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Deux voix saoudiennes d'aujourd'hui

Deux voix saoudiennes d'aujourd'hui

Edgar Davidian

Mahattat (Stations) de Fayçal Ghamri, éditions Hachette/Antoine/Naufal, 2021, 239 p.

Bil Ams kountou houna (Autrefois j’etais là) de Zainab Hifni, éditions Hachette/Antoine/Naufal, 2021, 190 p.

Par le truchement des plumes de Fayçal Ghamri, auteur d'un recueil de nouvelles intitulé Mahattat (Stations), et de Zainab Hifni, auteure du roman Bil Ams kountou houna (Autrefois j’étais là), les couleurs de la littérature saoudienne prennent des tonalités nouvelles. Qui sont ces écrivains audacieux ? Quelle démarche ont-ils choisi d'adopter ?

Fayçal Ghamri ou l'art de la nouvelle

Fayçal Ghamri, 47 ans, initialement ingénieur industriel, est devenu acteur et dramaturge par passion (il a obtenu le premier prix de dramaturgie de l’Université du roi Abdel Aziz en 1997 à Jeddah), avant de se lancer dans l'écriture. Lecteur assidu, englobant dans son champ d’intérêt la philosophie, la psychologie (« Un bon moyen pour mieux approcher les personnages romanesques », souligne-t-il) et l’histoire (« clé du présent », affirme-t-il aussi), il dit admirer les œuvres de Tawfiq el-Hakim, Naguib Mahfouz, Ihssan Abdel Koudouss, Moustapha Mahmoud, Gibran, Abdel Rahman Mounif et Colette Khoury. Son recueil Mahattat est une autobiographie avec des bribes de fiction. Pourquoi ce titre à la fois simple et intrigant ? « Je crois que tout être est confronté à une situation ou un événement qui devient station ou tremplin pour un nouveau départ ou une décision cruciale, explique-t-il. Ces petites nouvelles, de deux pages ou parfois de quelques phrases, parfois quelques mots, jettent la lumière sur l’anodin mais aussi l’essentiel. Sans prétention, l’essence de la vie dans sa complexité, d’une attitude à une réflexion, d’un comportement à une méditation, est restituée à travers un verbe fluide enrobé d’une discrète touche de poésie. » L'auteur combine ainsi, avec dextérité, nouvelles très courtes et nouvelles tout court par un emploi subtil d’une écriture brève, de mots lapidaires et acides, ou un exposé plus élaboré.

Zainab Hifni, l'insurgée

Quant à Zainab Hifni, pasionaria de la libération des femmes saoudiennes, elle s’insurge avec véhémence et courage contre le machisme présent dans son pays. Ses livres, ses conférences, ses prises de position contre les brimades de la société saoudienne lui ont valu bien des attaques. Elle a même été, pour un certain temps, interdite d’écrire et de voyager. Mais elle n'a pas baissé les bras pour autant.

Plusieurs romans (une quinzaine), incisifs et éclairants, jalonnent sa longue carrière de plus d’un quart de siècle. Écrire n’est pas seulement sa vocation et sa passion, c’est aussi son oxygène : « Je respire par ma plume et par l’odeur du papier », affirme-t-elle.

« Si j’arrête d’écrire, c’est comme si je décidais de me suicider ou de vivre sur une île déserte. Le véritable écrivain est celui qui écrit jusqu’à son dernier souffle. » Férue de Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski, Henry Miller, Gabriel Garcia Marquez, Naguib Mahfouz, Ihssan Abdel Koudouss et Amin Maalouf, elle se dit « heureuse de jouir d'une popularité au Liban et fière d’être l'une des premières femmes de lettres saoudiennes à avoir été éditée à Beyrouth » quand les institutions de son pays combattaient sa production littéraire sous prétexte qu’elle sortait du rang. Son roman Bil ams kountou houna n’est pas un aveu autobiographique, mais le regard d’une femme avertie qui sonde la réalité de la société et la transcrit en toute pertinence avec une analyse sans concession ni complaisance. L’histoire du livre tourne autour d’une femme qui a aimé un homme à la folie et qui a vécu dans un tiraillement avec elle-même de peur qu’elle ne perde sa fille. La jalousie l’a poussée à commettre des erreurs qui l’empêchent de goûter à la sérénité de vivre… « Quand j’écris, je m'immerge dans l’univers de mes personnages, femmes et hommes, déclare l'auteure. Je les accompagne dans leur traversée humaine et observe leurs réactions en les laissant exercer toutes leurs contradictions. Et j'éprouve un frisson de plaisir quand je trace le mot de la fin. »

Deux auteurs talentueux, deux styles différents, qui témoignent bien du renouveau des Lettres dans un royaume en pleine mutation...

Mahattat (Stations) de Fayçal Ghamri, éditions Hachette/Antoine/Naufal, 2021, 239 p.Bil Ams kountou houna (Autrefois j’etais là) de Zainab Hifni, éditions Hachette/Antoine/Naufal, 2021, 190 p.Par le truchement des plumes de Fayçal Ghamri, auteur d'un recueil de nouvelles intitulé Mahattat (Stations), et de Zainab Hifni, auteure du roman Bil Ams kountou houna (Autrefois j’étais là),...

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