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Économie - Focus

Contrôle des capitaux : une proposition de loi, urgente mais controversée, au menu d’un comité parlementaire

Une loi en ce sens figure sur une longue liste de réformes que le FMI et la communauté internationale exigent pour débloquer une aide à l’économie libanaise.

Contrôle des capitaux : une proposition de loi, urgente mais controversée, au menu d’un comité parlementaire

Le député Ibrahim Kanaan (c) va présenter le projet de loi au Comité des finances et du budget, qu'il dirige. Photo ANI

Une proposition de loi urgente sur le contrôle des capitaux, qui encadre strictement le retrait et le transfert de devises, vient finalement d’être mise au point par le président de la Commission des finances et du budget du Parlement, Ibrahim Kanaan, plus d’un an après le début d’une grave crise financière qui a vu les banques commerciales limiter l’accès des déposants à leurs fonds. Une loi en ce sens est un des éléments d’une longue liste de réformes que le Fonds monétaire international (FMI) et la communauté internationale exigent avant de débloquer toute aide à une économie libanaise exsangue.

Le contrôle des capitaux est généralement décidé par un gouvernement pour limiter les sorties de devises dans un pays dont les réserves se sont affaiblies. Depuis la fin de 2019, les titulaires de comptes bancaires au Liban sont en grande partie incapables d’accéder à leurs dépôts en dollars, en raison de restrictions informelles imposées par les banques commerciales.

Si la proposition de loi, dont une copie a pu être obtenue par L’Orient Today, est approuvée par le Parlement, les déposants seront autorisés à retirer 20 millions de livres libanaises -environ 1 590 dollars au taux de change actuel du marché- par mois, un plafond qui peut être modifié par la Banque du Liban après consultation du ministère des Finances. Ils ne seront cependant pas à l’abri de la dépréciation continue de la monnaie nationale.

En vertu de la proposition, le traitement des comptes en ce qu’il est convenu d’appeler « dollars frais », soit les dollars placés sur des comptes bancaires après le 9 avril 2020, restera inchangé, les clients pouvant en retirer ce qu’ils souhaitent sans aucune restriction. En outre, la Banque du Liban devra « adopter une formule spéciale » pour déterminer un taux de change pour les retraits de dollars en livres, tout en tenant compte du « prix du marché parallèle » de la devise américaine, qui se négocie actuellement autour de 12 600 LL.

Cela permettrait également aux déposants en dollars, hormis ceux qui en ont accumulé après 2016 dans un échange contre des livres, de retirer l’équivalent de la moitié de leur limite mensuelle en dollars en espèces. Toutefois, dans une lettre adressée à Ibrahim Kanaan le 21 avril et consultée par L'Orient Today, le président de l’Association des banques du Liban (ABL) et directeur général de la Banque de Beyrouth, Salim Sfeir, s'est opposé à cet article de la loi et a demandé que les retraits en dollars (hors dollars frais) ne se fassent qu'en livres libanaises, le taux de conversion étant fixé en fonction du taux de la plateforme de la BDL. L’index de cette plateforme est actuellement à 3 900 LL pour un dollar.

Pour freiner la hausse des dépôts en dollars non frais, la proposition interdit aux banques commerciales d'échanger des comptes en livres contre des dollars, à moins que la banque ne détienne suffisamment de devises pour couvrir l'opération de change. La Commission de contrôle bancaire sera chargée de superviser ces opérations.

Toujours en vertu de la proposition de loi, les familles d’étudiants libanais à l’étranger pourraient leur transférer dse fonds pour couvrir les frais de scolarité et les dépenses courantes. Cependant, bien qu'une loi ait déjà été adoptée pour permettre à ces familles d’effectuer des transferts à concurrence de 10 000 dollars par an au taux officiel de 1 507,5 LL, les personnes qui ont essayé de le faire se sont plaints du fait que les banques ne respectaient pas la loi. Les déposants seraient également autorisés à payer leurs abonnements et applications en ligne avec leurs cartes de débit ou de crédit. « Les prêts au logement, le paiement d'impôts et d’autres obligations financières envers des gouvernements étrangers » sont également exonérés.

Si la proposition de loi est adoptée par le Parlement, le Conseil d’administration de la Banque du Liban sera chargé de fixer les limites des transferts, que la loi plafonne à 50 000 dollars annuels par personne. Mais le président de l’ABL recommande de réduire cette limite à 20 000 dollars.

Bien que la proposition offre un florilège de moyens aux déposants pour retirer ou transférer des dollars, nombre d'entre eux en sont empêchés par une condition selon laquelle ils doivent détenir plus de dépôts en devises que de dettes en dollars. Or, ce n'est tout simplement pas le cas pour une bonne partie des déposants. Le seul moyen de couvrir ces exemptions passe par les fonds dont les banques commerciales disposent auprès de leurs correspondants étrangers, affirme le député Kanaan (CPL, aouniste) à L'Orient Today, en soulignant que les réserves obligatoires ne doivent pas être touchées, soit un minimum de 15 % du total des passifs des banques en dollars, qui doivent être conservés à la banque centrale.

Dans sa lettre, Salim Sfeir indique que les banques dans leur ensemble ont une position nette négative à l'étranger, ce qui signifie qu'elles sont à court de devises et ne peuvent donc pas régler avec leurs propres fonds.

La proposition de loi exempte, d’autre part, les institutions financières étrangères, les ambassades et les organisations internationales, régionales ou arabes du contrôle des capitaux. Il confie à la BDL le soin de créer une « unité centrale pour les transferts », chargée d’enregistrer et de superviser toutes les demandes de transfert, ainsi que d'établir un mécanisme pour ce processus. Cette unité devra recevoir les demandes de toutes les banques et s'assurer que des transferts à l'étranger ne soient pas effectués à partir de plusieurs banques dans le même but ou ne dépassent pas le plafond fixé pour ces transferts.

