Hariri "perd un temps précieux en se promenant à l'étranger", raille le CPL

Le bureau politique du Courant patriotique libre, fondé par le président libanais Michel Aoun, a estimé samedi que le Premier ministre désigné "a perdu un temps précieux en se promenant à l'étranger et n'a fait aucune proposition sérieuse à son retour" au Liban, afin de débloquer la crise gouvernementale. Le CPL a regretté que Saad Hariri essaie de former un gouvernement sans tenir compte du chef de l'État.

Désigné pour former un nouveau cabinet le 22 octobre 2020, Saad Hariri n'est toujours pas parvenu à accomplir cette tâche. Il vient de rentrer au Liban après une tournée internationale qui l'a mené notamment en Turquie, en Égypte, aux Émirats arabes unis et en France, afin d'obtenir le soutien de la communauté internationale dans sa mission. De retour de Paris vendredi, le Premier ministre désigné s'est rendu au palais présidentiel de Baabda pour la première fois depuis le 23 décembre, alors que ses contacts avec le chef de l'État Michel Aoun étaient gelés, sans toutefois que cette rencontre ne laisse présager une avancée quelconque, les deux hommes campant chacun sur ses positions. Parallèlement, le président français Emmanuel Macron tente de réactiver la feuille de route qu'il avait lancée le 1er septembre à Beyrouth pour une sortie de crise du Liban, dans la foulée de l'explosion meurtrière du 4 août. C'est suite à cette catastrophe que le Premier ministre d'alors, Hassane Diab, avait démissionné. 

Les critiques du CPL
"La méthode adoptée par le Premier ministre désigné pour aborder le dossier gouvernemental est regrettable",  a estimé le bureau politique du CPL à l'issue de sa réunion hebdomadaire qui s'est tenue par visioconférence. "Il perd un temps précieux à se promener en dehors du Liban pendant des semaines, puis revient effectuer une visite afin de pointer du doigt la responsabilité du président de la République, sans soumettre de proposition sérieuse ni même respecter les principes de base pour former un gouvernement", a vitupéré le parti aouniste. "Ce qui est nouveau, c'est qu'il annonce depuis le palais de Baabda qu'il veut décider unilatéralement de la forme du gouvernement, du nombre de ministres, de leurs noms et de la répartition des portefeuilles, comme si le Liban n'était pas une République parlementaire, faisant fi de la Constitution et des prérogatives du chef de l'État", a poursuivi la formation aouniste. Et le CPL de préciser que le Premier ministre désigné doit former le cabinet "en partenariat" avec le président et non se contenter "d'obtenir sa signature". "Cela nous fait penser qu'il y a une raison cachée qui empêche le cabinet d'être mis sur pied et nous mettons en garde contre ses conséquences", a-t-il poursuivi.

Lire aussi

Hariri met Aoun au pied du mur

Les milieux respectifs du Premier ministre désigné et du chef de l'État ont une lecture différente de l'entretien de vendredi entre Saad Hariri et Michel Aoun. Les premiers soulignent qu'il avait pour objectif de briser la glace entre les deux hommes de sorte à démentir les rumeurs selon lesquelles le chef du Courant du Futur boycottait le palais de Baabda. Les aounistes soutiennent pour leur part que pour Saad Hariri c’était une manière de se dédouaner de toute responsabilité à la veille de la date symbolique du 14 février – la commémoration de l’assassinat de son père Rafic Hariri – au cours de laquelle le Premier ministre désigné devra s’adresser à ses partisans et sympathisants et rendre compte devant eux des raisons du retard dans la formation du cabinet.

L'audit juricomptable
Le CPL a par ailleurs exprimé sa préoccupation face au "ralentissement et à l'incertitude" de la tenue de l'audit juricomptable de la Banque du Liban, qui devrait servir de "point de départ logique de l'audit de toutes les institutions publiques". L’audit des comptes de la Banque centrale est l’une des réformes réclamées par la communauté internationale, condition sine qua non à tout déblocage d’une aide financière au Liban, qui s'enfonce depuis plus d’un an dans un abîme économique et financier. Plusieurs mois après que le cabinet international Alvarez & Marsal a jeté l'éponge et décidé qu'il ne pouvait pas mener un tel audit, la banque centrale a indiqué vendredi avoir transmis au ministère des Finances une lettre dans laquelle elle affirmait sa volonté de "coopérer positivement" avec le cabinet, mais le ministère a souligné ne pas avoir réceptionné une telle missive. 

Revenant enfin sur le piétinement de l'enquête liée à la double explosion au port de Beyrouth, qui a fait plus de 200 morts il y a plus de six mois, le parti aouniste a estimé que "la méthodologie d'enquête n'est pas rassurante, car elle n'a donné aucune indication jusque-là sur la responsabilité dans l'introduction du nitrate d'ammonium ou sur les auteurs de l'explosion". Ce sont 2.750 tonnes de ce nitrate d'ammonium, stockées dans le port depuis 2014, qui étaient à l'origine de la déflagration meurtrière. "On a le sentiment que l’impasse dans ce dossier et le silence qui prévaut ne sont pas de bon augure", ajoute le communiqué. "Le Courant patriotique libre ne restera pas silencieux face à toute tentative d'occulter ce crime, comme il n'acceptera pas non plus que la responsabilité de ce drame incombe à des personnes qui ne sont pas coupables", a-t-il conclu.