Le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, qui commémorait dimanche l'assassinat de son père, l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, assassiné il y a 16 ans, jour pour jour, dans une énorme explosion au camion piégée, a fermement critiqué mais sans le nommer le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, et son camp, se défendant de porter atteinte aux droits des chrétiens, des accusations que lui lancent régulièrement la formation fondée par le président de la République, Michel Aoun. Les deux parties sont engagées, depuis des semaines, dans un bras de fer autour de la formation du gouvernement.
"Qu’avez-vous fait pour le Liban ?"
"Seize ans plus tard, les Libanais savent qui a bloqué, qui a saboté, et qui a ramené le Liban trente ans en arrière. A tous ceux qui n’ont rien d’autre à faire que de s’attaquer au “haririsme politique”, je voudrais rappeler ce qu'est le haririsme politique : le haririsme politique a mis un terme à la guerre civile, a permis la reconstruction du pays, de l’aéroport, de l’hôpital gouvernemental qui porte le nom de son fondateur, (…) a ramené les touristes au pays, et a mis en place le premier réseau de téléphonie mobile au Moyen-Orient, avant même Israël (…). Mais vous, quels sont vos accomplissements ? Qu’avez-vous fait pour le Liban et les Libanais", a lancé Saad Hariri, au cours d'un discours télévisé retransmis en direct.
Rafic Hariri a été tué avec 21 autres personnes dans une énorme explosion au camion piégé à Beyrouth le 14 février 2005. Son assassinat a déclenché la révolution du Cèdre, un mouvement populaire qui a forcé la Syrie à retirer toutes ses troupes du Liban en avril de la même année. En décembre dernier, le Tribunal spécial pour le Liban, mis en place par les Nations Unies pour juger les responsables de cet attentat, a rendu son verdict et condamné par contumace Salim Ayache, un membre présumé du Hezbollah. Cette année, en raison de la pandémie de coronavirus, aucune commémoration d'envergure n'a été organisée par le Courant du Futur, que dirige actuellement Saad Hariri, ce dernier se contentant de ce discours politique.
Le Premier ministre désigné s'était recueilli en matinée sur la tombe de son père dans le centre-ville de Beyrouth, en compagnie de sa tante, la députée Bahia Hariri, et de son oncle, Chafic Hariri. Saad Hariri s'est également recueilli sur les tombes d'autres responsables tués durant les dernières années par des attentats à la bombe aussi, notamment l'ex-ministre Mohammad Chatah, assassiné en 2013, et l'ancien chef des renseignement des Forces de sécurité intérieure Wissam Hassan, tué en 2012.
"Il y a quelques mois, le verdict du TSL contre l’un des assassins de Rafic Hariri, Salim Ayache, a été rendu. Ce verdict sera appliqué. Même si cela prendra du temps. Et Salim Ayache sera remis à la justice. Les assassinats doivent s’arrêter, sinon il y aura de grands problèmes", a prévenu le leader sunnite.
Une rencontre pour rien
Avant de se lancer dans un réquisitoire contre ses adversaires politiques, Saad Hariri a dressé un sombre bilan de la période que traverse le Liban, 16 ans après l'attaque qui a coûté la vie à son père. "Seize ans après ton assassinat, la situation n’est pas bonne. Elle pourrait l’être, mais les Libanais se trouvent dans une mauvaise situation. (…) Le port et une partie de Beyrouth ont été détruits. Le coronavirus frappe nos proches, et les assassinats reprennent, la dernière victime en date étant (l'intellectuel et militant chiite) Lokman Slim", a regretté le chef du Courant du Futur.
Ce discours intervient alors que le Liban connaît sa pire crise économique et financière en trente ans, couplée d'une crise politique sur fond de bras de fer entre Saad Hariri et le président de la République Michel Aoun. Désigné pour former un nouveau cabinet le 22 octobre 2020, M. Hariri n'est toujours pas parvenu à accomplir cette tâche. Il vient de rentrer au Liban après une tournée internationale qui l'a mené notamment en Turquie, en Égypte, aux Émirats arabes unis et en France, afin d'obtenir le soutien de la communauté internationale dans sa mission. De retour de Paris vendredi, le Premier ministre désigné s'était rendu au palais présidentiel de Baabda pour la première fois depuis le 23 décembre, alors que ses contacts avec le chef de l'État étaient gelés, sans toutefois que cette rencontre ne laisse présager une avancée quelconque, les deux hommes campant chacun sur ses positions. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron tente de réactiver la feuille de route qu'il avait lancée le 1er septembre à Beyrouth pour une sortie de crise du Liban, dans la foulée de l'explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth. C'est suite à cette catastrophe que le Premier ministre d'alors, Hassane Diab, avait démissionné.