La responsabilité du suivi de la mise en œuvre de la loi relèvera de la banque centrale, qui devra soumettre un rapport trimestriel au ministre des Finances et à la Haute autorité bancaire, qui comprend le gouverneur de la BDL et son troisième vice-gouverneur, le directeur général du ministère des Finances et membre de la Commission de contrôle bancaire. La loi sera appliquée pendant un an, mais le Conseil des ministres pourra prolonger ou raccourcir cette période après en avoir référé au ministre des Finances et au gouverneur de la BDL.

La proposition de loi, qui a été préparée par un sous-comité parlementaire des finances et du budget, sera présentée aux membres de la commission pour discussion, puis remis au président du Parlement Nabih Berry, qui le transférera au Parlement pour vote ou le renverra à une commission parlementaire mixte pour une discussion plus approfondie, précise le député Kanaan.


(Cet article a été originallement publié en anglais sur le site de L'Orient Today le 28 avril 2021)

Une proposition de loi urgente sur le contrôle des capitaux, qui encadre strictement le retrait et le transfert de devises, vient finalement d’être mise au point par le président de la Commission des finances et du budget du Parlement, Ibrahim Kanaan, plus d’un an après le début d’une grave crise financière qui a vu les banques commerciales limiter l’accès des déposants à leurs...

commentaires (8)

The law treats individuals and companies in the same way. While the world is implementing stimulus packages to jumpstart the economy after the pandemic, the Lebanese state does the opposite and restricts the Lebanese access to their own money. A firm limit on withdrawals in foreign currencies is likely to bankrupt businesses and deal the Lebanese economy a death blow. The law does not distinguish between individuals and businesses, small and large. A capital control legislation should be part of an economic package to restart the economy and should not be implemented in isolation. Parliament is legalizing the theft of the savings of the Lebanese population while the rich and powerful have already transferred their accounts to offshore bank accounts. The corruption and thievery of the Lebanese political elite class has no bottom.

Mireille Kang

19 h 20, le 02 mai 2021

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Commentaires (8)

  • The law treats individuals and companies in the same way. While the world is implementing stimulus packages to jumpstart the economy after the pandemic, the Lebanese state does the opposite and restricts the Lebanese access to their own money. A firm limit on withdrawals in foreign currencies is likely to bankrupt businesses and deal the Lebanese economy a death blow. The law does not distinguish between individuals and businesses, small and large. A capital control legislation should be part of an economic package to restart the economy and should not be implemented in isolation. Parliament is legalizing the theft of the savings of the Lebanese population while the rich and powerful have already transferred their accounts to offshore bank accounts. The corruption and thievery of the Lebanese political elite class has no bottom.

    Mireille Kang

    19 h 20, le 02 mai 2021

  • Une seule solution pour un pays comme le Liban ou la BDL est au main des politiques, la Caisse d'Emission ou Currency Board. Ceci limitera strictement la stock de LL aux reserves en devise étrangère,gère de référence en enlevant à la BDL la possibilité de faire tourner la planche a billet, d'ou un arrêt immédiat de l'inflation et de la dévaluation du pouvoir d'achat.

    Bachir Karim

    13 h 32, le 02 mai 2021

  • Nos "eminents" banquiers regroupes autour de Selim Sfeir dans l'ABL veulent pouvoir continuer a pratiquer indefiniment le haircut sur les deposants en devises qui est actuellement a environ 74 % par le jeu des multiples taux de change. Qu'ils commencent a rendre les sous qu'ils ont vole aux memes deposants en les transferants sur leurs propres comptes a l'etranger. Racaille !

    Michel Trad

    11 h 12, le 02 mai 2021

  • Ces députés qui ont retardé ce projet de 18 mois, ont semble-t-il, beaucoup gratté leur cervelle pour aboutir à la formule corrompue à leur image, et qui les favorise pour accéder aux devises fraîches, en excluant les petits déposants. N'essayez pas.

    Esber

    10 h 53, le 02 mai 2021

  • Tous les déposants devraient être traités de la même façon, et non faire des sélections abusives.

    Esber

    10 h 47, le 02 mai 2021

  • Le projet devrait avoir le soutien des instances monétaires qui vont investir dans les projets, pour être loin du clientelisme qu'on risque de voir renaître.

    Esber

    10 h 43, le 02 mai 2021

  • Manque de clarté, et risque de favoritisme pour des déposants sélectifs.

    Esber

    09 h 52, le 02 mai 2021

  • Donc en clair, on légalise la séquestration l’épargne des libanais par les banques. Et pourquoi? Parce que les banquiers ont financé en pleine connaissance le déficit de l’Etat alors qu’ils savaient pertinemment que cet État est insolvable et que le paiement des intérêts allait s’arrêter. C’est bien pour cette raison que les banquiers ont transféré à l’étranger tous leurs avoirs, ceux de leurs proches et ceux des politiciens. En conclusion c’est l’honnête citoyen qui paie pour la mauvaise gestion des banques, la dilapidation et le détournement des fonds publics pendant que les responsables de cette situation continuent à vivre tranquillement alors qu’ils devraient au moins avoir la décence de démissionner de leurs postes. Dans l’absolu, ils devraient tous comparaître devant une juridiction indépendante qui doit saisir tout leur patrimoine à titre conservatoire

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 35, le 02 mai 2021

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