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Société - Explosions au port

La demande de Nehmé d’exclure la piste terroriste suscite une polémique

Plusieurs proches des victimes ont fait part de leur intention de porter plainte contre le ministre sortant de l’Économie.

La demande de Nehmé d’exclure la piste terroriste suscite une polémique

Un bâtiment gravement endommagé le 4 août dernier dans le quartier de Gemmayzé, à Beyrouth, et qui n’a toujours pas été rénové, huit mois après les explosions du port. Anwar Amro/AFP

Depuis qu’a été rendue publique, ces derniers jours, une lettre envoyée au juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, par le ministre sortant de l’Économie Raoul Nehmé, ce dernier est au cœur d’une polémique. Dans cette missive datée du jeudi 8 avril, M. Nehmé demande au juge en charge de l’enquête sur les explosions du port de Beyrouth de publier un « rapport officiel » excluant que des « actions terroristes ou belliqueuses » puissent être à l’origine du drame du 4 août, ce qui permettrait de débloquer le versement de compensations financières par les compagnies d’assurances. En conséquence de quoi le ministre est accusé par certains d’« ingérence » dans le processus judiciaire. Même si, face la polémique suscitée par sa missive, M. Nehmé s’est dit prêt à reformuler sa demande, les proches des victimes du port ont annoncé leur intention de vouloir porter plainte contre lui. « Certains responsables politiques veulent clore le dossier, nous n’accepterons pas qu’ils interfèrent dans le processus judiciaire. Nous allons porter plainte contre le ministre de l’Économie », confirme à L’Orient-Le Jour Youssef Mawla, dont le fils Kassem, employé du port de Beyrouth, a péri le 4 août dernier alors qu’il se trouvait sur son lieu de travail.

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Une délégation formée de proches des victimes avait manifesté samedi devant la demeure de M. Nehmé à Achrafieh, l’accusant de « s’autonommer juge ». Dans sa lettre, qui porte l’en-tête de la Commission de contrôle des assurances, un organisme dépendant du ministère de l’Économie, M. Nehmé demande au juge de « publier un rapport officiel excluant que des actions terroristes ou belliqueuses puissent être la cause ayant mené à l’explosion du 4 août ». Et ce afin de lui permettre de « donner ses instructions aux compagnies d’assurances libanaises pour qu’elles versent des compensations financières, dans le respect des droits des citoyens assurés ». Dans son texte, le ministre rappelle que la majorité des compagnies d’assurances ne couvrent pas les dégâts dus à des actes de guerre ou terroristes.

Les proches des victimes montent au créneau

« Ils peuvent bien essayer de clore ce dossier, leurs tentatives n’aboutiront pas. Nous ne nous sentons pas concernés par leurs manœuvres », assure pour sa part Rima Zahed dont le frère Amine, un père de famille de 42 ans, avait été retrouvé dans la mer 30 heures après les explosions. Il avait succombé à ses blessures une fois à l’hôpital. « Nous sommes vigilants, nous ne permettrons à personne d’interférer dans l’enquête. Nous allons porter plainte contre Raoul Nehmé », affirme-t-elle, elle aussi, à L’OLJ. Le ministre sortant de l’Économie n’était pas disponible hier pour répondre aux questions de L’OLJ. Il a néanmoins publié, samedi, un communiqué dans lequel il assure que sa missive « ne vise pas du tout à s’ingérer dans la procédure judiciaire ». Le ministre se dit également prêt à la retirer et la reformuler. Il souligne que la lettre envoyée en son nom visait principalement à « insister sur l’importance que le rapport sur les causes de la déflagration soit publié le plus rapidement possible ».

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La ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, assure pour sa part à L’OLJ que cette missive polémique ne lui est toujours pas parvenue, comme l'usage l'exige, et que « le juge Bitar ne l’a donc pas reçue non plus ». « Si elle a été envoyée, cette lettre est sans doute encore dans le circuit postal. Le cas échéant, il se peut qu'elle me parvienne aujourd’hui ou demain, mais en tout état de cause je ne l'aurai pas transférée au juge Bitar mais renvoyée à l'expéditeur », explique-t-elle. « Je n'étais pas au courant de cette lettre mais depuis plusieurs mois, les assurés et les compagnies d'assurance nous demandent un document qui précise quelles sont les raisons de l'explosion, et je leur ai toujours donné la même réponse : ce n'est pas le gouvernement ou la ministre qui enquête, c'est au juge d'instruction de le dire », assure la ministre sortante de la Justice.

