
Les cars transportant les électeurs syriens placardés de photos de Bachar el-Assad. Mohammad Azakir/Reuters
Les violences commises jeudi par des partisans des Forces libanaises à l’encontre d’électeurs syriens pro-Assad qui se dirigeaient vers l’ambassade de leur pays pour élire leur président ont suscité des réactions passionnées qui ont fluctué entre condamnations virulentes ou justifications au nom du poids d’un passé qui marque encore les mémoires, notamment dans les régions chrétiennes.
Face à l’exubérance manifestée par les cortèges de réfugiés traversant les quartiers chrétiens, et les actes de provocation incarnés par la flopée de portraits du président syrien Bachar el-Assad brandis tout le long du trajet, le spectacle de tabassage par des éléments vraisemblablement issus ou proches des FL doit être interprété sous le prisme d’un contentieux douloureux qui se perpétue entre les deux peuples et dont la page n’a pas encore été tournée. C’est ce que décrypte pour L’Orient-Le Jour le professeur de sciences politiques à l’université de Balamand Nawaf Kabbara, qui considère que les Syriens ont cherché sciemment à démontrer que leur prépondérance politique au Liban se maintient ; et que les militants FL ont voulu pour leur part faire un étalage de muscles dans le but d’affirmer leur présence constante sur le terrain chrétien.
Comment interpréter le face-à-face violent qui a eu lieu jeudi entre les FL et les électeurs syriens ?
Il y a plusieurs lectures à retenir de ce qui s’est passé. D’abord, il y a une tentative de la part des tenants du camp prosyrien de dire, à leur manière, qu’ils continuent d’avoir un certain ascendant au Liban, espérant récupérer leur influence politique d’antan. Donc la réaction des sympathisants des FL est naturelle et instinctive, surtout que ce parti refuse la présence syrienne dont il estime avoir payé le prix fort. D’où la violence qui relevait plus d’une réaction spontanée que d’une décision planifiée en amont. La violence est un message clair de la part de ces jeunes qui voulaient s’affirmer sur le terrain tout en indiquant être prêts à se battre pour défendre leurs régions. Ils cherchaient également à s’imposer en tant que force milicienne face aux autres forces, en l’occurrence le Hezbollah.
Quel regard portez-vous sur le rapport de force entre le Courant patriotique libre (de Gebran Bassil) et les FL à la lumière de cette nouvelle polémique ?
Pour l’instant, la rue chrétienne est profondément divisée entre ces deux formations, en attendant qu’une troisième force puisse émerger lors des prochaines législatives, une hypothèse qui se précise peu à peu. L’enjeu de la concurrence entre ces deux partis est de se partager l’influence sur la rue chrétienne. Il faut donc comprendre que cette concurrence acharnée constitue le moteur principal de leurs politiques respectives. Ils ont tout le temps besoin d’affûter leur stratégie l’une par rapport à l’autre, l’objectif étant de gagner le plus en popularité auprès de la rue chrétienne et de s’y imposer. Un peu comme le font les sociétés commerciales qui guettent les erreurs commises par leurs concurrents pour les exploiter en leur faveur. Il ne faut pas oublier ce que montrent les sondages, c’est-à-dire l’affaiblissement de la position du CPL, sans que cela signifie nécessairement un renforcement de son rival, le parti des FL. Les sondages montrent ainsi l’émergence sur le devant de la scène de nouvelles figures chrétiennes dont le profil se précisera lors du prochain scrutin.
Quelle est selon vous la stratégie des FL et pourquoi ont-elles décidé d’allumer la mèche de cette manière ?
Le fondement de la stratégie des FL est la conquête de la présidence par leur chef. Donc c’est un projet politique en devenir par excellence. Sauf que le discours des FL n’est pas vraiment clair à ce jour. Sont-elles en faveur d’un Liban laïc uni ou est-ce qu’elles continuent au fond d’elles-mêmes d’aspirer à une entité chrétienne indépendante dans le cadre d’un fédéralisme ? Rien n’est clair encore.
En s’isolant du pouvoir, les FL pensent qu’elles peuvent ainsi rallier la rue. Mais leur accord précédent avec le CPL (accord de Meerab de 2016) qui a conduit à l’élection de Michel Aoun à la magistrature suprême a été publiquement dénoncé et révélé aux Libanais. Les FL n’ont pas réussi par ailleurs à convaincre l’opinion publique qu’elles souhaitent véritablement combattre la corruption.
commentaires (14)
Vous trouvez normal qu’un parti Libanais s’appelle le parti Syrien, même si leur nombre ne rassemble qu’un orchestre? Quand est-ce qu’on célébrera la libération contre les ennemis Syriens, Iraniens et Palestiniens?
Cedrus Fidelis
06 h 26, le 24 mai 2021