
Le patriarche maronite Béchara Raï. Photo ANI
Si le concept de neutralité n’est pas nouveau dans l’histoire du Liban, il a été récemment remis sur le devant de la scène par le patriarche maronite Béchara Raï. Cette notion était au cœur de son discours le 27 février dernier à Bkerké, dans lequel le prélat a déclaré : « Le non-respect de la neutralité est la cause unique de toutes les crises et guerres que le Liban a traversées. À chaque fois que le pays a suivi un axe régional ou international, le peuple s’est divisé et des guerres se sont déclenchées. » Mais de quoi ce concept est-il effectivement le nom ? Qu’implique-t-il en termes de politique étrangère dans un pays secoué tout au long de son histoire moderne par les conflits régionaux ? Retour sur les enjeux d’une vision.
Le concept de neutralité en relations internationales
Principe de droit international découlant des conventions de La Haye de 1899 et 1907, les juristes s’accordent à définir la neutralité comme un régime juridique spécifique qui peut découler de la décision unilatérale d’un État ou être le résultat d’une convention internationale qui accepte la neutralité d’un pays donné. Par exemple, l’Autriche qui négocie en 1955 le retrait des forces soviétiques de son territoire par l’inscription dans sa Constitution de sa « neutralité éternelle », ou bien la Suisse qui accède à ce statut par l’accord des grandes puissances européennes lors du traité de Paris en 1815. Celui-ci redessinait les frontières de l’Europe au lendemain de la défaite de Napoléon à Waterloo. La neutralité signifie la non-interférence dans les conflits, l’absence d’assistance matérielle et de ravitaillement, le refus d’engager des troupes dans des affrontements armés, la fermeture de son espace naval et aérien à tout appareil militaire tout en conservant le droit de commercer librement avec les parties.
Il convient de ne pas confondre la neutralité avec le non-alignement qui représente le refus d’un pays de rejoindre une alliance militaire particulière, ni avec l’isolationnisme qui reflète la volonté d’un pays de rester à l’écart des affaires internationales en se concentrant sur la politique domestique. La neutralité doit aussi être différenciée du concept d’antimilitarisme, comme appliqué dans certains pays, dont le Costa Rica qui n’a plus d’armée depuis 1948. Pour la Confédération helvétique, la neutralité ne rime pas avec l’absence de force militaire. Bien au contraire. La Suisse est l’un des pays les plus militarisés au monde et la conscription y est toujours obligatoire.
La neutralité positive
Les concepts de « neutralité active » et « neutralité positive » reviennent régulièrement dans les études portant sur les différentes approches liées à ce principe. Au-delà de l’application stricte de leur neutralité, certains pays en font même un paradigme autour duquel est construite leur action diplomatique et promeuvent ces valeurs à l’international pour se poser en médiateurs. La Suisse est par exemple engagée dans une promotion active de cette neutralité et participe à plusieurs opérations. Des observateurs suisses sont par exemple présents à la frontière entre les deux Corées.
C’est à cette neutralité active que le patriarche Raï a fait référence dans son discours du 17 août 2020. Le prélat imagine le pays du Cèdre comme un promoteur pacifique de la bonne entente intercommunautaire et du dialogue interreligieux. Le sultanat d’Oman est peut-être le seul pays dans la région à mener une politique de neutralité vis-à-vis de ses voisins saoudien et iranien. Oman s’est avéré être un médiateur incontournable dans de nombreux dossiers, notamment le nucléaire iranien.
La neutralité dans l’histoire du Liban
Les historiens considèrent généralement que le concept est aussi vieux que le Liban. Le pacte national de 1943, sans évoquer la neutralité, mettait clairement en avant la notion d’indépendance, dans le sens d’un non-alignement, « ni sur l’Orient ni sur l’Occident ». Ce positionnement a très vite été fragilisé par la création d’Israël en 1948, à laquelle le Liban s’est opposé comme le reste des pays arabes. Puis par la crise de Suez en 1956, durant laquelle le président Camille Chamoun a pris le parti des Français et des Britanniques contre Nasser. Le président Fouad Chéhab a tenté durant son mandat (1958-1964) de redonner corps à ce principe de neutralité, à une période où le Liban a pu profiter d’un certain compromis entre les États-Unis et l’Égypte de Nasser. « La grande règle qui doit commander la politique étrangère libanaise est celle du non-alignement. Nous n’avons ni le droit ni d’ailleurs le pouvoir de prononcer des options ou de prendre des engagements qui, en risquant de faire éclater l’unité libanaise, desservent la cause même que nous prétendrions servir », écrit à l’époque Georges Naccache, fondateur de L’Orient. La guerre de 1967, puis surtout l’implantation des Palestiniens au Liban et la guerre civile qui débute en 1975 vont toutefois faire voler ces principes en éclats.
La déclaration de Baabda
La déclaration de Baabda, initiative du président Michel Sleiman en 2012, prône la distanciation par rapport aux conflits régionaux dans son article 12 : « Garder le Liban à l’écart des conflits et des axes régionaux et internationaux, et lui épargner les retombées négatives des crises régionales, afin de préserver son intérêt supérieur, dans le cadre du respect des résolutions internationales, de l’unanimité arabe et de la juste cause palestinienne. » Ce document restera toutefois lettre morte en raison des interférences des partis libanais, en particulier le Hezbollah, dans le conflit syrien. De nature politique et non contraignante, cette intention n’a pas été suivie par le vote d’un texte de loi pour réaffirmer ce principe et le rendre obligatoire.
Limite du concept dans le contexte actuel
Le concept de neutralité semble être condamné, au moins pour le moment, à demeurer une utopie compte tenu du contexte local et régional. Plusieurs partis politiques libanais entretiennent actuellement des liens étroits avec des puissances étrangères, parfois mêmes organiques. Cela n’est pas nouveau, même si le cas du Hezbollah est tout de même particulier. Historiquement, les partis locaux se sont souvent appuyés sur un parrain étranger autant politiquement que financièrement. Le système politico-confessionnel du Liban, petit pays aux allégeances multiples, facilite les interférences étrangères sur la base d’une prétendue identité commune à défendre.
Le principe de neutralité, encore plus si elle est positive, suppose que les acteurs s’entendent en amont sur une certaine vision de ce que doit être la politique étrangère libanaise, alors que la région est secouée depuis des années par la guerre des axes. La division des partis locaux par rapport à la guerre syrienne met en évidence les limites de la démarche. La question de la politique à adopter par rapport à Israël se pose aussi, alors que les deux pays sont encore « en guerre », même si l’accord d’armistice qu’ils ont signé en 1949 n’a jamais été officiellement dénoncé. Si bien que la neutralité peut être aujourd’hui un principe ou un objectif, mais ne semble pas pouvoir être encore une politique.
Tous les pays ont réussi à faire appliquer les résolutions pour se d’édentée débarrasser des mercenaires sur leur sol sauf au Liban. On tourne autour du pot alors que la résolu 1559 leur donne la possibilité d’exiger le désarmement de tout parti sur le sol libanais. C’est ce que les autres ont fait sauf un, HB qui n’arrête pas depuis de renforcer ses troupes et multiplier ses armes pour nous tenir en otage avec. Alors où il est ce président qu’on attend depuis plus de vingt temps pour réclamer le désarment de ce parti vendu et enfin libérer le pays de son joug?
18 h 17, le 31 mars 2021