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Nos Lecteurs ont la Parole

Quand mon identité confessionnelle m’est renvoyée à la figure !

Sommes-nous sous Jamal pacha pour que la hiérarchie maronite doive se justifier devant une autorité d’occupation ? Sommes-nous si pitoyables pour nous désolidariser publiquement de notre frère en Christ, un prêtre qui a entonné un chant témoignant de l’humanité de notre liturgie syriaque ?

Et alors ?

Est-ce galvauder notre stabat mater (ana al-Um al-Hazina) que de le moduler aux funérailles d’un patriote? Et même si Lokman Slim n’a pas reçu le sacrement du baptême* ! Évidemment, il y aura toujours un histrion pour crier au scandale ou un cabotin pour accabler l’ecclésiastique qui a osé et pour appeler à le défroquer. N’en doutez pas, Caïphe est parmi nous, lui qui a déchiré ses vêtements d’un geste théâtral pour accabler Jésus devant le Sanhédrin. C’était un certain vendredi saint, quand le fils de Dieu fut renié par l’un des apôtres.

Or Maximilien Kolbe a déjà répondu à cette interrogation, pour le cas où il y aurait un flottement dans l’esprit des bien-pensants de notre communauté. À l’approche de la mort violente qui allait emporter ce franciscain polonais, il a fait chanter, à ceux qui partageaient son sort, des hymnes religieux de l’Église romaine. Voyant sa dernière heure venir dans un camp de concentration nazi, il ne lui serait pas venu à l’idée de vérifier si les condamnés étaient croyants, agnostiques ou athées. Dans sa vénération de Marie, il n’allait pas s’assurer s’ils étaient catholiques ou protestants, juifs ou luthériens, anabaptistes, calvinistes ou que sais-je ? Car il portait en lui le message de Paul de Tarse : « Il n’y a ni hommes ni femmes, ni juifs ni Grecs, ni hommes libres ni esclaves, vous êtes tous un en Jésus-Christ » (Galates, 3, 28).

Allons-nous capituler ?

Complaisance à l’égard des usurpateurs du pouvoir au plus haut niveau de la hiérarchie et collaboration avec l’ennemi ne sont qu’infamie. Quant à ce mythe de la résistance, il est l’alibi le plus odieux des chantages subis tout au long de notre histoire. Mon seul regret, c’est d’avoir à me rétracter au niveau de mon engagement citoyen, pour n’être plus qu’un chrétien assiégé. Le parti de l’étranger l’a emporté; il a ramené tout un chacun à son identité confessionnelle. En récusant le Liban libéral qui était une projection vers l’avenir, il nous a signifié une mise en demeure : inutile en cette génération de tenter le vivre-ensemble dans la tolérance bien comprise ou l’assimilation sur une base laïque. Car un régime proprement républicain ne saurait qu’exiger le divorce consommé entre le sacré et le profane.

Constat d’échec d’un projet de libération s’inspirant des Lumières ? Oui, malheureusement.

Détrompez-vous, cependant, ce constat n’implique pas capitulation.

Alors à ceux qui croient pouvoir nous grignoter, nous amadouer ou nous contourner, j’ai une réponse vintage. Elle est vieille de cent ans, mais elle est toujours d’actualité. C’est celle qu’a faite le patriarche Hoyek à Jamal pacha, et c’est la suivante : « De ce que nos ancêtres nous ont transmis, nous ne céderons sur rien ! »

*Nos pharisiens des réseaux sociaux, attachés qu’ils se disent à la stricte conformité et au respect de la liturgie, ont-ils oublié qu’il y a un baptême de sang (celui des martyrs) comme il y a le baptême de l’eau et de l’Esprit saint ? 

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Sommes-nous sous Jamal pacha pour que la hiérarchie maronite doive se justifier devant une autorité d’occupation ? Sommes-nous si pitoyables pour nous désolidariser publiquement de notre frère en Christ, un prêtre qui a entonné un chant témoignant de l’humanité de notre liturgie syriaque ?
Et alors ?
Est-ce galvauder notre stabat mater (ana al-Um al-Hazina) que de le moduler aux...

commentaires (4)

J'applaudis la verve de Me Youssef Moawad et fais miennes chacune de ses paroles. La véhémence de sa philippique reste bien en-déçà de la scandaleuse violence des scribes et des pharisiens de l'Eglise et de la communauté

COURBAN Antoine

12 h 33, le 18 février 2021

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Commentaires (4)

  • J'applaudis la verve de Me Youssef Moawad et fais miennes chacune de ses paroles. La véhémence de sa philippique reste bien en-déçà de la scandaleuse violence des scribes et des pharisiens de l'Eglise et de la communauté

    COURBAN Antoine

    12 h 33, le 18 février 2021

  • croyez vous que notre nation aurait et ruinee si le liban n'etait pas habite par un si grand nombre de tels ignorants-dirigeants et citoyens ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 10, le 18 février 2021

  • """inutile en cette génération de tenter le vivre-ensemble dans la tolérance bien comprise ou l’assimilation sur une base laïque""". Politique et religion, et guerre et vivre-ensemble ? Peut-être dans quelques générations quand les esprits seront apaisés.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    02 h 57, le 18 février 2021

  • Vous écrivez : ""Or Maximilien Kolbe a déjà répondu à cette interrogation, pour le cas où il y aurait un flottement dans l’esprit des bien-pensants de notre communauté"". Résumons, et qu’on me corrige si je me trompe. Lors de l’enterrement de Lokman Slim, des prières sont dites suivies par des polémiques indignes d’un moment de grande douleur. Même un évêque s’est désolidarisé du prêtre, et un cheikh a fait amende honorable. La décence impose donc, dans une période de deuil qui ne fait que commencer, de se taire. Cette polémique ne devrait pas avoir lieu, et c’est trahir la mémoire de l’écrivain, de dire qu’il s’est laissé mourir entre les mains de ses ravisseurs, en prenant le risque d’aller dans une zone à risque. Un suicide en quelque sorte pour les mal-pensants. C’est insupportable si on veut bien l’admettre, mais depuis l’Occupation, les résistants suicidés n’étaient plus condamnés par l’Eglise. "Tu ne tueras point" m’a appris le catéchisme. Que les religieux feraient mieux de se le rappeler, car par cette polémique, c’est tuer Lokman une deuxième fois.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    02 h 55, le 18 février 2021

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