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Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre au président Macron : Car maintenant ils assassinent...

Monsieur le Président Emmanuel Macron,

Commencer par vous remercier est un impératif et nous le faisons sincèrement. Nous vous remercions pour toutes vos initiatives pour aider le Liban à sortir de la situation catastrophique dans laquelle il se trouve, surtout après l’explosion meurtrière du 4 août 2020, pour vos visites passées ou à venir. Nous savons pertinemment que c’est le président de la République française qui visite le Liban et que donc il a à cœur en priorité les intérêts de la France, économiques, géopolitiques et autres. Nous savons que nous ne faisons pas le poids devant Israël et l’Iran, pays qui regorge de pétrole et de ressources, immense marché de presque 83 millions d’habitants. Nous savons aussi vos limitations dues aux conflits d’intérêts et aux tiraillements des forces politiques agissant dans cette région du monde. Mais si vous désirez réellement aider le Liban, nous devons vous faire part de nos réserves quant à certaines de vos analyses, positions et déclarations.

Dresser un état des lieux est évident mais nécessaire : pour 70 % des Libanais dont nous faisons partie, oui 70 % toutes communautés et régions confondues, toutes les institutions de l’État ont perdu leur légitimité et leur représentativité, ou sont en voie de ce faire. L’État libanais est en déliquescence avec un président incapable de gérer cette crise car sous la coupe de Hezbollah, comme le sont le Parlement et le gouvernement. Ils sont tous sous la coupe du Hezbollah, tous pour les mêmes raisons : leur corruption et/ou leurs intérêts, matériels, politiques, d’influence ou de survie. L’administration est sclérosée et corrompue elle aussi, les forces de sécurité sont corrompues et sous la coupe du Hezbollah, comme l’ont démontré leurs conduites des plus répréhensibles, condamnées d’ailleurs par HRW. La magistrature est infiltrée, au bord du gouffre et partiellement corrompue bien qu’avec l’armée officielle dont nous ne savons que penser, infiltrée elle aussi, elles sont les deux institutions dont pourrait venir le salut. Voilà le constat pour le secteur public, que vous avez résumé en un cri : « J’ai honte pour vos dirigeants. »

Quant au secteur privé : les situations financière, économique, sociale, bancaire, d’éducation et de santé sont désastreuses, cela sans espoir de redressement, car le pouvoir en place tient tous les centres de décision. Toutes les mesures économiques et autres qui, si elles étaient prises, sauveraient le Liban, ne le seront pas car c’est le pouvoir politique qui doit les prendre et il ne le fera jamais car ce serait fournir la corde pour le pendre, dans toutes ses composantes. Le marché conclu entre le Hezbollah et la classe politique est machiavélique : il a couvert leur corruption en les y enfonçant jusqu’au cou afin qu’en contrepartie tous couvrent ses armes et sa mainmise sur notre pays.

La divergence entre vous et nous, Monsieur le Président, est dans l’analyse des causes et celle des solutions.

Pour nous, les causes évidentes de ce désastre sont les armes de Hezbollah qui ont permis sa mainmise sur le pays, et nous ne pouvons pas considérer de demi-solutions à ce sujet. C’est une question de survie, nous préférons rester sans gouvernement que d’avoir un gouvernement où siégeraient des ministres Hezbollah. Malheureusement, à chacune de vos visites vous avez mis en exergue ce parti illégal qui n’est en rien celui de Dieu, arguant que le mouvement de protestation n’avait pas de représentation visible. Nous sommes une révolution qui se veut pacifique, envers et contre tous. Nous aspirons à être une alternative à cette classe politique dont la seule présence rend illusoire tout projet de réforme. Les groupes représentant cette révolution pacifique, leur diversité sociale, géographique et idéologique, leur structuration, leur base populaire, leur timide union et leur objectif commun ainsi que leur aptitude à reprendre en main les rênes du pouvoir (la formation d’un gouvernement issu de la révolution) ne laissent pas de place à la question « avec qui d’autre parler que l’autorité en place ? ». De plus, l’incapacité de former un « directoire » pour notre révolution est liée à la conjoncture mafieuse et milicienne qui gouverne et terrorise le pays en utilisant même les structures et les forces de l’État. Preuve en est que même les partis de l’opposition bien ancrés dans la vie politique se trouvent dans l’incapacité de faire aboutir la moindre initiative.

L’existence au sein de la société civile révolutionnaire d’une élite capable de gérer le pays en respectant les règles de la bonne gouvernance est indéniable, mais comme nous le prouve l’actualité récente, il serait suicidaire de désigner un leadership visible sans une couverture internationale et sans des signes forts en faveur de la restitution d’un État de droit car, Monsieur le Président, maintenant ils assassinent ouvertement de nouveau. Sans justice et sans la capacité d’appliquer les résolutions judiciaires (celles du tribunal de La Haye relatives à l’assassinat de Rafic Hariri sont restées lettre morte) et internationales (résolutions des Nations unies), il est impossible d’arriver à un État de droit, seule base sur laquelle nous pouvons reconstruire le pays. L’assassinat de Lokman Slim constitue un tournant pour les Libanais démocrates et devrait le devenir pour la diplomatie française et pour toutes les démocraties.

