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Moyen-Orient - Éclairage

Téhéran affiche son unité avec les autorités irakiennes

Dans le cadre d’une réunion entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays à Téhéran mercredi, les autorités iraniennes ont qualifié la présence américaine dans la région de « préjudiciable » et formulé l’espoir que la nouvelle administration américaine « reconsidérerait » sa politique.

Téhéran affiche son unité avec les autorités irakiennes

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif (à droite), accueillant son homologue irakien, Fouad Hussein, au ministère des Affaires étrangères à Téhéran, le 26 septembre 2020. Photo AFP

Il s’agissait de la première rencontre officielle entre le ministre irakien des Affaires étrangères et des officiels iraniens hauts placés depuis l’élection de Joe Biden aux États-Unis. Mercredi dernier, s’est ainsi tenue à Téhéran une réunion entre Fouad Hussein et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, ainsi qu’avec le président de la République islamique, Hassan Rohani, et le secrétaire du Conseil suprême iranien de la sécurité nationale, Ali Chamkhani.

La rencontre s’est déroulée alors que la nouvelle administration américaine est déterminée à reprendre les négociations avec l’Iran et à réintégrer l’accord sur le nucléaire dont l’ancien chef d’État américain Donald Trump était sorti de manière unilatérale en 2018. Une volonté d’autant plus ferme que l’élection présidentielle iranienne arrive à grands pas et que Washington, qui souhaite élargir l’accord à l’arsenal balistique iranien, craint la victoire des partisans de la ligne dure avec qui il serait encore plus difficile de négocier. À cela s’ajoute l’épineuse question de l’expansion de l’emprise de Téhéran par-delà ses frontières ces dernières années, dénoncée notamment par une grande partie de la population irakienne lors du soulèvement d’octobre 2019.

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La priorité a été donnée mercredi aux discussions autour de l’implication des États-Unis dans la région. Selon l’agence de presse de la République islamique (IRNA), M. Zarif a fait pression pour l’expulsion des troupes américaines du Moyen-Orient en la qualifiant de réponse appropriée à la double élimination par Washington en janvier 2020 du général iranien Kassem Soleimani, ancien commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des gardiens de la révolution iranienne, et de Abou Mahdi al-Mouhandis, ex-leader de facto des Forces de mobilisation populaire (PMF) soutenues par l’Iran. L’occasion pour le chef de la diplomatie iranienne de remercier également un tribunal irakien d’avoir délivré le 7 janvier dernier un mandat d’arrêt national contre Donald Trump dans le cadre de l’enquête sur l’élimination de M. Mouhandis. Le double assassinat de janvier 2020 avait eu pour conséquence la montée en flèche des tensions entre Téhéran et Washington avec une vague d’attaques à la roquette contre des intérêts américains en Irak. Au cours de la réunion, Hassan Rouhani a pour sa part formulé « l’espoir » que la nouvelle administration américaine reconnaîtrait le caractère préjudiciable de sa présence pour la sécurité de la région et « reconsidérerait cette politique ».

Enjeux

Dans un contexte marqué par l’éventualité d’une reprise du dialogue entre Washington et Téhéran, les responsables ont discuté du renforcement des liens économiques. M. Zarif a souligné la nécessité d’accélérer la mise en œuvre des accords sur les marchés frontaliers, le commerce, le transport des marchandises, les dettes et les questions bancaires. M. Rouhani a, de son côté, ajouté que le volume des échanges commerciaux entre les pays devrait atteindre 20 milliards de dollars par an, insistant par ailleurs sur la formation d’une commission conjointe telle que convenue lors de la visite de M. Hussein en septembre dernier.

« L’Iran ne peut pas avoir accès aux revenus de ses exportations de gaz et d’électricité en Irak du fait des sanctions mises en œuvre par l’administration Trump. La nouvelle administration de Joe Biden pourrait conditionnellement fermer les yeux sur l’accès total ou partiel du gouvernement iranien aux dettes accumulées en devises fortes (plus de 5 milliards de dollars), l’une parmi plusieurs incitations à revenir au plein respect du JCPOA », décrypte pour L’Orient-Le Jour Tamer Badawi, analyste de l’Irak et de l’Iran affilié au programme MEDirections. « L’Iran peut faire pression pour accéder à ces fonds et en échange assurer le bon déroulement des élections législatives irakiennes si elles ont lieu en octobre 2021 », ajoute-t-il.

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Le timing de la rencontre de mercredi suscite des interrogations car elle a eu lieu un jour après la visite en Iran de la représentante spéciale du secrétariat général de l’ONU pour l’Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, pour discuter avec Ali Akbar Velayati, conseiller auprès du guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei, de la stabilité irakienne et de la nécessité d’organiser des élections libres.

Dans un entretien avec le site irakien al-Aalem al-jadid, l’analyste politique Iyad al-Anbar explique que la visite de M. Hussein « fait partie du projet visant à arrêter le lancement de missiles, car il y a des factions qui continuent de persévérer et de s’opposer au gouvernement. Celui-ci sollicite son aide (de l’Iran, NDLR) pour soutenir le gouvernement irakien ».Depuis son arrivée au pouvoir en mai 2020, le Premier ministre irakien Moustafa Kazimi tente de ménager la chèvre et le chou en poursuivant l’engagement économique avec le voisin iranien tout en menant occasionnellement des actions contre les groupes paramilitaires qui lui sont affiliés pour donner des gages à Washington. « Tant que Kazimi ne va pas trop loin contre les intérêts iraniens, l’Iran fait preuve de patience en attendant de parvenir à amener un Premier ministre irakien plus souple à son égard après les élections irakiennes » explique M. Badawi.

Beaucoup d’Irakiens ont fait part de leurs inquiétudes dans le sillage de cette réunion qui semble illustrer la reconnaissance de facto par l’ONU du rôle de l’Iran dans le pays. M. Velayati s’est d’ailleurs fendu d’une déclaration après la réunion dans laquelle il décrivait les élections à venir en Irak comme étant « positives ». « Ce sera un test pour le nouveau commandant de la force al-Qods, le général Esmaïl Qaani, car il travaillera probablement pour l’unification des alliés irakiens locaux et des proxies afin de former un bloc solide au Parlement, avance Tamer Badawi. Kassem Soleimani était perçu comme ayant réussi dans cette tâche au cours des années précédentes. Cette période critique permettra de tester comment la coopération entre la force al-Qods, le ministère iranien des Affaires étrangères et d’autres agences se déploie en Irak. »

Il s’agissait de la première rencontre officielle entre le ministre irakien des Affaires étrangères et des officiels iraniens hauts placés depuis l’élection de Joe Biden aux États-Unis. Mercredi dernier, s’est ainsi tenue à Téhéran une réunion entre Fouad Hussein et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, ainsi qu’avec le président de la République islamique, Hassan...

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