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Société - Corruption

Le secret bancaire levé sur les comptes de Nabil Jisr et de huit de ses collaborateurs

Le président du CDR ainsi que des entrepreneurs et ingénieurs impliqués dans le dossier de l’assainissement des eaux usées seront entendus le 30 mars par la justice.

Le secret bancaire levé sur les comptes de Nabil Jisr et de huit de ses collaborateurs

À Ramlet el-Baïda, des égouts se déversent dans la mer sans avoir été traités. Photo d’archives L’OLJ

Le dossier de la défaillance dans l’exécution des infrastructures d’assainissement des eaux usées a refait surface hier, dans le cadre d’une enquête pour corruption, gaspillage de fonds publics et enrichissement illicite. La commission spéciale d’investigation (CSI) de la Banque du Liban a accepté la levée du secret bancaire sur les comptes du président du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), Nabil Jisr, ainsi que sur ceux d’ingénieurs, conseillers et entrepreneurs collaborant avec lui. La décision de lever le secret bancaire des comptes de M. Jisr et de ses collaborateurs fait suite à une demande en ce sens formulée par l’avocat général près la Cour de cassation, Ghassan Khoury, qui s’est fondé sur les poursuites engagées par le procureur général financier Ali Ibrahim auprès du premier juge d’instruction de Beyrouth par intérim, Charbel Abou Samra. Celui-ci devrait entendre les prévenus lors d’une audience fixée au 30 mars. Maître d’ouvrage des chantiers des stations d’épuration, le CDR avait investi des centaines de millions de dollars, notamment prêtés par des organismes internationaux, en vue d’apporter des solutions à la pollution bactériologique catastrophique qui souille l’ensemble du littoral. Mais à ce jour, la plupart des eaux usées continuent de se déverser dans la Méditerranée car les stations d’épuration ne sont toujours pas connectées aux réseaux d’égouts...

Une plainte mi-novembre 2019

L’origine de cette affaire remonte à mi-novembre 2019, quand le journaliste Salem Zahran a soumis au parquet de cassation une dénonciation judiciaire sur la base de laquelle le juge Ghassan Khoury a procédé à une enquête. Celui-ci a notamment interrogé des cadres du CDR et des professionnels collaborant avec l’organisme, affirme une source judiciaire interrogée par L’Orient-Le Jour. Le juge Khoury a ensuite établi un rapport qu’il a communiqué au procureur financier, Ali Ibrahim, lequel a déféré le dossier à l’avocat général près du parquet financier, Jean Tannous. En octobre 2020, le parquet a enclenché une action publique auprès du premier juge d’instruction de Beyrouth, Charbel Abou Samra, en se basant sur les investigations menées. À la question de savoir pourquoi l’audience de M. Abou Samra intervient si longtemps après l’engagement des poursuites, et pourquoi aujourd’hui, la source judiciaire interrogée affirme que ce décalage n’est dû qu’aux contraintes imposées par la crise sanitaire. La date a été choisie dès que les mesures de déconfinement ont été annoncées début mars, indique-t-elle, soulignant qu’un dossier d’une telle importance ne peut être traité à travers des audiences en ligne. Pour ne pas risquer l’intrusion de personnes qui leur viendraient en aide, les prévenus, au nombre de neuf, doivent nécessairement se présenter devant le juge, explicite cette même source, qui affirme qu’ils seront interrogés durant la même journée, pour éviter toute communication entre eux sur base de leurs déclarations respectives. Certains des prévenus sont accusés de ne pas avoir mené à bien l’exécution du projet d’assainissement, d’autres de ne pas avoir surveillé cette mise en œuvre.