Une lettre « contraire à la loi »

Contacté par L’OLJ, Antoine Sfeir, avocat aux barreaux de Beyrouth et de Paris et maître de conférences à l’Université Saint-Joseph, estime que la lettre du ministre sortant de l’Économie « est contraire à la loi ». « Il s’agit d’une interférence dans le processus judiciaire, vu que c’est un crime qui a été déféré devant la Cour de justice par le Conseil des ministres », estime Me Sfeir. « Si le juge prend cette lettre en considération, et je doute fort qu’il le fasse, il aura consacré une certaine portée à ce crime afin de faciliter la tâche aux assurances ou aux assurés. Cette sorte de démarche est contraire à la loi. Les conséquences d’une telle démarche pourraient être une altération de la véracité des faits et de la qualification du crime », met en garde le juriste. « Nous voulons faire savoir au ministre Raoul Nehmé que sa lettre adressée au juge d’instruction près la Cour de justice constitue un délit, qui est sanctionné par une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans et une amende », selon l’article 419 du code pénal, a par ailleurs tweeté, samedi matin, l’avocat et directeur de l’ONG Legal Agenda, Nizar Saghieh. Dans un second tweet, il précise que l’article 419 renforce la peine pour les personnes exerçant une fonction publique, portant la peine de prison à quatre ans et demi.

Depuis qu’a été rendue publique, ces derniers jours, une lettre envoyée au juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, par le ministre sortant de l’Économie Raoul Nehmé, ce dernier est au cœur d’une polémique. Dans cette missive datée du jeudi 8 avril, M. Nehmé demande au juge en charge de l’enquête sur les explosions du port de Beyrouth de publier un...

commentaires (6)

La plainte contre ce "ministre" , comme tant d'autres avant, ira à la poubelle.. ou si suite il y a, Michel Samaha condamné à 13 ans de prison avec travaux forcés et à la déchéance de ses droits civiques pourrait en attester, ces condamnations valent peanuts ...

C…

16 h 10, le 12 avril 2021

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Commentaires (6)

  • La plainte contre ce "ministre" , comme tant d'autres avant, ira à la poubelle.. ou si suite il y a, Michel Samaha condamné à 13 ans de prison avec travaux forcés et à la déchéance de ses droits civiques pourrait en attester, ces condamnations valent peanuts ...

    C…

    16 h 10, le 12 avril 2021

  • "Il souligne que la lettre envoyée en son nom visait principalement à « insister sur l’importance que le rapport sur les causes de la déflagration soit publié le plus rapidement possible »." Mais foutez-nous la paix avec la cause de la de la déflagration!!! Quelle que soit la cause, ou les causes, toute la catastrophe a pour origine une seule raison: la présence ILLEGALE DU NITRATE D'AMMONIUM AU PORT DE BEYROUTH!!!! Cessez donc vos fadaises et allez voir comment le juge Jad Maalouf a pu donner l'ordre de décharger le NA! Et comment les responsables sécuritaires et administratifs du Port, qui savent exactement quelle est la procédure pour importation de cette matière dangereuse entre toutes, se sont permis de la décharger sans rouspéter et sans appeler les autorités supérieures, et en premier lieu le Commandant en Chef de l'Armée!!!

    Georges MELKI

    13 h 41, le 12 avril 2021

  • Ça s'appelle falsification de procédure en cours et il devrait croupir en prison les 10 années à venir... plus bête, c'est difficile.

    Christine KHALIL

    12 h 28, le 12 avril 2021

  • Pas besoin de reformuler la requête du ministre...C’est clair comme l’eau de roche. Interférence dans le cours de la justice....Comme ses patrons !

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 25, le 12 avril 2021

  • MEME S,IL Y A PISTE TERRORISTE ET LE MINISTRE ENTEND ISRAEL PAR CA, CONDAMNABLE CERTES POUR LES DESTRUCTIONS CIVILES, A QUI APPARTENAIT LE NITRATE ET POUR QUELLE FIN IL ETAIT UTILISE POUR QU,ISRAEL PRENNE UNE TELLE DECISION INHUMAINE POUR S,EN DEBARRASSER ? LE PREMIER RESPONSABLE DE LA CATASTROPHE RESTE CELUI QUI A STOCKE CE MATERIEL AU PORT EN PLUS DES 72+ CONTENEURS DE PRODUITS CHIMIQUES EXPLOSIFS ET DES DECHETS NUCLEAIRES A ZAHRANI. ET N,OUBLIONS PAS QUE LE HEZBOLLAH MENACAIT SOUVENT ISRAEL DE FRAPPER LES DEPOTS D,AMONIUM PRES DE TEL AVIV SPECIFIANT QUE CA DETRUIRAIT LA MOITIE DE LA VILLE. POURQUOI A-T-IL LAISSE LE NITRATE TOUJOURS STOCKE AU PORT ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 24, le 12 avril 2021

  • comment avait on promu ce type au poste de directeur general d'une des grandes banques de la place ? ce type n'en est pas a sa 1ere bourde . comme quoi, "" pardonnez le car il ne sait pas ce qu'il fait "" est ce qu'il merite raoul !

    Gaby SIOUFI

    10 h 09, le 12 avril 2021

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