
Les quatre ex-Premiers ministres réunis hier à la Maison du Centre. Photo Dalati et Nohra
Après l’entretien orageux entre le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, lundi, Baabda semble être désormais disposé à passer à un plan B qui conduirait, on ne sait pas trop comment, à écarter M. Hariri du devant de la scène. Les péripéties politiques enregistrées au cours des dernières 24 heures illustrent cet objectif, même si la présidence ne veut toujours pas confirmer une telle orientation.
S’affirmant déterminé à voir former un cabinet dans les plus brefs délais, Michel Aoun a intensifié ses contacts avec les ambassadeurs des pays concernés par le dossier libanais. Une démarche qui a suscité des interrogations. Baabda serait-il sérieusement à la recherche d’un substitut à Saad Hariri ? La question s’est posée hier à l’issue de l’entretien de M. Aoun avec l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari, le premier entre les deux hommes depuis le 15 mai 2019.
Une source proche du dossier révèle à L’Orient-Le Jour que Walid Boukhari s’est rendu hier à Baabda à la faveur d’une convocation officielle de la part du président Aoun. La semaine dernière, il s’est abstenu de répondre à une simple invitation de la présidence, ajoute cette source. Elle confie que lors de la rencontre, Michel Aoun aurait déploré le fait que Saad Hariri n’arrive toujours pas à former une équipe ministérielle. Il se serait également dit « ouvert à toute proposition saoudienne » portant sur le nom d’un substitut à M. Hariri. M. Boukhari aurait alors répondu que Riyad n’entendait pas s’ingérer dans les affaires intérieures du Liban. Et de préciser que ce qui lui importait le plus, c’est la mise en place d’un cabinet capable d’opérer les réformes exigées par la communauté internationale. C’est d’ailleurs dans ce sens que vont les propos tenus par l’ambassadeur à l’issue de l’entretien. « Je suis venu (à Baabda) à la demande du président Aoun. Nous avons discuté des derniers développements au Liban. Et j’ai affirmé au président que l’Arabie saoudite soutenait (le pays du Cèdre), et que la vision du royaume est principalement axée sur les piliers de la politique étrangère saoudienne, à savoir le respect de la souveraineté des États et la non-interférence dans leurs affaires internes », a déclaré M. Boukhari, ajoutant : « J’ai insisté pour la formation d’un gouvernement à même de répondre aux aspirations des Libanais. » Le diplomate a également appelé les protagonistes politiques à privilégier l’intérêt général, du fait du besoin pressant de lancer des réformes radicales qui permettraient au Liban de recouvrer la confiance de la communauté internationale. Réitérant l’appel au respect des résolutions du Conseil de sécurité 1559 (2004), 1680 (2006) et 1701 (2006), Walid Boukhari a souligné que « c’est l’accord de Taëf qui garantit la paix et la stabilité au Liban ». Ces propos interviennent à la suite des appels lancés récemment par le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, puis par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, en faveur d’amendements constitutionnels.
L’entretien Aoun-Boukhari intervient aussi à l’heure où le Premier ministre désigné est à la peine dans ses rapports avec le royaume wahhabite, qui le juge trop conciliant à l’égard du Hezbollah et de ses alliés, depuis l’entrée en vigueur du compromis présidentiel de 2016. La présidence souhaiterait-elle donc profiter du froid entre les deux parties, quelles qu’en soient les causes, pour tenter de tourner définitivement la page Saad Hariri ? Les milieux proches de Baabda répondent naturellement par la négative, insistant sur l’atmosphère « très positive » de la rencontre entre MM. Aoun et Boukhari. Contacté par L’OLJ, un proche de la présidence tient toutefois à préciser que « le chef de l’État n’épargnera aucun moyen politique ou constitutionnel pour faire progresser le processus gouvernemental ». C’est dans ce cadre que Baabda inscrit l’entretien entre Michel Aoun et l’ambassadrice de France à Beyrouth, Anne Grillo, hier aussi. Devant la diplomate, le président a réaffirmé (son) « attachement » à l’initiative française en faveur du Liban.
La présidence s’efforce dans le même temps de réfuter les accusations selon lesquelles elle chercherait à se débarrasser de Saad Hariri. Mais le palais s’accroche toujours à son approche concernant la « méthodologie » de la formation du cabinet. « Saad Hariri est le Premier ministre désigné. Il doit respecter la Constitution et le pacte national. Il doit également présenter sa mouture conformément à l’approche que lui avait présentée le président Aoun, et qui est au centre de la Constitution », commente le proche de la présidence cité plus haut. « Nous voulons savoir la répartition des portefeuilles entre les communautés, et les parties qui nomment les ministres, avant de nous lancer dans les négociations », ajoute-t-il.
La contre-attaque sunnite
Une insistance qui suscite la colère des ténors de la communauté sunnite, comme le montre un communiqué virulent publié par Saad Hariri et trois ex-Premiers ministres, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati, réunis hier à la Maison du Centre. L’occasion pour eux de se lancer dans une contre-attaque contre Michel Aoun, se disant étonnés face au comportement (du président) qui va à l’encontre de la Constitution et des règles de la communication entre les présidents. « Le chef de l’État a outrepassé la Constitution, dans ce qui semble être une volonté de pousser le chef du gouvernement désigné à se récuser », poursuit le communiqué. Se félicitant de la prise de position de Saad Hariri, les ex-Premiers ministres ont insisté sur le fait que l’attachement du leader du Futur à sa mouture (de 18 ministres) est « une réponse aux demandes des Libanais et des pays amis ». Et d’appeler Saad Hariri à s’en tenir à sa position. Tout aussi virulent était le communiqué du groupe parlementaire du Liban fort de Gebran Bassil publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire. Prenant naturellement fait et cause pour Michel Aoun, le bloc a réfuté les « fausses allégations » de Saad Hariri, l’accusant de faire preuve de « manque de sérieux » et de vouloir obtenir la majorité absolue (la moitié plus un) au sein du cabinet.
Après l’entretien orageux entre le président de la République, Michel Aoun, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, lundi, Baabda semble être désormais disposé à passer à un plan B qui conduirait, on ne sait pas trop comment, à écarter M. Hariri du devant de la scène. Les péripéties politiques enregistrées au cours des dernières 24 heures illustrent cet objectif, même si...
commentaires (17)
COMMUNAUTE SUNNITE SI VOUS ACCEPTEZ DE CHANGER HARIRI, ET CE SERAIT UNE ERREUR GRAVE ET IMPARDONNABLE, MAIS SI PAR HASARD VOUS LE PENSEREZ ALORS NOMMEZ POUR P.M. SINIORA OU RIFI ET METTEZ AOUN ET SON GENDRE DETESTES DE LA PLUPART DES COMMUNAUTES LIBANAISES AU PIED DU MUR. MAIS HARIRI DEVRAIT ETRE UNE LIGNE ROUGE QUE LE TANDEM BOYCOTTEUR NE POURRAIT JAMAIS DEPASSER. QU,ILS DEMISSIONNENT !
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 48, le 24 mars 2021