Changement de mentalité nécessaire
"La solution existe et elle est claire. Elle apparaît à travers mes réunions dans les pays arabes et sur la scène internationale. Il y a un enthousiasme pour aider le Liban, mettre un terme à son effondrement et le reconstruire. Tout cela n’attend qu’une seule chose, un gouvernement d’experts non affiliés aux partis politiques, comme énoncé dans l’initiative du président français, l’ami Emmanuel Macron. Sans cette solution, personne n’aidera le Liban", a martelé Saad Hariri. "Tous les investisseurs, libanais et étrangers, réclament des réformes et un changement dans la manière de travailler et dans la mentalité qui nous a menés à la situation actuelle. Les ministres ne peuvent plus attendre un coup de fil de leur chef politique pour agir, et le partage des parts doit cesser".
Il a ensuite implicitement critiqué le chef de l'État et son camp politique, leur faisant assumer la responsabilité de l'impasse politique actuelle. "Celui qui empêche la formation du gouvernement, empêche les réformes en prolongeant la souffrance des Libanais", a-t-il estimé.
Dans la même logique, le Premier ministre désigné a affirmé faire l'objet d'un "lot de mensonges, d’inventions et d’accusations infondées", estimant que "la situation est insupportable". "On dit que le problème se situe au niveau de la mouture que j’ai présentée au président de la République, et que de la sorte j’ai violé ses prérogatives et ne l’ai pas laissé choisir les noms des ministres chrétiens. J’ai vu le président 16 fois depuis ma désignation. Lors du deuxième entretien, il m’a fourni une liste de noms", a indiqué M. Hariri, en montrant aux caméras le document en question. "Je dis cela parce que quelqu'un a dit que j'en avais pris une photo avec mon téléphone portable et qu'il (le président Aoun) ne me l'avait pas donnée. Mais le chef de l’État m’a bien fourni cette liste en main propre lors du deuxième entretien. J’ai présenté une mouture avec 18 noms de ministres experts et indépendants, capables de mener les réformes. Et cette liste ne comporte pas de tiers du blocage. Sur les 18 ministres, j’ai considéré que six feraient partie du camp du président, notamment un ministre affilié au parti Tachnag, quatre autres experts et indépendants des partis politiques que j’ai choisi dans une liste élaborée par le chef de l’État, et le cinquième serait une personnalité indépendante mais proche du président. J’ai également proposé le nom d’un juge connu pour le ministère de la Justice (...). Mais le président de la République affirme à nouveau que le parti Tachnag ne lui est pas affilié. Ce alors qu'à chaque fois, les députés Tachnag votent aux côtés des députés du CPL. Au lieu que le président invite le Premier ministre désigné (à Baabda) afin de lui faire part de ses réserves, celles-ci sont exprimées à travers la presse", a regretté Saad Hariri. Et de marteler : "Je ne changerai pas d’avis sur ces critères".
Les "droits des chrétiens"
Pointant du doigt ensuite le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, mais aussi sans le nommer, Saad Hariri a dit : "Pourquoi réclame-t-il le tiers du blocage ? De quoi a-t-il peur ? Le président est là, et le Parlement aussi. Sauf si quelqu’un en coulisse l’encourage à le faire. Dans ce cas, il faut nous le dire".
