Le Parlement libanais, réuni hier après-midi au palais de l’Unesco à Beyrouth, a approuvé les trois textes de loi qui composaient l’ordre du jour de cette séance convoquée mardi dernier par le président de l’Assemblée, Nabih Berry. A notamment été voté le projet de loi sur le prêt de 246 millions de dollars de la Banque mondiale (BM) devant permettre de financer un hypothétique filet de sécurité sociale au bénéfice de près de 150 000 familles qui recevront mensuellement des aides en espèces allant jusqu’à 800 000 livres, soit moins de 100 dollars par mois selon le taux de change actuel (voir encadré). Une aide financière devenue cruciale pour nombre de Libanais, à l’ombre de la crise économique qui sévit dans le pays depuis plus d’un an et demi, condamnant plus de la moitié de la population à la pauvreté, sur fond de pandémie de Covid-19 et d’une grogne croissante de la population. Des centaines de personnes ont d’ailleurs manifesté hier dans le centre-ville de la capitale, en marge de la séance parlementaire.Selon la ministre sortante de la Défense, Zeina Acar, lors de son discours hier à l’Assemblée, une partie de ce prêt, originellement consacrée à la transparence du mécanisme de distribution (le suivi des dossiers et le contrôle de la distribution de l’aide), sera désormais allouée à un plus grand nombre de bénéficiaires. Selon Ibrahim Kanaan, président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, interrogé par L’Orient Today à sa sortie de la séance, ce sont « 21 millions de dollars » des « 29 millions » de ce budget initialement prévus pour le mécanisme qui seront ainsi transférés à un plus grand nombre de familles. En compensation du système de contrôle inclus dans ce prêt, le ministère des Affaires sociales, des volontaires (tels ceux de la Croix-Rouge) et la BM elle-même assureront le suivi de ce mécanisme, toujours selon le député du Courant patriotique libre. « En pratique (par le passé), plusieurs fonds (dédiés à ces mécanismes) n’ont pas été utilisés », a justifié Ibrahim Kanaan.Une baisse de budget qui pourrait cependant permettre de plus grandes pratiques de clientélisme, selon Oussama Saad, député de Saïda. Un point relevé également par le financier Mike Azar, cité par l’agence Reuters, qui a également signalé la décision du Parlement de garder 5 millions de dollars de ce prêt en guise de prévention face à de futurs chocs économiques, de diminuer la durée d’un audit financier externe de trois ans à un seul et de réduire de moitié le financement d’un tiers indépendant gérant l’utilisation de ce prêt.
Contentieux autour du taux de change adopté
Ce prêt avait été approuvé il y a dix jours par les commissions parlementaires mixtes, malgré plusieurs questions soulevées concernant la distribution présumée en livres libanaises au taux de 6 240 livres libanaises pour un dollar – un taux inférieur à celui du marché parallèle, dépassant les 11 000 livres le billet vert hier – alors que le financement doit être versé en « dollars frais » (en opposition aux comptes en devises sur lesquels s’appliquent des restrictions depuis la fin de l’été 2019) à l’État. C’est finalement ce taux de 6 240 livres qui sera adopté dans la distribution de l’aide, selon plusieurs députés présents lors de la séance législative. « Nous aurions voulu que l’aide soit versée au taux du marché, mais la décision a finalement été prise pour que le paiement se fasse à un taux plus bas », regrette un député du bloc Walid Joumblatt, Hadi Abou el-Hessen, contacté par L’OLJ. « Vu que nous ne pouvons pas payer la somme en dollars, nous devions préciser un taux. Celui de 6 240 livres a été adopté alors que le dollar s’échangeait contre 8 000 livres sur le marché noir (lors de l’accord sur ce prêt avec la BM début janvier, NDLR). Ultérieurement, ce taux pourra être révisé par la BM et la Banque du Liban (BDL) », nuance cependant le député Yassine Jaber, du bloc de Nabih Berry. Ce taux est à mi-chemin donc entre le taux adopté lors des retraits des « dollars libanais » dans les banques (3 900 livres pour un dollar, circulaire n° 151 de la Banque du Liban du 21 avril 2020), et celui sur le marché parallèle qui s’approchait alors des 9 000 livres.
