Depuis quelque temps, des rapports sécuritaires évoquent un afflux d’armes pour le compte de certaines parties, notamment dans le nord du pays et dans la Békaa. De plus, des informations sont publiées régulièrement dans les médias sur des cycles d’entraînements militaires donnés par certains partis à leurs membres. Elles visent essentiellement les Forces libanaises, notamment après des déclarations de certains de leurs cadres sur le sujet. Mais, selon les rapports sécuritaires, le phénomène d’armement serait plus généralisé et toucherait essentiellement des groupes installés dans le nord du pays.
Dans ce sillage, les rapports précités parlent du retour, dans certaines localités rurales, à un phénomène d’autosécurité assurée par des jeunes qui se chargent de monter la garde, surtout la nuit, avec l’aval des polices municipales. Les rapports précisent que jusqu’à présent, les « gardiens » ne sont pas armés, mais avec la prolifération des armes individuelles chez les Libanais, celles-ci peuvent apparaître très rapidement lorsque le besoin s’en fera sentir. Ce souci de protéger sa localité, son village, voire sa maison et sa famille, est sans doute dû à un sentiment d’insécurité ou à un manque de confiance dans les institutions de l’État. Mais ceux qui ont vécu le déclenchement de la guerre dite civile en 1975 ont l’impression de revivre les mêmes circonstances qu’à l’époque. D’autres encore estiment que le recours à l’autosécurité ou aux sociétés dites de sécurité privée rappelle la période qui a précédé le 7 mai 2008, lorsque ces mêmes sociétés avaient proliféré dans certains quartiers de la capitale, quelques semaines avant le coup de force du Hezbollah.
Est-ce à dire que le Liban serait à la veille d’un nouvel affrontement interne ou d’un bras de fer selon le modèle du 7 mai 2008 ? La question se pose avec acuité, d’autant que la crise économique actuelle, sans précédent, est en train de se transformer en crise de confiance dans les institutions de l’État, qu’il s’agisse des institutions sécuritaires, éducatives ou sanitaires, et même dernièrement judiciaires. La crise de coronavirus et le repli géographique ont encore renforcé chez le Libanais le sentiment d’appartenance à sa communauté au détriment de l’allégeance à la patrie. Pour plusieurs raisons, en tête les questions économiques, les pénuries successives d’essence et un profond sentiment d’angoisse pour l’avenir, les Libanais se déplacent moins et leur espace géographique s’est ainsi réduit, entraînant automatiquement un repli identitaire vers la communauté, la région, ou même la localité et le quartier. De plus, les initiatives médiatisées du Hezbollah d’assurer aux régions où il est populaire les matières de base pour la survie en période de crise ont renforcé encore plus le sentiment de clivage politico-confessionnel.
Contre qui les « gardiens » de nuit protègent-ils donc leur quartier ou leur localité ? En principe contre les voleurs devenus de plus en plus nombreux depuis le début des crises économique et sociale. Mais très vite, la situation peut déraper, et les clivages politiques et confessionnels peuvent ainsi reprendre le dessus. D’ailleurs, si on jette un regard à la situation globale du pays, on découvre rapidement que certaines régions et villes vivent dans une sorte d’autonomie totale. C’est ainsi par exemple que, même au plus fort des mesures de confinement, Saïda et Tripoli, ainsi que, dans une moindre mesure, Nabatiyé et Tyr, ont gardé un mode de vie normal, comme s’il s’agissait d’îlots isolés du reste du pays. Certes, le phénomène portait essentiellement sur le confinement, mais en même temps, certains habitants avaient commencé « à veiller sur leurs quartiers », et ainsi de suite.
Interrogées sur ce phénomène et sa portée, des sources sécuritaires bien informées se veulent rassurantes. Selon elles, il y a certainement un afflux d’armes individuelles dans certaines régions, notamment celles qui sont proches de la frontière avec la Syrie, mais cela ne signifie nullement que le pays est au bord de la guerre civile. Selon ces mêmes sources, la décision de déclencher une guerre interne repose sur plusieurs éléments, à la fois locaux, régionaux et internationaux. En 1975, la guerre a commencé par un clash entre la milice des Kataëb et les Palestiniens armés. Or, les milices chrétiennes avaient commencé à s’entraîner et à s’armer avec l’aval et l’aide de l’armée libanaise et de l’État en général, surtout après l’affrontement de 1973 entre les soldats libanais et les organisations palestiniennes. Celui-ci avait été rapidement circonscrit à cause de la division interne sur le sujet et de l’appui des pays arabes aux factions palestiniennes. Aujourd’hui, les circonstances sont différentes. L’armée libanaise bénéficie de l’appui de la population. Elle remplit son rôle et évite soigneusement de se laisser entraîner dans des conflits politiques. En dépit de la division profonde du pays, l’armée et les différents services continuent de coordonner leur action et de lutter contre le terrorisme. Ils parviennent ainsi à assurer un minimum de sécurité dans le pays, malgré le soudain réveil des cellules terroristes dans les pays voisins, notamment en Syrie et en Irak.
Enfin, sur le plan international, il n’y a aucune décision de laisser le Liban plonger de nouveau dans la guerre et le chaos. Les pays occidentaux, les États-Unis en tête, continuent d’investir dans l’armée libanaise, et les Européens ne veulent absolument pas entendre parler d’une déstabilisation du Liban qui pourrait pousser les réfugiés syriens et palestiniens à chercher à se rendre chez eux. En Europe, la vague d’afflux de migrants qui a eu lieu en 2015 à partir de la Turquie est encore dans les mémoires et elle constitue une expérience que nul ne souhaite rééditer.
Pour toutes ces raisons, les sources sécuritaires précitées affirment que l’arrivée d’armes individuelles au Liban pour des parties privées ne constitue pas un facteur d’inquiétude. Selon leur analyse, le pays n’est pas à la veille du déclenchement d’une nouvelle guerre civile, et on ne peut pas vraiment parler d’un phénomène d’afflux d’armes. Mais cela ne signifie pas qu’il ne faut pas rester vigilant.
Depuis quelque temps, des rapports sécuritaires évoquent un afflux d’armes pour le compte de certaines parties, notamment dans le nord du pays et dans la Békaa. De plus, des informations sont publiées régulièrement dans les médias sur des cycles d’entraînements militaires donnés par certains partis à leurs membres. Elles visent essentiellement les Forces libanaises, notamment...
commentaires (9)
Heureusement qu'on a les armes de la moumanaa pour nous protéger d'une guerre civile entre les différentes composantes de notre société. Ces composantes que le hezb et le cpl insistent à bien les démarquer et à souligner leurs différences mortelles que seul l'union du hezb et du cpl nous en protègent. Je dit heureusement bien sûr car là au moins on sait d'où nous vient la balle qui nous tue et de plus on a l'honneur d'être sélectionné pour être tué/assassiné car on s'est tenu fort et fier pour l'indépendance du Liban et la liberté de son peuple...
Wlek Sanferlou
22 h 22, le 22 avril 2021