Régulièrement accusé par M. Bassil et les membres du CPL de vouloir porter atteinte aux droits et aux prérogatives politiques des chrétiens, Saad Hariri s'est fermement défendu de telles accusations. "Rafic Hariri disait : +nous avons arrêté le recensement démographique, et les chrétiens représentent la moitié de l’État, quel que soit leur nombre+. Aujourd’hui je le répète : nous avons cessé les recensements. Et on ne peut pas accuser Saad Hariri de violer les droits des chrétiens. Les droits des chrétiens sont les droits des Libanais tout simplement. Les droits des chrétiens, c’est l’arrêt de l’effondrement, la reconstruction de Beyrouth, et la fin de la catastrophe qui frappe tous les chrétiens et les musulmans. Les droits des chrétiens, ce sont les réformes, le changement de la façon de travailler. Leurs droits, c’est l’audit juricomptable de la Banque centrale et toutes les institutions et les ministères. J’ai dit au président que si l’attribution d’un portefeuille ministériel quelconque ne lui convient pas, qu’il me le fasse savoir car je suis ouvert au débat. (…) Où est donc l’atteinte aux droits des chrétiens ? Où étiez-vous lorsque la présidence de la République était restée vacante durant tout ce temps (entre 2014 et 2016, NDLR), alors que moi j’ai tout fait pour que le poste ne reste pas vacant, en soutenant notamment le président Aoun et son élection ?".
Le chef du Courant du Futur a enfin défendu une nouvelle fois sa tournée diplomatique en vue d'obtenir un soutien pour la formation du gouvernement. "J’effectue des déplacements dans les pays arabes et d’autres pays à travers le monde, afin d’obtenir un soutien au Liban et restaurer les relations de notre pays, surtout sur le plan arabe, afin que la solution puisse débuter rapidement, à travers la formation d’un gouvernement. Et ce gouvernement sera formé. Car il n’y a pas de sortie de crise sans cela, et sans une réconciliation avec les frères arabes. C’est ce que dicte l’école de Rafic Hariri", a-t-il conclu.
La réaction de Baabda
La réaction de la présidence de la République n'a pas tardé. Son bureau de presse a publié un communiqué peu après la fin du discours de M. Hariri dans lequel il affirme que le discours du Premier ministre désigné contenait "de nombreuses erreurs". "Une nouvelle fois, le Premier ministre désigné a profité de la commémoration de l'assassinat de son père afin de prononcer un discours dans lequel il a abordé les développements autour de la formation du gouvernement. Ce discours comportait de nombreuses erreurs et de propos infondés auxquels nous ne répondrons pas en détail, car il est impossible de résumer 14 rencontres en un seul communiqué. Mais il suffit de dire que ce qu'a affirmé le Premier ministre désigné dans son discours prouve qu'il tente, à travers la formation du gouvernement, d'imposer de nouveaux usages qui contreviennent à ceux prévus par la Constitution et le Pacte national", souligne le bureau de presse du palais de Baabda.
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Mais il suffit de dire que ce qu'a affirmé le Premier ministre désigné dans son discours prouve qu'il tente, à travers la formation du gouvernement, d'imposer de nouveaux usages qui contreviennent à ceux prévus par la Constitution et le Pacte national", souligne le bureau de presse du palais de Baabda. QUAND LE PAYS EST DANS UNE SI MAUVAISE SITUATION, ET QUE LES USAGES ONT MONTRE A QUEL POINT ILS ONT ETE NEGATIFS DANS LEURS APPLICATIONS, IL ME SEMBLE NORMAL DE POUVOIR POUR CETTE FOIS CI ET POUR SAUVER LE LIBAN QUE LE PRESIDENT ACCEPTE UNE "ENTORSE " A CE QU'IL APPELLE LES USAGES . LA VERITE QUEL RISQUE COURT LES CHRETIENS DU LIBAN PUISQUE A TOUT MOMENT LE PARLEMENT PEUT RETIRER LA CONFIANCE AU PREMIER MINISTRE. LA VERITE EST QUE C'EST BASSIL QUI A PEUR DE PERDRE LA POSSIBILITE DE DEVENIR PRESIDENT APRES AOUN QUI L'AMENE A REFUSER HARRIRI A TOUT PRIS, CETTE PERSONNE MET SON PROPRE EGO AU LIEU DE VOIR LE BIEN DU PAYS ET NE SE REND PAS COMPTE QU'AVEC LES SANCTIONS AMERICAINES ,IL NE POURRA JAMAIS PLUS ASPIRER A QUOI QUE CE SOIT AU NIVEAU INTERNATIONAL ET SUREMENT PAS A DEVENIR NI PRESIDENT NI MINISTRE NI MEME DEPUTE UN JOUR. UN POINT A LA LIGNE COMME TOUS LESPOLITICIENS DISENT AUJOURDH'UI POUR DIRE C'EST MA VOLONTE OU LE VIDE
LA VERITE
01 h 54, le 15 février 2021