Plus d’un milliard de dollars de gaspillage

Une autre source proche du dossier affirme que « cette affaire de corruption par excellence » a impliqué le gaspillage d’1,2 milliard de dollars. Les enquêteurs ont eu recours à une société d’ingénierie française, Apave, qui a procédé à l’inspection technique des stations d’épuration et du système d’assainissement, indique cette source, précisant que le groupe français a présenté un rapport accablant, dans lequel il est fait état tant de corruption que de défectuosités dans les installations, les rendant non opérationnelles. Les réseaux d’égouts sont pratiquement inexistants, observe la source, se désolant que « 23 stations (à Tripoli, Nabatiyé, Jeb Jennine, Saghbine, Baalbeck, Ghadir, Jiyyé…) aient été construites inutilement, la plupart n’étant pas raccordée à un système d’égouts ». Un des auteurs du rapport d’Apave aurait assuré que si les travaux de construction de canalisations destinées à l’évacuation des eaux usées étaient entamés maintenant, ils ne s’achèveraient pas avant dix ou quinze ans. D’ici là, les stations d’épuration ne seraient plus fonctionnelles, estime la source précitée. Celle-ci révèle par ailleurs que lors des concertations qui ont précédé la tenue de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) à Paris, le CDR avait réclamé un budget de 3 milliards de dollars pour la construction du système d’égouts. Ajouté à la somme déjà dépensée, ce montant représenterait une somme colossale si on le répartit par rapport au nombre d’habitants au Liban, fait observer la source. Le système d’assainissement coûterait ainsi 600 USD par individu, alors que le prix standard n’est que de 97 dollars, selon des estimations d’études de l’Union européenne.

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Le scandale réside en outre dans la conclusion de contrats de maintenance des stations d’épuration alors que celles-ci ne sont même pas opérationnelles. Selon la source précitée, depuis que ces stations ont été installées il y a de nombreuses années (certaines ont été achevées en 2004), des contrats annuels variant entre 1 et 3 millions de dollars sont conclus pour soi-disant entretenir les équipements.

L’OLJ a tenté d’entrer en contact avec le président du CDR, Nabil Jisr, qui n’a pas répondu aux sollicitations.

Reste à savoir quelle suite sera donnée à ce dossier judiciaire de corruption. Aboutira-t-il à l’élucidation des faits et à la sanction des coupables ? Ou sera-t-il enfoui dans les tiroirs ? Selon la procédure, chacune des personnes convoquées le 30 mars pourrait soit être inculpée, soit bénéficier d’un non-lieu. Le juge Abou Samra transmettra ses décisions au procureur financier qui devra donner son avis. Un avis non contraignant pour le juge d’instruction qui, en cas de divergence avec le procureur général financier, pourrait toutefois voir ses décisions contestées devant la Chambre des mises en accusation. En cas d’inculpation, les dossiers seront transmis à la Cour criminelle de Beyrouth s’il s’agit de crimes, et au juge unique pénal de Beyrouth s’il s’agit de délits. Si la justice suit son cours...

Le dossier de la défaillance dans l’exécution des infrastructures d’assainissement des eaux usées a refait surface hier, dans le cadre d’une enquête pour corruption, gaspillage de fonds publics et enrichissement illicite. La commission spéciale d’investigation (CSI) de la Banque du Liban a accepté la levée du secret bancaire sur les comptes du président du Conseil du...

commentaires (12)

Le CDR vient de nier complètement ces informations infondées. D'où vient cette information ? De Salem Zahraan ?

Esber

21 h 27, le 23 mars 2021

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Commentaires (12)

  • Le CDR vient de nier complètement ces informations infondées. D'où vient cette information ? De Salem Zahraan ?

    Esber

    21 h 27, le 23 mars 2021

  • Reste à savoir quelle suite sera donnée à ce dossier judiciaire de corruption. Aboutira-t-il à l’élucidation des faits et à la sanction des coupables ? Ou sera-t-il enfoui dans les tiroirs ? Selon la procédure, chacune des personnes convoquées le 30 mars pourrait soit être inculpée, soit bénéficier d’un non-lieu. Le juge Abou Samra transmettra ses décisions au procureur financier qui devra donner son avis. Un avis non contraignant pour le juge d’instruction qui, en cas de divergence avec le procureur général financier, pourrait toutefois voir ses décisions contestées devant la Chambre des mises en accusation. En cas d’inculpation, les dossiers seront transmis à la Cour criminelle de Beyrouth s’il s’agit de crimes, et au juge unique pénal de Beyrouth s’il s’agit de délits. Si la justice suit son cours... rien qu'a lire le nombre de juges donc d'obstacles a surmonter avant d'arriver a un jugement definitif me fait douter de la conclusion de cette affaire LA VERITE SI ON DONNAIT LES NOMS ET L'APPARTENANCE DES PERSONNES DONT LE SECRET BANCAIRE A ETE LEVE , ON COMPRENDRAIT QUI EST DERRIERE CETTE AFFAIRE MAIS C'EST ENCORE HEZBOLLAH QUI LA PARRAINNE CAR LE JOURNALISTE SALEM ZAHRAN S'EN ETAIT VANTE A L'EMMISSION 40 QUESTIONS A CE SUJET CE JOURNALISTE EST PROCHE DE HEZBOLLAH SANS LE CACHER AUCUNNEMENT . C'EST PROBABLEMENT CELA QUI A FAIT QUE CETTE AFFAIRE ARRIVERA A UN DENOUEMENT BRAVO DONC MAIS C'EST DOMMAGE QUE QUAND NASRALLAH N'EST PAS COMMENDITAIRE RIEN NE SE PASSE

