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Lifestyle - La Mode

Karoline Lang, une danse avec les pierres

C’est peut-être la sculpture, au fond, qui a mené Karine Tawil à la couture. En fondant sa jeune maison, Karoline Lang, dont le nom est emprunté à celui de sa grand-mère, la créatrice s’est toujours attachée à construire un récit, même bref, qui enveloppe d’une atmosphère particulière toutes ses collections.

Karoline Lang, une danse avec les pierres

« Ceci est la collection de mes rêves », Karoline Lang, printemps-été 2021. Stylisme Makram Bitar. Photos Michèle Aoun

Rachana, au nord du Liban. Un hameau étrange et fascinant entre tous, où les Basbous, célèbre famille de sculpteurs, ont installé leurs quartiers et peuplé la nature de créatures de pierre. La maison de Michel Basbous, le patriarche, tout en bulles et verrières circulaires, est elle-même échappée d’un rêve improbable et son jardin envahi de vues de l’esprit aussi présentes que des êtres de chair. Ici, un joueur de flûte entouré de couples stylisés qui semblent captivés par sa musique silencieuse, là un bassin où des totems se mirent, là encore des géométries taillées à même l’espace… Les arbres caressent de leurs ombres les peaux minérales crevassées par les ruissellements de l’hiver qui s’achève. Le temps semble suspendu, quelque chose dans l’air, quelque chose de joyeux se prépare qui pénètre le silence et fait frémir le marbre.



« La collection de mes rêves »

Filmées par Cynthia Sawma, stylées par Makram Bitar, on découvre, comme surgies entre végétation et eau, des jeunes filles habillées de printemps. La nouvelle collection Karoline Lang fait merveille dans cet environnement onirique. Baptisée comme la toile de Joan Miró Ceci est la couleur de mes rêves, cette ligne semble immatérielle. « Ceci est la collection de mes rêves », souligne la créatrice. Collection qui ne manque pourtant pas de références au néoromantisme des années 1980, épaules surdimensionnées, plissés géométriques, décolletés en V, mais avec quelque chose d’émouvant, une sensibilité de la texture qui rappelle les rugosités de la pierre et l’agencement de ses rainures. Une chemise blanche à épaules nues, tout en volants, s’offre une traîne et crée, même sur un simple jean, son propre spectacle. Une autre, à double boutonnage parallèle et col droit, réinvente le plastron sous un habit doré admirablement structuré. Partout, une géométrie sculpturale dispute la vedette à des flous vaporeux, et la collection entre en parfaite résonnance avec ce jardin irréel où végétal et minéral taillé de main d’homme se répondent.

« Ceci est la collection de mes rêves », Karoline Lang, printemps-été 2021. Stylisme Makram Bitar. Photo Michèle Aoun

Karoline Lang, une marque avec une vision

Karine Tawil a fondé Karoline Lang International en 2012 avec un magasin phare sur l’avenue Montaigne, à Paris. Aujourd’hui, elle travaille depuis son studio à Beyrouth. Depuis sa création, la marque cherche à raviver le plaisir du vêtement. Sa fondatrice prône une mode lente axée sur la couture fine, l’artisanat et les matières nobles.

La philosophie de cette maison de couture consiste à concevoir le vêtement comme un moyen d’expression. Entre l’architecture moderniste, les couleurs chaudes et les détails exubérants de la peinture de la Renaissance, les corps exaltés des danseurs et les contrastes tranchés que peut offrir la nature, ses sources d’inspiration sont aussi diverses qu’imprévisibles. « Nous avons un style expérimental, mais une exécution orthodoxe », explique Karine Tawil qui ajoute que les collections de la marque résultent aussi bien d’une exploration du corps, que de l’objet et de l’espace.

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La marque se décline en deux lignes : Essentials, qui propose des tenues élégantes et intemporelles pour le quotidien et le soir, et Tuxedo, récemment lancée, qui propose des costumes sur mesure et finement taillés. « Nous sculptons, coupons et tranchons afin de définir avec précision le corps et ses mouvements. Nos vêtements sont comme une seconde peau, ajustés avec élégance pour offrir confort et tenue.

L’atelier de Beyrouth assure un service couture pour personnaliser ou adapter les pièces du prêt-à-porter. J’essaie de définir la silhouette, de créer quelque chose de durable, avec intégrité, dans un monde de fast-fashion. Je pense aux vêtements sur les corps comme les architectes le font avec les bâtiments », précise-t-elle.

« Ceci est la collection de mes rêves », Karoline Lang, printemps-été 2021. Stylisme Makram Bitar. Photo Michèle Aoun

Un dialogue avec la nature

« Quoi de mieux que le rêve pour retrouver la légèreté ? » souligne Karine Tawil qui lance donc sous son label Karoline Lang, pour l’été 2021, cette collection qu’elle a voulue aérienne et détachée de la pénible réalité de l’année écoulée. « Une collection poème, dit la créatrice, qui fait écho à la toile de Joan Miró. » Elle confie « avoir dessiné un nuage pour se transporter dans un lieu surréel. Un jardin extraordinaire peuplé de créatures de pierre. Le jardin d’un grand de l’art, Michel Basbous, à Rachana qui abrite des sculptures monumentales et disséminées de manière bien réfléchie ». Karine Tawil observe les œuvres qui dialoguent entre elles, avec la nature environnante... Elle imagine cette scène « où l’on s’amuse, se toise, ironise et valse ». Tandis que l’on se laisse captiver par « cette atmosphère vaporeuse, impalpable », survient cet inattendu, ce déclic qui crée l’étonnement. « Quelque chose », peut-être quelqu’un, ou simplement le printemps, va accélérer les mouvements, dynamiser l’immobile statuaire. « La beauté s’incarne dans ces silhouettes éthérées, ces corps graciles qui donnent une âme à ces rêves de pierre », commente la créatrice dont la collection va tout à coup entrer dans le tourbillon de la danse sans pouvoir s’arrêter, précisément dessinée et cousue pour accompagner ces événements mystérieux qui nous sortent de nos léthargies et la joie que nous créons pour dissiper la peine.

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Puissamment désirables et génialement interchangeables et pertinentes en toute situation, les pièces de cette nouvelle collection printanière emboîtent le pas à une mode qui se détourne de ses arrogances passées pour ne plus offrir que les beaux outils d’une réinvention de soi.

Rachana, au nord du Liban. Un hameau étrange et fascinant entre tous, où les Basbous, célèbre famille de sculpteurs, ont installé leurs quartiers et peuplé la nature de créatures de pierre. La maison de Michel Basbous, le patriarche, tout en bulles et verrières circulaires, est elle-même échappée d’un rêve improbable et son jardin envahi de vues de l’esprit aussi présentes que...

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