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Société - Covid-19

Technologie, risques : zoom sur le vaccin d’AstraZeneca

L’utilisation de ce vaccin continue de susciter une polémique depuis que de rares cas de thromboses, parfois mortelles, y ont été associés.

Technologie, risques : zoom sur le vaccin d’AstraZeneca

Le Liban, qui suit les recommandations britanniques, a décidé d’administrer le vaccin d’AstraZeneca aux personnes âgées de 30 à 65 ans. Anwar Amro/AFP

Depuis que l’Agence européenne des médicaments (EMA) a confirmé le lien entre de très rares cas graves de thromboses et le vaccin contre le Covid-19 du laboratoire AstraZeneca, ce dernier perd de sa popularité. Quelques pays ont en effet suspendu son utilisation « par précaution » avant de reprendre la vaccination avec ce produit, la France à titre d’exemple. Un certain nombre de pays ont également limité son usage aux personnes âgées de plus de 50 ou 55 ans. La Grande-Bretagne, quant à elle, continue de l’administrer aux plus de 30 ans. Même scénario au Liban où la Commission scientifique chargée de la vaccination contre le Covid-19 préconise son usage auprès des personnes âgées entre 30 et 65 ans.

« Au départ, nous avons recommandé que ce vaccin soit réservé aux personnes âgées de plus de 50 ans, précise à L’Orient-Le Jour Abdel Rahman Bizri, président de la commission. Toutefois, le Conseil des ministres avait décidé de faire passer en priorité les enseignants, les journalistes et les forces de l’ordre. Nous avons alors décidé d’élargir la tranche d’âge pour englober les personnes âgées de plus de 30 ans. Nous nous sommes basés sur l’expérience des Britanniques qui l’ont utilisé à grande échelle. Leurs études, qui ont englobé également les jeunes, ont montré qu’il n’y a pas un plus grand risque pour cette tranche d’âge. Les personnes de moins de 30 ans seront inoculées avec un autre produit. »

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Mais au Liban, ce vaccin n’a pas la cote. Nombreux sont ceux qui, inscrits sur la plateforme Covax du ministère de la Santé pour la vaccination, ont refusé de se faire inoculer avec le vaccin d’AstraZeneca. Ils seraient près de 30 % à avoir raté leur rendez-vous, selon les chiffres du ministère de la Santé. La peur de souffrir d’une thrombose mortelle l’emporte sur toute autre considération scientifique, alors que l’EMA, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les autorités sanitaires britanniques estiment que les bénéfices de ce vaccin sont largement supérieurs aux risques qu’il présente.

Cette peur est compréhensible, d’autant qu’elle est alimentée par les informations relayées en continu sur ces rares cas mortels de thromboses. Au 4 avril, sur les plus de 34 millions de personnes dans l’Union européenne ayant reçu le vaccin AstraZeneca, 169 cas de thrombose cérébrale et 53 cas de thrombose splanchnique (des veines de l’abdomen) ont été recensés, dont près de 40 décès, selon un rapport des Centres de contrôle et de prévention des maladies aux États-Unis (Centers for Disease Control and Prevention – CDC).

Mais ce vaccin est-il plus dangereux que d’autres ? L’Orient-Le Jour fait le point avec le Dr Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses.

Quelle est la technologie utilisée dans l’élaboration du vaccin d’AstraZeneca ?

Le vaccin d’AstraZeneca, tout comme ceux de Johnson and Johnson et Spoutnik V, est un vaccin à vecteur viral à base d’adénovirus. C’est une famille de virus à ADN dont certains peuvent infecter l’être humain. Cet adénovirus, celui d’un chimpanzé dans le cas d’AstraZeneca, et d’un être humain dans le cas de Johnson and Johnson et du Spoutnik V, constitue un support qui sert à transporter un fragment de l’ADN du SARS-CoV-2 aux cellules musculaires. Lesquelles, en fabriquant la protéine antigénique responsable de la maladie (appelée spike ou spicule), pousseront l’organisme à fabriquer les anticorps protecteurs. Avant de l’injecter chez l’homme, l’adénovirus est neutralisé.

Quels sont les risques de ce vaccin ?

Le lien entre ce vaccin et des cas rares de thromboses qui surviennent dans les deux semaines qui suivent la vaccination est désormais établi. Seulement, il s’agit d’un événement excessivement rare, de l’ordre d’un cas sur 100 000 à 250 000. Ces cas de thromboses sont associés à des facteurs favorisant notamment l’utilisation d’hormones chez la femme, particulièrement des pilules contraceptives, ou encore à des facteurs de risques plus classiques, comme le diabète, le tabagisme, l’hypertension, le cholestérol, les maladies cardio-vasculaires ou les facteurs héréditaires.

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Il n’en reste pas moins que le principal facteur de risque reste l’usage des pilules contraceptives. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs la majorité des cas de thromboses ont été signalés chez les femmes.

Pourquoi ces cas sont-ils plus relevés chez les femmes jeunes ?

Parce que, en général, elles ne sont pas à risque d’accidents vasculaires cérébraux, alors que les personnes plus âgées sont classiquement plus à risque. Donc, statistiquement, chez les personnes âgées de plus de 65 ans, il n’y a pas de différence entre les accidents vasculaires liés au vaccin et ceux qui surviennent suite à d’autres facteurs de risques.

Qu’est-ce qui provoque ces thromboses ?

L’apparition d’anticorps contre la PF4, une protéine des plaquettes sanguines, favorisant l’agglutination des plaquettes et donc des thromboses. Ce mécanisme est souvent accompagné d’une chute du nombre des plaquettes sanguines qui sont consommées.

Cela est-il dû à la technologie utilisée, puisque des cas de thromboses ont également été signalés avec le vaccin de Johnson and Johnson ?

