
Lokman Slim sur le parvis de sa demeure dans la banlieue sud de Beyrouth. Photo tirée de la page Facebook de l’activiste
« Dans ce monde arabo-musulman, nous sommes damnés. » C’est par cette constatation amère, presque défaitiste, que le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt commente l’assassinat de l’écrivain et activiste Lokman Slim. La mort tragique de cet intellectuel chiite, connu pour ses critiques acerbes contre le Hezbollah, a réveillé chez le leader druze le souvenir des derniers échanges qu’il avait eus avec sa mère, May Chakib Arslane, sur son lit de mort en septembre 2013. « Elle m’avait dit un jour : je ne veux plus entendre parler de ce monde arabo-musulman fait d’assassins et de criminels. »
Si le Hezbollah a condamné l’assassinat et a nié toute responsabilité, de nombreuses voix l’accusent d’être derrière l’élimination de Lokman Slim qui ressuscite la crainte d’un retour à la période noire des assassinats politiques, attribués à l’axe irano-syrien, qui a hanté le Liban pendant une décennie. Entre 2004 et 2013, la scène politique vivait au rythme des explosions à la voiture piégée visant des figures de proue de l’opposition à cet autoproclamé axe de la résistance. Le dernier à en avoir fait les frais était le conseiller de Saad Hariri, Mohammad Chatah, en 2013, laissant penser que le cycle infernal était désormais terminé. « Avec l’assassinat de mon père, les criminels avaient achevé d’étouffer le dernier résidu de l’esprit du 14 Mars et de la révolution de l’indépendance », commente son fils, Ronnie Chatah. À l’époque, les cibles avaient été sélectionnées pour annihiler toutes voix contestant la domination irano-syrienne sur le Liban, dont celles des journalistes Gebran Tueni, Samir Kassir ou encore May Chidiac qui est, elle, heureusement sortie vivante, et bien sûr de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.
Autant de mauvais souvenirs qui ont refait surface hier après l’assassinat tragique du grand trublion qu’était Lokman Slim, dont le combat inlassable visait à libérer le pays du Cèdre non plus des troupes de Damas boutées hors du Liban en avril 2005, mais de l’emprise iranienne venue se substituer à la tutelle syrienne.
Période de vengeance ?
Le meurtre de Lokman Slim est-il le prélude d’une nouvelle série d’assassinats politiques ? Ou est-ce un cas isolé qui ne peut être comparé, notamment au niveau de la logistique et du contexte, à ceux qui l’ont précédé ? Pour le vice-président du courant du Futur, Moustapha Allouche, il doit se lire dans le cadre de la volonté du Hezbollah de faire taire toutes voix dissidentes au sein de la communauté chiite. « La campagne des assassinats en série n’est toutefois pas à exclure et peut être envisagée à tout moment tant que le Liban est pris en otage par le Hezbollah », commente M. Allouche.
Un analyste du 14 Mars qui a requis l’anonymat s’inquiète pour sa part du fait que la phase à venir puisse être une « période de vengeance » contre les partisans du 17 octobre 2019, en référence au soulèvement libanais. « Toute démonstration de force, voire de terreur, est en même temps un message adressé en amont pour permettre à l’Iran d’améliorer ses conditions lors des pourparlers », commente cet analyste, en référence aux tractations diplomatiques en cours entre les États-Unis et l’Iran concernant l’accord nucléaire.
Ronnie Chatah tient à rappeler pour sa part que son père avait été assassiné après l’élection du président iranien Hassan Rohani. Il venait juste d’écrire une lettre ouverte à son intention dans l’espoir d’établir des ponts directs entre Beyrouth et Téhéran. Un message qui a vraisemblablement été intercepté par le Hezbollah. « Toute personne qui met en cause la mainmise du Hezbollah sur le Liban et son appareil sécuritaire sera éliminée, et ne seront épargnés que ceux qui accepteront le statu quo », affirme-t-il.
Selon Walid Joumblatt, l’assassinat de Lokman Slim ne peut être dissocié des accusations que l’activiste avait notamment lancées sur le média d’obédience saoudienne, al-Hadath, à l’adresse du Hezbollah et de la Syrie. Il les avaient mis en cause dans l’affaire de l’importation du nitrate d’ammonium et donc de la double explosion du port le 4 août dernier. « L’assassinat de Lokman Slim est signé de la main de Damas, qui veut tout simplement que soit mis fin à l’enquête du port », affirme le leader druze à L’OLJ. L’élimination de l’activiste chiite est survenue après celle – dans un contexte énigmatique – de Joe Bejjani, un photographe professionnel tué le 22 décembre dernier. Idem pour la liquidation de l’officier des douanes, le colonel Mounir Abou Rjeily, retrouvé mort le 4 décembre à son domicile à Qartaba.
Dans les milieux du Hezbollah, la politique de l’autruche se poursuit. Pour le cheikh Sadek Nabulsi, un dignitaire proche du Hezbollah, il n’y a aucun doute que l’assassinat de Lokman Slim ait été « perpétré par Israël, qui joue sur la fibre de la division communautaire et cherche à semer la discorde dans les milieux chiites ».
Le quotidien al-Akhbar, pourtant connu pour sa proximité avec le Hezbollah, a pour sa part consacré vendredi trois articles relativement élogieux à Lokman Slim. Une manière peut-être de faire oublier un autre article incendiaire du 14 septembre 2012 intitulé « Hayya bina ila Tel-Aviv » (Allons donc à Tel-Aviv ) en allusion à l’ONG Hayya bina fondée par M. Slim, alors que les partisans du Hezbollah l’accusaient d’être un agent à la solde de l’ennemi. Pour l’analyste du 14 Mars précité, c’est une indication claire de la volonté du Hezbollah de faire oublier l’affaire pour l’instant et de vaquer à celles du pays le plus tôt possible. Faut-il alors lire dans cette optique l’appel hier de Naïm Kassem, le numéro deux du Hezbollah, pour mettre sur pied un gouvernement le plus tôt possible ?
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LA VERITE
17 h 19, le 06 février 2021