Il n’en demeure pas moins que le timing de cette ouverture aouniste en direction des Saoudiens pose beaucoup de questions. Car, il faut le rappeler, les rapports entre Michel Aoun et Riyad sont presque rompus depuis des années. Le royaume n’a jamais vu d’un bon œil l’accession du leader maronite allié du Hezbollah à la présidence de la République en 2016, fruit d’un compromis dont le leader sunnite Saad Hariri était l’acteur principal. Depuis, les relations entre le royaume et son ancien fils prodigue ne sont pas au beau fixe. Aujourd’hui, le Premier ministre désigné ne parvient toujours pas à obtenir l’appui de l’Arabie saoudite qui le pousse à rompre définitivement avec le Hezbollah envers lequel il lui est reproché d’être trop conciliant.
La rencontre intervient aussi à l’heure où le chef du CPL, Gebran Bassil, s’éloigne de plus en plus de son allié de longue date, le Hezbollah, sans aller jusqu’à couper les ponts avec lui. Dans son dernier discours dimanche, le leader chrétien s’est clairement prononcé, pour la première fois, pour le monopole de la violence légitime par l’État et en faveur d’une stratégie de défense dans laquelle l’armée réintégrerait son rôle en matière de défense du territoire et de ses frontières. Il a par ailleurs réaffirmé sa volonté de réviser le document d’entente le liant au parti chiite, plus de quinze ans après sa conclusion.
Une alternative à Hariri ?
Toutefois, c’est contre Saad Hariri que les critiques du gendre du président étaient attendues. Car il n’est plus un secret que Michel Aoun ne trouve plus un terrain d’entente avec le Premier ministre désigné autour du dossier gouvernemental. Pour le camp du président, le chef du courant du Futur freine volontairement le processus gouvernemental dans l’attente de signaux positifs à son égard de la part de Riyad, condition sine qua non pour la mise sur pied de son cabinet. Face à l’impasse qui cause de plus en plus de tort à son mandat alors que le pays se noie sous le poids de la crise, Michel Aoun serait-il à la recherche d’une alternative à Saad Hariri ? Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, Salim Jreissati aurait présenté au diplomate saoudien une proposition qui consiste à ce qu’un autre Premier ministre soit désigné pour former le cabinet, Saad Hariri étant dans l’incapacité de le faire, ajoutant que M. Aoun serait ouvert à tout candidat qui bénéficierait de l’appui de Riyad. Toujours d’après notre correspondant, M. Jreissati n’aurait pas reçu de réponse de la part de M. Boukhari à cette « offre ». Si le proche de Baabda évite de commenter ces informations, appelant les médias à « ne pas accorder de l’importance à ce genre de fantasmes », celles-ci ne sont pas sans rappeler les fuites début mars dans les médias sur une tentative de Michel Aoun de pousser Saad Hariri à la sortie. L’idée alors était de convoquer les chefs des blocs parlementaires ayant appuyé la nomination de M. Hariri à un dialogue élargi pour débattre d’une sortie de crise. Mais le Hezbollah aurait fait avorter cette démarche, la jugeant inopportune.
Une démarche qui « n’aboutira pas »
« Conscient de son échec, le mandat Aoun tente de s’accrocher à tout ce qui serait à même de le renflouer », réagit Ahmad Fatfat, ancien député haririen de Denniyé (Liban-Nord) et un des faucons du courant du Futur connu pour être un farouche opposant au Hezbollah. « Il est dans l’intérêt des Libanais résidant en Arabie que Baabda émette des signes positifs en direction de Riyad. Mais il reste qu’il ne suffit pas de déléguer un émissaire à l’ambassade d’Arabie à Beyrouth pour rétablir de bons rapports entre les deux pays. Il faut que la ligne politique actuelle soit profondément modifiée », explique M. Fatfat à L’OLJ.
De son côté, Moustapha Allouche, vice-président du Futur, voit dans une ouverture présidentielle envers Riyad une façon de « se débarrasser de Saad Hariri ». L’ancien député de Tripoli accuse implicitement le duo Baabda-CPL de vouloir profiter des rapports en dents de scie entre les Saoudiens et M. Hariri pour sortir de l’impasse actuelle. D’autant que plusieurs sites ont attribué récemment au prince héritier saoudien et homme fort du royaume, Mohammad ben Salmane, des propos selon lesquels « Saad Hariri n’a plus de choix que de se récuser ». Mais M. Allouche assure que la démarche aouniste n’aboutira pas. Et d’ajouter : « D’ailleurs, nous sommes entrés en contact avec les Saoudiens qui ont démenti les propos attribués à MBS. » Loin des spéculations, l’attitude qui se veut neutre de l’Arabie saoudite à l’égard du dossier libanais, un proche des cercles saoudiens ayant requis l’anonymat l’explique par une volonté du royaume de « ne pas s’ingérer dans les affaires internes du Liban ». Selon ce proche de Riyad, « l’Arabie n’a aucun problème avec Saad Hariri, ni avec toute autre partie libanaise, exception faite du Hezbollah ». Il estime même que Riyad pourrait tendre la perche au Premier ministre désigné, en le recevant prochainement.
En attendant, Walid Boukhari a poursuivi mardi sa tournée auprès des chefs religieux libanais et s’est entretenu avec le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Élias Audi. Le diplomate a déclaré devant son hôte que Riyad ne faisait aucun « favoritisme » entre les différentes communautés libanaises, en ce qui concerne ses relations avec le pays du Cèdre. Il a, en outre, assuré Mgr Audi du « soutien » du royaume saoudien au peuple libanais et de sa volonté de « l’aider à sortir de la crise à laquelle il doit faire face à tous les niveaux ».
commentaires (3)
ILS SE DECULOTTENT PETIT A PETIT NOS CPLIENS SANS POUVOIR OU SANS ESPOIR D,ENDOSSER LEUR COSTUME EN ENTIER OU MEME EN MOITIE.
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 07, le 17 mars 2021