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Environnement - Marée noire

Plages polluées au Liban-Sud : en attendant le lancement du nettoyage...

Alors que les volontaires s’activent avec les moyens du bord et que le CNRS appelle à une action d’urgence pour dépolluer les 4 à 5 tonnes de goudron déversées sur les plages, les officiels prennent leur temps.

Plages polluées au Liban-Sud : en attendant le lancement du nettoyage...

La plage de Mansouri, avant et après le nettoyage. Les volontaires ont pu s’acquitter de cette mission sur cette plage relativement petite, mais la plage de Tyr est encore polluée. Photo fournie par le CNRS

« Je suis dévastée par ce que je vois sur le terrain. Nous assistons à une véritable catastrophe et les autorités semblent la traiter comme un simple incident. » Fadia Joumaa, militante écologiste au Sud, participe aux campagnes de nettoyage des plages du Liban-Sud et rassemble les volontaires, depuis le déversement de goudron provoqué par la marée noire venue d’Israël, il y a une dizaine de jours déjà. « Le travail sur le terrain est difficile. Nous n’avons pas l’expérience de ce genre de pollution et manquons de pratique, de technique et d’équipements. D’autant plus que nous comptons seulement sur les volontaires, qui ne sont pas disponibles à toute heure », poursuit-elle.

Depuis samedi, des dizaines de personnes s’activent, notamment sur la plage de sable de la réserve naturelle de Tyr et la plage de Mansouri, plus au sud, connue pour être un sanctuaire pour les tortues de mer. Les volontaires passent au tamis le sable fin de ces plages, afin de le séparer des plaques plus denses de goudron, parfois invisibles car recouvertes par les couches sans cesse renouvelées de sable. Un dur labeur pour ces gens qui n’ont pas été formés pour traiter une pollution aussi insidieuse. « Des experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) nous ont heureusement donné des directives, la Finul a apporté son aide en équipements, bien que ses soldats ne puissent intervenir sur le terrain en raison de la crise du coronavirus », indique Fadia Joumaa.

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Ce travail des volontaires, aussi important soit-il, ne peut toutefois suffire à répondre à l’urgence de la situation. « Nous avons préparé un rapport que nous ne publierons pas avant jeudi, le jour où la commission parlementaire de l’Environnement tiendra une réunion en notre présence pour discuter de la démarche à suivre », explique Mouïne Hamzé, secrétaire général du Conseil national de la recherche scientifique (CNRS). Il révèle cependant que « selon les estimations, 4 à 5 tonnes de goudron se sont déversées sur 30 kilomètres de plages au Sud, de Naqoura à Adloun ».

« Le travail effectué par les volontaires est magnifique, mais il ne suffit pas, souligne celui qui a appelé samedi à lancer une campagne de nettoyage. Pour avoir une idée de l’ampleur de la tâche, il faut savoir que le nettoyage de la petite plage de Mansouri (au sud de Tyr), qui correspond à une superficie de 200 mètres carrés, a permis de collecter 400 kilos de goudron ! Jusque-là, le nettoyage de la plage de Tyr, qui est loin d’être terminé, a permis de dégager pas moins de 1 800 kilos. Il faut une action d’urgence coordonnée et organisée par l’État, au moins une centaine d’ouvriers qui se consacreraient à ce travail de manière régulière. La seule manière de procéder est de recourir au travail manuel, collecter le goudron et l’envoyer à une usine spécialisée où il pourra être recyclé. »

Des « bombes à retardement »