Mais le taux de change n’est pas le seul sujet de contentieux associé au prêt de la BM, octroyé à un taux préférentiel – Libor (le taux interbancaire modifié au jour le jour) + 0,25 % –, remboursable sur 13,5 années. En effet, pour certains députés, si la loi fait un pas dans la bonne direction, elle reste inutile sans la refonte du système actuel de subventions, basé sur les réserves, de plus en plus insuffisantes, de la BDL. « Il faut que la mise en place d’un filet de sécurité sociale s’accompagne de la réforme progressive des subventions (de blé, carburant, médicament, matériel médical et denrées alimentaires, NDLR), afin de mieux les cibler. Cela permettrait d’éviter que les subventions ne profitent qu’aux classes sociales aisées ou à la contrebande », a déclaré par exemple le député aouniste Farid Boustani, avant la séance.
Des prêts votés, des lois reportées
Par ailleurs, le Parlement a approuvé la loi numéro 6 du 3 novembre 2014 sur un accord avec la Banque internationale pour la reconstruction et le développement portant sur le soutien de l’innovation au sein des petites et moyennes entreprises (PME), grâce à un prêt de 5,5 millions de dollars. La Chambre a également voté une proposition de loi qui prévoit d’autoriser le gouvernement à amender un accord conclu entre le Liban et le Fonds arabe pour le développement économique et social en vertu de la loi 180 du 12 juin 2020. « Il n’est pas logique que les plafonds restent les mêmes après la dépréciation de la livre », a déclaré Ibrahim Kanaan à la fin de la séance législative. Le député du Courant patriotique libre (CPL) a en effet appelé à augmenter les plafonds de ces crédits immobiliers de 300 millions à 450 millions de livres libanaises, et de 400 millions à 600 millions de livres. Toutefois, la proposition de loi qui prévoit d’accorder à Électricité du Liban (EDL) la contribution financière de 1 500 milliards de livres dont elle a besoin pour continuer à alimenter le pays en courant électrique, alors qu’une pénurie générale est à craindre à la fin du mois, selon le ministre sortant de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, n’a pas été abordée lors de cette séance. Ce texte, proposé par les députés du CPL qui menaçaient de boycotter la séance, sera finalement examiné mardi en commissions parlementaires mixtes. Seuls les députés de la République forte (Forces libanaises), qui réclament des élections anticipées, ont boycotté la séance. Une autre proposition de loi présentée il y a quelques jours par le député Ali Hassan Khalil (Amal), visant à accorder une aide mensuelle d’un million de livres libanaises aux membres des forces armées, n’a pas non plus été abordée durant cette séance. Cette proposition a fait polémique, alors que, selon des experts, une telle aide aggraverait l’inflation à trois chiffres dans le pays.
La livre libanaise passe le cap des 11 000 pour un dollar
La monnaie nationale a enregistré hier un nouveau record de dépréciation en dépassant les 11 000 livres libanaises pour un dollar sur le marché noir, soit une baisse de 86,29 % par rapport à sa parité, toujours officielle, de 1 507,5 livres le dollar depuis le début de sa dégringolade il y a un an et demi. Des agents de change interrogés ont informé hier matin L’Orient-Le Jour que la livre frôlait le taux de 11 000 livres le dollar, s’échangeant notamment à 10 900 livres le dollar à Chtaura (Békaa), en raison de la forte demande de billet vert dans cette région limitrophe à la Syrie, selon notre correspondante Sarah Abdallah. Dans ce contexte, l’Agence nationale d’information a également signalé hier l’arrestation d’un certain nombre de changeurs non agréés à Tyr (Liban-Sud) et dans ses environs par une patrouille de la Sûreté générale. Les autorités libanaises avaient recommandé lundi d’arrêter les changeurs illégaux et de fermer les plateformes en ligne indiquant les taux de change du marché parallèle. Depuis, si ces plateformes ont été bloquées sur des réseaux internet fournis par la société de télécoms libanais Ogero, elles demeurent disponibles par réseau mobile ou en utilisant un VPN (virtual private network). Celles-ci affichaient hier une rapide fluctuation du taux de change entre la livre et le dollar, se vendant à 11 375 livres et s’achetant à 11 300 livres, au moment de passer sous presse.
commentaires (6)
ET LES CENSURES DE L,OLJ CONTINUENT SANS ARRET, TOUS LES JOURS, ACHARNEMENT SUR LES COMMENTAIRES DE - L,EXPRESSION DE LA LIBRE ANALYSE - QUI NE S,EXPRIME QUE LIBREMENT. DOMMAGE POUR LE JOURNAL.
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
14 h 30, le 13 mars 2021