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Campus - CORONAVIRUS

« L’anxiété et la solitude sont le plus dur à supporter »

Ils se croyaient invincibles, au-delà de tout danger et surtout immunisés en raison de leur âge. Et un beau jour, ces étudiants ont attrapé le Covid-19. Témoignages.

« L’anxiété et la solitude sont le plus dur à supporter »

Léa Élias n’arrivait plus à marcher, ni même à bouger. Crédit photo Charly Zgheib

Passé le premier choc, où ils pensaient que « cette extrême fatigue ressentie au tout début, était dû à une simple grippe qui allait passer », le verdict tombe, aussi dur qu’impensable : ils ont attrapé le Covid-19. Pour tous les étudiants interrogés, le plus terrible était, certes, de combattre la fatigue et les symptômes de la maladie durant leur confinement, mais surtout la solitude et le stress des études et des projets à présenter. Léa Élias, en 3e année de journalisme à l’université libanaise (UL), admet que ce virus qu’elle a contracté durant les fêtes de Pâques a été un vrai cauchemar et un déchirement pour elle. « Je n’ai pas pu fêter avec ma famille, et j’ai raté toutes les activités sociales que j’entreprends chaque année au village avec mes amis », confie la jeune fille en racontant le calvaire qu’elle a vécu pendant deux semaines, confinée dans sa chambre avec des migraines, une forte fièvre et des courbatures au dos. « Je n’arrivais plus à marcher, ni même à bouger, il fallait m’aider pour sortir du lit, j’étais excessivement fatiguée », raconte-t-elle. De plus, à cause des vitamines que le médecin lui a prescrites pour lui redonner des forces, elle n’arrivait plus « à dormir pour passer le temps, ni à parler aux amis et certainement pas à (se) concentrer sur ses études ». « Le plus terrible, c’est que ma mémoire a été affectée. Moi qui arrivais à assimiler un cours de trois pages en un court laps de temps, je devais relire deux fois la même page pour essayer de comprendre les mots », se plaint-elle. Et d’ajouter : « La première fois que je me suis assise devant mon ordinateur, je ne reconnaissais plus les touches de mon clavier. J’ai eu beaucoup de difficulté à reprendre les cours, je devais fournir un double effort pour comprendre des informations souvent élémentaires. J’avoue que j’ai eu très peur, et cela m’a beaucoup déprimée. Heureusement que le médecin m’a rassurée que tout reviendrait en ordre, mais que cela prendrait du temps. »


Joseph Kesrouany n’avait qu’une envie : dormir. Crédit photo Christian Kozeily

Joseph Kesrouany, étudiant en 2e année de master en cinéma et télévision à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), qui a contracté le virus à la mi-décembre alors qu’il était en pleine période d’examens, avoue qu’il « n’aurait jamais pensé que cela aurait pu lui arriver ». Pour lui, le plus dur à supporter, « c’était la solitude passée sans voir quelqu’un et surtout sans être maître de ses actes ». Deux semaines durant, il se confine dans sa chambre et est contraint, malgré sa fatigue extrême, à présenter ses tests et ses examens finaux comme tout le monde, l’université n’ayant pas pris en considération son cas. « J’ai vécu un stress énorme, entre mes échéances d’examens que je devais passer, mon travail en tant que consultant en communication dans une ONG que je devais quand même assurer, avec cette fatigue intense qui nous ôte toute énergie », raconte-t-il. « Je n’avais qu’une envie, c’est de me reposer et dormir, mais je ne le pouvais pas. Je devais étudier pour présenter mes examens. Je profitais alors des moindres moments de répit pour le faire. » Malheureusement, le jeune étudiant arrivait difficilement « à (se) concentrer et cela a beaucoup affecté (ses) résultats ». « Heureusement que mes amis à l’université m’ont beaucoup aidé avec les devoirs que je devais présenter », ajoute-il. Joseph admet pourtant que cette période de confinement a été l’occasion de remettre en question beaucoup de choses dans sa vie. « J’ai pu voir plus clair tous les buts qui m’aideraient à mieux me construire. Finalement, c’était une pause importante dans la vie chaotique que nous menons. »


Nabil Daher a réalisé combien l’être humain est vulnérable. Crédit photo Salim Daher


Au-delà de l’aspect physique, c’est le moral qui en prend un coup

De ses dix jours de confinement à la maison qui l’ont obligé à freiner son quotidien mouvementé, Chris Costantine, étudiant en première année de journalisme à l’UL et gérant d’un grand département de jouets, confie : « C’est le sentiment de sentir que je n’ai plus aucun contrôle sur ma vie, à la merci d’un virus qui s’est emparé de mon corps et m’empêche de poursuivre le chemin que j’avais tracé » qui a été le plus difficile à vivre. Ce jeune homme de 25 ans a compris que ce virus était un nouveau combat dans sa vie, qu’il devait surmonter à tout prix pour ne pas rater son année universitaire. Tous les matins, il se forçait à se lever du lit, malgré son extrême fatigue, et profitait des rares moments où il se sentait un peu plus énergique, pour étudier et faire ses projets. « Je savais que je n’avais pas le choix, qu’il fallait réagir et surtout ne pas me laisser abattre, parce que l’on se rend compte que la solitude, et cette incertitude du moment, sont plus terribles que les douleurs physiques, et vous sapent terriblement le moral. Aujourd’hui, j’ai appris à mes dépens qu’il ne faut jamais prendre les choses à la légère, et que cela peut arriver à tout le monde. »

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Pour Nabil Daher, étudiant en 2e année de master en sciences économiques à l’USJ, qui a été contaminé alors qu’il prenait toutes ses précautions et évitait de sortir, c’est « l’anxiété et la solitude entre quatre murs », qu’il ne pouvait pas supporter. « Comme c’est une maladie encore toute nouvelle, on ignore ce qui va nous arriver. Les gens ont peur de nous, nous évitent. Nous sommes cloîtrés seuls, à imaginer le pire. L’on devient comme des malades “imaginaires” vivant dans la peur de ce qui pourra nous arriver le lendemain. Tout cela a un poids psychique énorme, qui affecte certainement notre physique. »



Pour Chris Costantine, le sentiment de n’avoir plus de contrôle sur sa vie a été le plus difficile. Crédit photo Maria Fakhry

Pour éviter la solitude, Nabil Daher décide de se confiner dans son village au Sud, où il profiterait d’un peu d’air pur. Malheureusement, les symptômes physiques le rattrapent très vite. Il perd le sens du goût et de l’odorat, se fatigue et s’essouffle rapidement. « Je devais faire un double effort pour mémoriser et lire les cours, ce qui me fatiguait encore plus et me stressait, car nous avions énormément de projets et des cours à terminer à l’université et je n’étais plus maître de mes actes. » L’étudiant avoue que « cette expérience a renforcé sa foi en Dieu, et a apaisé toutes ses craintes par la suite ». Et de conclure : « On réalise dans ces moments combien l’être humain est vulnérable et n’est certainement pas aussi invincible qu’il veut le croire. »



Passé le premier choc, où ils pensaient que « cette extrême fatigue ressentie au tout début, était dû à une simple grippe qui allait passer », le verdict tombe, aussi dur qu’impensable : ils ont attrapé le Covid-19. Pour tous les étudiants interrogés, le plus terrible était, certes, de combattre la fatigue et les symptômes de la maladie durant leur confinement, mais...

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