Il n’est donc pas aberrant qu’une représentation claire de la révolution n’ait pas émergé au Liban en 18 mois, cela en vous signalant respectueusement que « qui cherche trouve » et que vous pouvez sans peine trouver et donner de la crédibilité à des interlocuteurs valables. De plus, nous sommes contre tout ce qui sortirait de la légalité et donc contre tout coup d’État, ce qui nous mène aux solutions.

Le retour à la Constitution et à son respect absolu est la solution, Monsieur le Président, car étonnamment pour qui ne la connaît pas, tout y est. Rien que dans son introduction, déclarée comme étant partie intégrante de la Constitution, article par article : a) souveraineté, indépendance et unité du Liban ; b) appartenance du Liban à son milieu arabe, à la Ligue arabe, aux Nations unies, et son respect des droits de l’homme ; c) démocratie, respect des libertés publiques et justice sociale; d) le peuple est la source du pouvoir ; e) séparation et égalité des pouvoirs, donc indépendance du pouvoir judiciaire ; f) économie libre garantissant la propriété privée ; g) développement équitable des régions ; h) processus de sortie du confessionnalisme ; i) indivisibilité territoriale du Liban. Qui plus est, tous ces principes découlent de la genèse de la formation du Grand Liban dès sa naissance : en 1920 déjà et sous l’égide de la France, cet esprit animait les fondateurs du Grand Liban, esprit qui a été confirmé par le pacte national en 1943 (ni Est ni Ouest) et de nouveau lors de l’accord de Taëf en octobre 1989, qui a ajouté entre autres la nécessité d’une décentralisation administrative élargie.

Monsieur le Président, vous avez là toutes nos demandes : un Liban souverain (donc les armes entre les mains de l’armée nationale uniquement) et indépendant, sa neutralité et son amitié avec tous les peuples, un Liban appliquant toutes les résolutions internationales (dont les résolutions 1559, 1680 et 1701) et arabes (exclu des conflits, le Liban a un statut à part reconnu par la Ligue arabe), respectant les libertés de ses citoyens, leur assurant à tous une vie digne et un développement équitable, l’indépendance de la magistrature, la démocratie donc des élections libres, une économie libre et épanouissante, un gouvernement de ministres indépendants, compétents et intègres (donc fort difficile à concevoir si son chef est partisan, incompétent et corrompu). Tout cela ne peut se réaliser en présence du Hezbollah et de ses armes, couvert par Michel Aoun, son parti et toute la mafia qui nous gouverne, car tous se protègent les uns les autres. Et même sans ses armes, le Hezbollah est rejeté s’il ne modifie pas sa doctrine et s’il ne fait pas allégeance au Liban, et non à l’Iran. La conclusion est claire : le Hezbollah doit remettre ses armes à l’armée, un gouvernement respectable doit être formé, Michel Aoun doit partir, des élections justes et libres doivent se tenir afin que les décisions difficiles à prendre soient enfin prises pour sauver le Liban.

Nous vous saurions gré de prendre en considération tout ce qui précède, car toute autre solution ne serait que rapiéçage, ce que le Liban ne peut plus supporter étant déjà en état de mort clinique.

Sincèrement et respectueusement,

Sélim MOUZANNAR

Nawal ELMÉOUCHI

Pour TMT (groupe de suivi

de la révolution)

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Monsieur le Président Emmanuel Macron,Commencer par vous remercier est un impératif et nous le faisons sincèrement. Nous vous remercions pour toutes vos initiatives pour aider le Liban à sortir de la situation catastrophique dans laquelle il se trouve, surtout après l’explosion meurtrière du 4 août 2020, pour vos visites passées ou à venir. Nous savons pertinemment que c’est le président de la République française qui visite le Liban et que donc il a à cœur en priorité les intérêts de la France, économiques, géopolitiques et autres. Nous savons que nous ne faisons pas le poids devant Israël et l’Iran, pays qui regorge de pétrole et de ressources, immense marché de presque 83 millions d’habitants. Nous savons aussi vos limitations dues aux conflits d’intérêts et aux tiraillements des forces politiques...
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FELICITATIONS pour l'initiative de TMT

COURBAN Antoine

08 h 53, le 10 mars 2021

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Commentaires (1)

  • FELICITATIONS pour l'initiative de TMT

    COURBAN Antoine

    08 h 53, le 10 mars 2021

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