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Moyen-Orient - Éclairage

Pourquoi Abbas pourrait reporter les élections

Les échéances palestiniennes approchent à grands pas, mais de plus en plus d’observateurs considèrent que leur avenir est déjà compromis.

Pourquoi Abbas pourrait reporter les élections

Un manifestant palestinien court devant une barricade en feu lors d’affrontements avec la police israélienne, alors que le mois de jeûne musulman du ramadan se poursuit, à Jérusalem, le 22 avril 2021. Ammar Awad/Reuters

Les élections palestiniennes pourraient ne pas avoir lieu. Ou, tout du moins, pas aux dates initialement prévues. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait pourtant publié un décret à la mi-janvier fixant le calendrier des scrutins à venir : le 22 mai pour les législatives et le 31 juillet pour la présidentielle, suivis, le 31 août, par le renouvellement du Conseil national de l’OLP. Une première depuis 15 ans. Près des deux tiers de la population vivant dans les territoires palestiniens a aujourd’hui moins de 29 ans et étant donné l’ancienneté des derniers scrutins – 2005 pour l’élection présidentielle et 2006 pour celles législatives – environ la moitié de l’électorat actuel, compris entre 18 et 33 ans, n’a jamais eu l’opportunité de participer à de telles échéances.

Sauf que, pour l’heure, Israël n’a toujours pas donné suite aux requêtes palestiniennes l’exhortant à permettre la tenue du scrutin législatif à Jérusalem-Est. Dans un entretien publié mardi dans an-Nahar, le conseiller de Mahmoud Abbas, Nabil Chaath, a accusé l’État hébreu d’ignorer les demandes de l’Autorité palestinienne, précisant que ne pas autoriser les bureaux de vote à Jérusalem-Est perpétue les tentatives visant à « séparer Jérusalem des (Palestiniens) ». De son côté, le porte-parole de Mahmoud Abbas, Nabil Abou Roudayna, a déclaré à la radio officielle Voice of Palestine que l’Autorité palestinienne « ne tiendra pas les élections si Israël n’autorise pas les scrutins à Jérusalem-Est ».

« Israéliser la ville »

Officiellement, la participation des Palestiniens de Jérusalem aux élections palestiniennes est prescrite dans les Déclarations de principes entre Israël et l’OLP, et plus précisément dans l’article II de l’accord d’Oslo I de 1993 et dans l’article IV de l’accord d’Oslo II de 1995. D’après ceux-ci, une partie, minoritaire, des habitants concernés – 5 367 en 1996 et 6 300 en 2006 – est autorisée à voter dans l’un des bureaux de vote gérés par Israël à Jérusalem-Est. Le reste de la population doit se rendre aux urnes dans des bureaux situés à la périphérie de la ville. Dans un communiqué datant du 18 avril, la Commission électorale centrale palestinienne a souligné que près de 150 000 électeurs de Jérusalem-Est pourraient voter dans des bureaux extra-muros, dans le cadre d’un processus électoral qui ne requiert aucun feu vert israélien. La problématique concerne donc avant tout les 6 300 votants intra-muros. « Israël impose des obstacles encore plus importants qu’auparavant à la participation des Palestiniens de Jérusalem aux élections. C’est là l’une des conséquence de la reconnaissance par l’administration américaine précédente – menée par Donald Trump – de Jérusalem comme capitale unifiée d’Israël, avec, notamment, le déplacement de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à la Ville sainte », commente Oraib al-Rantawi, directeur du Centre al-Qods pour les études politiques. « Israël s’est montré d’autant plus déterminé à israéliser la ville et à la dépouiller de toute expression nationale palestinienne », note-t-il.

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En pratique, le vote des 6 300 votants concernés ne devrait pas modifier le résultat final, puisque plus de 2,5 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza doivent se rendre aux urnes. Mais la question est à la fois éminemment symbolique et politique. L’État hébreu considère Jérusalem comme étant – dans son entièreté – sa capitale et de ce fait bannit les activités de l’Autorité palestinienne dans la partie orientale de la ville. Or, côté palestinien, on estime que Jérusalem-Est est l’une des colonnes vertébrales du projet national, capitale d’un futur État.

