Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

Ne pas avoir peur de la mort

Peu de gens affrontent la mort avec peur. D’ailleurs, tout tend à prouver que les affres de la mort n’existent pas. En général, les vieillards et les infirmes font bon accueil à la délivrance suprême, les grands malades aussi, qu’elle débarrasse d’un fardeau intolérable. Bref, après avoir passé leur vie à la craindre, les humains, dans leur grande majorité, n’ont pas peur de voir venir la mort.

Secourus à temps, des milliers de noyé(e)s, d’électrocuté(e)s ou d’asphyxié(e)s, ou bien encore d’évanoui(e)s ont été ramenés à la vie. On peut vraiment dire qu’ils revenaient du séjour des morts. Certains avaient éprouvé un léger vertige et une irrésistible envie de dormir, rien de plus. Ces rescapés sont unanimes à déclarer qu’ils n’ont ressenti ni angoisse, ni douleur, ni effroi, mais une indicible sensation de paix.

Les médecins libanais sont nombreux à observer attentivement les réactions de centaines d’agonisants; d’après eux, une dizaine seulement ont pu manifester quelque appréhension et deux ou trois des signes de terreur. Ces médecins sont unanimes: l’idée que la mort se produit dans d’atroces souffrances provient sans doute d’une fausse interprétation des manifestations physiques visibles qui l’accompagnent. On confond la mort elle-même et les symptômes des maladies qui la précèdent. Il semble que la nature marque un temps d’arrêt : la maladie a remporté la victoire, la bataille est terminée. Épuisé par la lutte pour la vie, le corps est prêt à mourir. Tout est sérénité.

La mort n’est pas aussi effrayante que nous sommes portés à le croire. Souvent, parents et amis, témoins des derniers moments d’un être cher, souffrent beaucoup plus que lui. Leur souffrance est la marque d’une pitié naïve. Ils imaginent ce que le mourant doit ressentir et ce qu’un jour ils auront peut-être eux-mêmes à subir. À l’heure de l’ultime adieu, ceux qui nous quittent connaissent peut-être un fugitif regret, mais ils ne ressentent aucune épouvante.

Disons-le franchement : l’homme qui va mourir se révolte rarement contre la mort. La fin est toujours sereine. Quelles que soient les tortures de la maladie, l’agonisant, avant de rendre le dernier soupir, goûte quelques instants de paix parfaite et même d’euphorie. Il faut savoir qu’à force de penser à la mort, celle-ci devient une camarade.

Tous les observateurs compétents s’accordent à dire que les affres de la mort sont purement imaginaires. Les convulsions d’un mourant, il est vrai, offrent parfois un spectacle pénible. On peut les prendre pour des signes de souffrances, mais en réalité, ce sont de simples réflexes musculaires. De même, loin d’être des symptômes de douleur, les grimaces qui, dans bien des cas, déforment le visage d’un mourant résultent de contractions involontaires des muscles faciaux. Songez que le visage se crispe souvent au cours du sommeil bien que le dormeur ne ressente aucune douleur.

Les plus dignes de foi sur ce sujet nous viennent de médecins qui ont vu la mort de près. L’un d’eux, qu’une grave crise cardiaque amena aux portes de la tombe, rapporte qu’il avait l’impression d’être alors légèrement ivre. Il avait cependant l’air de souffrir le martyre.

Terrassé par une pneumonie, un second médecin n’avait gardé aucun souvenir de la phase critique de sa maladie, bien qu’il eût donné des signes d’indicible angoisse. Il ne garde aucun souvenir de ce qui s’est passé jusqu’à la fin de la crise, au moment où il s’est assis dans son lit pour réclamer son petit déjeuner. Trois autres, noyés mais ramenés à la vie, n’avaient trouvé, après quelques instants de lutte, que paix et bien-être. Un père jésuite sur le point de mourir murmura dans son dernier souffle : « Si j’avais la force de tenir une plume, je décrirais combien il est facile et doux de mourir. »

Un poète français nommé Scarron a laissé un témoignage analogue. Sur son lit de mort, il projetait, s’il guérissait, d’écrire une belle satire sur la prétendue tristesse de la mort. Jamais il n’aurait imaginé qu’il fût si facile de narguer la mort.

Les derniers battements d’un cœur qui flanche pompent de moins en moins de sang frais. La flamme de la vie s’éteint peu à peu. Les souffrances de la maladie s’affaiblissent à mesure que diminuent les perceptions sensorielles. Les malheureux atteints d’affections très douloureuses trouvent alors un miséricordieux soulagement.

Après quelques instants de calme, le cerveau du mourant commence à ressentir les effets du manque d’oxygène causé par le ralentissement de la circulation sanguine. Alors, le malade entend peut-être la sonnerie de cloches imaginaires. Peut-être a-t-il l’impression de voir étinceler des lumières ? Peut-être éprouve-t-il une légère inquiétude ? Sans s’en rendre compte, il s’enfonce petit à petit dans l’obscurité, sans souffrir. L’obscurcissement progressif des facultés qui précède la mort ne diffère guère de celui qui aboutit au sommeil. C’est vrai pour les vieillards qui s’endorment souvent pour ne plus se réveiller. C’est également vrai pour les enfants qui, presque toujours, meurent paisiblement, sans souffrances.

Quand un mourant garde ses facultés jusqu’à la fin, il arrive qu’à ce moment, sa véritable personnalité s’affirme. Les gens irascibles et grincheux utilisent leur dernier souffle pour se plaindre amèrement de leur triste sort. Ceux qui sont bons et bienveillants de nature n’expriment que des pensées douces et consolantes. Chose étrange, le cerveau recouvre parfois une lucidité dont il n’a pas joui depuis des années.

Regardons la mort en face. Elle n’est pas aussi terrifiante qu’on nous le laisse croire d’habitude. De même que le sommeil succède à l’agitation de la journée, la mort nous offre le repos. Elle vient toujours douce et silencieuse. Puis c’est Dieu qui frappe à la porte et Sa Lumière brille. Il accueille, Il bénit et Il juge : Il pardonne ou condamne.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Peu de gens affrontent la mort avec peur. D’ailleurs, tout tend à prouver que les affres de la mort n’existent pas. En général, les vieillards et les infirmes font bon accueil à la délivrance suprême, les grands malades aussi, qu’elle débarrasse d’un fardeau intolérable. Bref, après avoir passé leur vie à la craindre, les humains, dans leur grande majorité, n’ont pas peur de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut