONU ou d'autres donateurs. Mais le tribunal connaît un lourd déficit suite à la crise politique, économique et sociale dramatique que traverse le pays du cèdre. Le budget du Tribunal pour l'année 2021 avait pourtant été revu à la baisse, avec des coupes de près de 40 % notamment au niveau du personnel, selon des documents de l'ONU cités par la journaliste Stephanie van den Bergh.
"Le TSL est dans une situation financière très inquiétante", a déclaré la porte-parole Wajed Ramadan. "Aucune décision n'a toutefois encore été prise concernant les procédures judiciaires et des efforts intenses sont en cours pour lever des fonds et trouver une solution" à cette crise, a-t-elle ajouté.
"Un cadeau aux coupables"
Ce manque de fonds fait craindre un arrêt des procès en cours et à venir, ont rapporté plusieurs personnes proches du Tribunal. "Si vous mettez un terme" aux affaires jugées par le TSL "vous faites un cadeau aux coupables et à tous ceux qui ne veulent pas que justice soit faite", a déclaré à Reuters Nidal Jurdi, avocat des victimes dans le second procès qui devrait s'ouvrir devant le TSL, portant sur trois attentats, contre l'ex-député Marwan Hamadé, l’ancien secrétaire général du Parti communiste libanais, Georges Hawi, et l'ex-ministre Elias Murr, perpétrés respectivement les 4 octobre 2004, 21 juin 2005 et 12 juillet 2005. Ne pas ouvrir ce nouveau procès "ferait non seulement du tort aux victimes qui ont attendu 17 ans pour que l'affaire soit portée devant le tribunal, mais saperait également la reddition des comptes pour les crimes commis au Liban de manière plus générale" a ajouté l'avocat, qui a appelé la communauté internationale à mobiliser des fonds.
En février, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait affirmé son intention de prolonger le mandat pour deux années du TSL à partir du 1er mars, ou "plus tôt si les fonds disponibles sont épuisés et les affaires réglées". Il avait auparavant averti que, sans fonds supplémentaires, le tribunal "pourrait ne pas être à même de poursuivre son travail après le premier trimestre de 2021". "Mettre un terme brutal à la procédure judiciaire en cours du TSL serait inédit et aurait un impact significatif sur les efforts de justice internationale et enverrait un message négatif au peuple libanais et aux victimes du terrorisme dans le monde", avait alors mis en garde M. Guterres.
En août 2020, le TSL avait reconnu Salim Ayache coupable dans l'attentat ayant tué l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. L'enquête n'avait pas établi toutefois de lien direct avec les dirigeants du Hezbollah ou le régime syrien, mais avait consacré le caractère "politique" du crime. Salim Ayache est toujours en fuite, Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, refusant de le livrer. Le Tribunal spécial a émis un mandat d'arrêt international à son encontre, tandis que la phase d'appel du procès est actuellement en cours. Ce dernier fait par ailleurs l'objet d'un autre procès, portant sur les attentats contre MM. Hamadé, Hawi et Murr, qui présentent, selon le Tribunal, un "lien de connexité avec l’attentat du 14 février 2005". L’affaire est actuellement en phase de mise en état et le TSL avait fixé au 16 juin 2021 la date provisoire d'ouverture de cette procédure.
Un arrêt du travail du TSL porterait également un coup important à la demande, portée par certaines familles de victimes de la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, que cette affaire soit jugée à l'international, l'enquête locale n'ayant toujours pas donné de résultat, près de dix mois après le drame.
Heureusement que j'ai gardé mon chapeau de paille que j'avais au village! Je le tiendrai tout les jours à la station de métro pour lever des fonds pour le Tribu-nul! ... Ah mince, on n'a pas de métro au liban... Sorry tribunal, faudra que tu te trouve ton propre chapeau et ton métro..
14 h 43, le 26 mai 2021