Arrestations

Les sorties de Mahmoud Abbas se distinguent, pour l’heure, par leur flou. Alors qu’il assure vouloir tenir ses engagements, il a également mentionné que ces élections ne pourraient avoir lieu si les Palestiniens de Jérusalem-Est n’étaient pas en mesure de voter. « Il y a beaucoup de choses techniques que vous pouvez faire pour contourner ces obstacles, mais ce n’est pas le but », a estimé lundi Diana Buttu, ancienne conseillère juridique des négociateurs palestiniens, dans des propos cités par l’AFP, ajoutant que les candidats s’attendent à « pouvoir aller à Jérusalem, faire campagne à Jérusalem, voter à Jérusalem ». Près de 60 candidats aux élections législatives sont effectivement originaires de la ville. Signe de l’activisme israélien, trois candidats palestiniens – deux présents sur la liste du Fateh menée par Mahmoud Abbas et l’un sur la liste de l’Union démocratique palestinienne – ont été arrêtés il y a une semaine alors qu’ils tenaient une conférence de presse à l’hôtel Saint George au sujet des élections dans la partie orientale de la ville. Des actions qualifiées par le centre palestinien des droits humains comme relevant d’une « décision politique claire pour empêcher la participation des Palestiniens aux élections et leur dénier leur droit de voter ou de concourir au scrutin ». Et qui s’inscrivent dans une continuité puisque précédemment, au cours du même mois, une rencontre similaire qui devait se tenir à l’hôtel Ambassador a été proscrite et deux candidats arrêtés.

Pour mémoire

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Les atermoiements de l’Autorité palestinienne interviennent dans un contexte hautement explosif. Jérusalem est depuis le début du ramadan en proie à des violences dues aux entraves imposées par la police israélienne aux Palestiniens les empêchant de se rassembler sur les marches de la porte de Damas, l’un des principaux accès à la vieille ville. Jeudi soir, la tension est montée d’un cran dans le sillage d’une manifestation nocturne organisée par des militants israéliens d’extrême droite, scandant « Mort aux Arabes » et harcelant les Palestiniens sur leur passage, dont une centaine ont été blessés. « Il y a un consensus sur la nécessité de transformer les élections en bataille pour Jérusalem, afin de consacrer le caractère palestinien de cette ville. Là où s’expriment les dissensions, c’est au sujet de l’attitude à adopter vis-à-vis du processus électoral dans le cadre des obstacles imposés par Israël », explique M. Rantawi. « Il y a un courant politique qui agit comme s’il fallait octroyer à Israël un droit de veto dans ces élections, qui agit comme s’il espérait qu’Israël facilite les élections à Jérusalem », poursuit-il.

Pour beaucoup d’observateurs, Jérusalem servirait ainsi surtout de prétexte à l’Autorité palestinienne et à Mahmoud Abbas pour reporter aux calendes grecques un scrutin qui ne leur serait pas favorable. Initialement, les élections devaient, dans les grandes lignes, opposer le Fateh et son rival du Hamas, sorti grand vainqueur du scrutin législatif en 2006, avant de prendre le pouvoir par la force à Gaza l’année suivante. Or, s’il est une chose que partage l’État hébreu et l’Autorité palestinienne, c’est la crainte de voir le mouvement islamiste gagner du terrain en Cisjordanie, dans un contexte marqué par ailleurs par des déclarations américaines évasives, avec une administration Biden qui s’est illustrée par des sorties plutôt générales sur la nécessité d’une solution à deux États. Qui plus est, Mahmoud Abbas doit désormais composer avec deux listes issues du Fateh qui lui font concurrence, dont l’une dirigée par le très populaire Marwan Barghouti, toujours détenu en Israël. Selon un nouveau sondage publié par le Jerusalem Media and Communication Center, en coopération avec la German Friedrich Ebert Stiftung Foundation – et à prendre avec précaution –, M. Barghouti arriverait en tête du scrutin présidentiel, crédité de plus de 35 % des voix contre 24,5 % pour Mahmoud Abbas et 10,5 pour le leader du Hamas Ismaël Haniyeh.

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