Outre la réunion de la commission parlementaire de l’Environnement jeudi, se tiendra le même jour une réunion au Grand Sérail, présidée par le Premier ministre sortant Hassane Diab, et rassemblant les ministres concernés : Environnement, Défense, Intérieur et Travaux publics, ainsi que nous l’a confirmé le bureau de communication du président du Conseil. Pourquoi toutes ces réunions n’auront-elles lieu que jeudi, alors que le nettoyage a déjà pris tant de retard ? « Nous avons insisté sur l’urgence de la situation, explique Mouïne Hamzé. Rien ne doit passer avant le nettoyage de la côte. Ces plaques de goudron ont tendance à disparaître de la surface, parce que la mer ramène inlassablement du sable nouveau sur la côte, qui les recouvre. Or elles se transforment ainsi en véritables bombes à retardement, dangereuses pour tous ceux qui fréquentent la plage. Il suffira de poser le pied sur l’une de ces plaques de goudron pour risquer une inflammation. Et il faut aussi prendre en compte le nettoyage des rochers, qui est encore plus difficile. » Seule « bonne nouvelle », après le déversement de goudron constaté sur les plages libanaises il y a une dizaine de jours, il n’y a pas eu de nouvel épisode de pollution par la suite, assure le secrétaire général du CNRS. « Il est rassurant de voir qu’il n’y a pas de marée noire, d’où le fait que la pêche n’ait pas été interdite, dit-il. Mais la pollution existante n’en est pas moins très grave. »

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Du côté de la municipalité de Tyr, on partage ce sentiment que le traitement de ce dossier ne va pas assez vite. « Ce que nous constatons sur le terrain, c’est une catastrophe qui doit être du registre du Haut Comité de secours, déclare une source du conseil municipal. La petite plage de Mansouri a plus ou moins été bien nettoyée. Mais sur la plage de Tyr, qui fait quatre kilomètres de long et où les traces de goudron se retrouvent sur 75 mètres de large, la tâche est titanesque. Pour vous donner une idée de l’ampleur du problème, nous dégageons une moyenne de 100 à 200 grammes de goudron par mètre carré. »

Selon cette source, les difficultés s’enchaînent et les volontaires, malgré leur bonne volonté, sont en butte à toute sorte de défis : une pollution supplémentaire peut faire son apparition dans une superficie que l’on croyait déjà nettoyée, sans compter que la pluie et les promeneurs peuvent avoir rendu la tâche plus difficile en aggravant la pénétration en profondeur du goudron dans le sable.

Des lettres aux Nations unies

Si les autorités traînent des pieds pour entamer un nettoyage en bonne et due forme, elles s’activent sur un autre front : le dépôt d’une plainte contre Israël. Et le rapport du CNRS devrait en être la référence principale.

Le ministère des Affaires étrangères a annoncé hier dans un communiqué qu’après avoir notifié les Nations unies de la pollution de la côte libanaise suite à une marée noire qui est parvenue jusqu’à elle du côté d’Israël, « un rapport du CNRS a été remis, à la demande du Premier ministre Hassane Diab, à l’ambassadrice du Liban à l’ONU Amal Moudallali, afin qu’elle le transmette aux autorités concernées ». « Ce rapport montre l’ampleur des dégâts, qui peuvent être qualifiés de catastrophe écologique, et dont le nettoyage pourrait durer des années », poursuit le texte. Le ministre des Affaires étrangères Charbel Wehbé a également envoyé des lettres au secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, et à la directrice exécutive du Programme de l’ONU pour l’environnement Inger Andersen, en vue de solliciter une aide et une assistance technique pour le Liban. Il a par ailleurs insisté sur l’importance que les Nations unies précisent les causes de ce désastre.

Selon Mouïne Hamzé, Israël a multiplié les déclarations contradictoires concernant l’origine de cette marée noire, une communication particulièrement opaque qui ne permet pas de déterminer la nature de la catastrophe. De son côté, le président de la Chambre Nabih Berry a discuté de cette affaire avec le directeur du Haut Comité de secours, le général Mohammad Kheir, afin de le pousser à accélérer le recensement sur le terrain et d’indemniser les personnes lésées, notamment les pêcheurs.

« Je suis dévastée par ce que je vois sur le terrain. Nous assistons à une véritable catastrophe et les autorités semblent la traiter comme un simple incident. » Fadia Joumaa, militante écologiste au Sud, participe aux campagnes de nettoyage des plages du Liban-Sud et rassemble les volontaires, depuis le déversement de goudron provoqué par la marée noire venue d’Israël, il y a une...

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