    LA VERITE

    15 h 07, le 23 mars 2021

  • Ou sont les autres complices...les ingénieurs incompetants...., ,les bureau de contrôles. ..socotec...apave. ..qui a donné les ordres de payement aux entreprises....

    Christian Zakhia

    14 h 19, le 23 mars 2021

  • Il n’y a plus qu’à dessaisir le juge , comme ils l’ont fait pour le juge Sawan, dans l’enquête sur l’explosion du 4 août...

    LeRougeEtLeNoir

    13 h 33, le 23 mars 2021

  • Unique au monde ! payer une entreprise pour l’entretien d’un ouvrage qui n’existe pas et, qui existera peut-être dans dix ans c’est quand même édifiant ! ;=)) et vogue la galère… tout comme les gens qui sont payés depuis les années 60 à ce jour en tant que PDG, directeur, responsable du chemin de fer libanais qui n’existe plus, affligeant :=(( mais ça n’interpelle personne parmi les responsables politiques. Des exemples de ce genre on en trouve treize à la douzaine. Voilà la dure réalité du pays depuis toujours, c’est la magouille combine et dessous de table qui prévaut dans tous les milieux, il faut bien que les gens puissent vivre de quelque chose faute de travailler nous dit-on. Et vous trouvez cela drôle ? alors ne souriez pas, et évitez vos sarcasmes en désignant des lampistes volontaires pour porter le chapeau, en laissant les responsables jamais coupables sévir à souhait dans l’indifférence générale, vous contribuez à légaliser ces malfrats. Personne dans ce pays n’est tout blanc, si on cherche vraiment on trouvera toujours les innocents aux mains pleines de cambouis. Alors donnons la chance au nouveau gouvernement Hariri de remettre le Liban en ordre de marche pour l’avenir de nos enfants sans distinction de croyances.

    Le Point du Jour.

    12 h 52, le 23 mars 2021

  • QU'EST CE QU'IL Y A COMME JUGES ET AVOCATS ET JE NE SAIS QUOI ? ON DIRAIT LE SYSTÈME EST FAIT COMME ÇA POUR QUE LES CHOSES SOIENT PERDUS ET OUBLIÉES.

    Gebran Eid

    10 h 42, le 23 mars 2021

  • " Si la justice suit son cours..."! Voilà le mot-cle, la parole d'or dans cette corbeille de corruption qu'est le Liban. De quoi être fier!

    CW

    10 h 13, le 23 mars 2021

  • Il s'agit d'ouvrir tous les dossiers sans exceptions. Cet exemple est repandu partout, a tous les niveaux.

    Sabri

    08 h 56, le 23 mars 2021

  • "... Reste à savoir quelle suite sera donnée à ce dossier judiciaire de corruption. Aboutira-t-il à l’élucidation des faits et à la sanction des coupables ? Ou sera-t-il enfoui dans les tiroirs ? ..." - eh bien disons que le degré des sanctions sera inversement proportionnel au degré d’implication de partis ou personnalités politiques dans la combine... Vive le Liban Fort!

    Gros Gnon

    08 h 36, le 23 mars 2021

  • Le CDR a certes réalisé quelques beaux projets mais ils ont fait aussi des conneries monumentales comme cette question de stations d’épuration des eaux usées. Aussi le CDR était surtout une pompe à fric pour beaucoup de politiques et de leurs proches ( sans citer de noms car ils se reconnaîtront )

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 31, le 23 mars 2021

  • Il en était temps ...

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 22, le 23 mars 2021

  • "Si la justice suit son cours...". Tout est dans cette dernière phrase!

    Yves Prevost

    07 h 25, le 23 mars 2021

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