On ne le sait pas encore. Ça pourrait aussi être lié au coronavirus, puisqu’un fragment du virus SARS-CoV-2 est introduit dans le vaccin. On sait que le Covid-19 est à grand risque de phénomènes thrombotiques.

Par ailleurs, une étude comparative menée sur tous les vaccins a montré que les vaccins par ARN messager, c’est-à-dire ceux de Pfizer et de Moderna, peuvent également entraîner des phénomènes thromboemboliques, sans formation d’anticorps contre le PF4.

Les thromboses peuvent-elles être prévenues ?

Aucune étude n’a été menée à ce jour sur la prévention des thromboses dues au vaccin. Toutefois, nous savons que l’aspirine et les anticoagulants plaquettaires ne sont pas efficaces. Idem pour l’héparine (anticoagulant utilisé pour prévenir les thromboses veineuses profondes) et ses dérivés, et les anticoagulants oraux, comme les antivitamines K. En revanche, les nouveaux anticoagulants par voie orale, dits NOAC, sont efficaces pour traiter les accidents thrombotiques. Théoriquement, ils pourraient être utilisés pour la prévention des accidents thrombotiques secondaires à la vaccination. Mais à ce jour, aucune recommandation internationale n’a été émise dans ce sens.

Quels sont les signes précurseurs d’un accident thrombotique ?

Ce sont des symptômes qui surviennent dans les seize jours qui suivent l’inoculation de la première dose du vaccin. Il s’agit d’un mal de tête intense, d’une douleur abdominale ou thoracique, ou de douleurs musculaires très importantes et incontrôlables qui ne disparaissent pas avec la prise de médicaments, ou d’un trouble de la vision. Ces symptômes peuvent être accompagnés de fièvre ou d’une éruption cutanée.

Dans ces cas, un test de numération formule sanguine est demandé pour mesurer le taux de plaquettes sanguines. Si celui-ci est inférieur à la normale (moins que 130 000/mm3), le test de l’anti-PF4 est mené. S’il est positif, un traitement aux NOAC est entamé. Si les plaquettes restent basses, un traitement intraveineux d’immunoglobulines est alors administré.

Est-il conseillé d’effectuer ces tests à l’avance ?

Non, puisqu’on ne peut pas généraliser. Toutefois, selon le cas de chaque personne, c’est au médecin traitant de juger l’utilité de ces tests et de demander de les effectuer.

Les mêmes risques sont-ils observés après la seconde dose ?

Les personnes qui ont eu une réaction à la première dose ne recevront pas une seconde dose du vaccin AstraZeneca parce qu’il est probable qu’elles puissent avoir les mêmes effets secondaires. Elles recevront une seconde dose d’un autre vaccin, probablement d’un vaccin à ARN messager.

Vingt-deux décès et 1 012 nouveaux cas en 24 heures
Le Liban a enregistré 22 décès et 1 012 nouveaux cas de contamination au coronavirus, selon le rapport quotidien du ministère de la Santé. Ce qui porte à 530 217 le nombre cumulé des cas enregistrés depuis février 2020, au nombre desquels 7 390 décès et 473 112 guérisons. Parmi les cas toujours actifs, 1 028 patients sont hospitalisés, dont 494 en soins intensifs. Côté vaccination, 313 428 personnes ont déjà reçu la première dose et 181 593 les deux doses. Dans ce cadre, la ministre sortante de l’Information, Manal Abdel Samad, a invité les journalistes âgés de plus de 30 ans, désormais considérés prioritaires pour recevoir le vaccin AstraZeneca/Oxford, qui ne sont pas encore inscrits sur la plateforme de la vaccination à le faire, comme à envoyer leurs informations à l’adresse électronique suivante :
info@ministryinfo.gov.lb.
Ils doivent renseigner dans un tableau sous format Excel, et dans l’ordre suivant, leur prénom, nom, nom du père, date de naissance, numéro de carte de presse, numéro de téléphone, et indiquer le niveau de priorité de leur cas. Mme Abdel Samad a dans ce contexte précisé que jusqu’à ce jour, 7 600 journalistes se sont inscrits sur la plateforme électronique, et 6 800 ont déjà reçu un rendez-vous de vaccination. Mais 300 autres actuellement positifs au coronavirus devront patienter avant de recevoir leur injection.Commentant la campagne en cours, le directeur de l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, Firas Abiad, a noté qu’« hier, deux ailes au sein de l’établissement étaient bondées ». « Celle dédiée à la vaccination anti-Covid, et cela est un bon indicateur, et celle des urgences pour les cas autres que le Covid, a-t-il écrit sur son compte Twitter. Ce qui montre que les patients ne peuvent plus se permettre d’être soignés dans les hôpitaux privés. »
Depuis que l’Agence européenne des médicaments (EMA) a confirmé le lien entre de très rares cas graves de thromboses et le vaccin contre le Covid-19 du laboratoire AstraZeneca, ce dernier perd de sa popularité. Quelques pays ont en effet suspendu son utilisation « par précaution » avant de reprendre la vaccination avec ce produit, la France à titre d’exemple. Un certain...

commentaires (2)

Merci Nada pour toutes ces précisions??

DACCACHE Eliane

23 h 00, le 06 mai 2021

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Merci Nada pour toutes ces précisions??

    DACCACHE Eliane

    23 h 00, le 06 mai 2021

  • Bravo à Nada Merhi pour votre capacité à vulgariser les informations médicales. Vos articles sont toujours à la fois clairs et rigoureux. Ils sont précieux en ces temps de désinformation concernant la Covid-19.

    SFEIR Jihane / AIIC

    09 h 54, le 06 mai 2021

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