Le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a été appelé à comparaître lundi prochain devant le premier juge d'instruction de Beyrouth, Nicolas Mansour, dans le cadre des poursuites judiciaires lancées à son encontre la semaine dernière par la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun. M. Salamé est poursuivi pour "négligence professionnelle et abus de confiance" dans la gestion du dollar subventionné.
Le responsable financier sera interrogé lundi prochain par le juge d'instruction, à l'instar des autres personnes également poursuivies dans cette affaire. La juge Aoun avait en effet également engagé des poursuites contre la présidente de la Commission de contrôle des banques (CCB), Maya Dabbagh, mise en cause pour manquement à ses obligations dans l’exercice de ses fonctions, Michel Mecattaf, propriétaire d’une agence d’importation de dollars, et Abdel-Rahman Fayed, changeur.
Selon des sources judiciaires proches du dossier interrogées par L'Orient-Le Jour, il est notamment reproché à Riad Salamé d'avoir "permis une distribution aux changeurs de catégorie A des dollars échangeables au taux de 3.900 LL sans publier des circulaires exigeant que ces devises soient destinées aux seules catégories visées par le mécanisme mis en place, en l'occurrence des importateurs de certains produits alimentaires". Cela a permis aux changeurs de vendre ces dollars subventionnés aux personnes de leur choix, et donc à gaspiller et dilapider les fonds publics, selon les mêmes sources. Maya Dabbagh, serait, elle, accusée de n’avoir pas contrôlé de manière correcte les flux de dollars auprès des établissements de change, tandis que Michel Mecattaf et Abdel-Rahman Fayed seraient visés pour avoir "gardé dans leurs caisses des dollars échangeables au taux de 3 900 livres, et d’avoir vendu des devises à des changeurs plutôt qu’à des importateurs, contrairement aux directives de la BDL". Riad Salamé avait été, dans ce cadre, interrogé par la procureure Aoun dans le courant du mois de décembre 2020, après un premier report de son interrogatoire, qu'il avait demandé pour "des raisons de sécurité".
Depuis le soulèvement populaire du 17 octobre 2020, Riad Salamé, qui dirige la BDL depuis 1993, est une figure particulièrement conspuée par les protestataires, qui l'accusent d'avoir couvert pendant des années la corruption des responsables libanais, un fléau pointé du doigt comme étant l'une des causes de l'effondrement économique et financier du Liban.
La convocation du gouverneur intervient d'ailleurs alors qu'il est déjà mis sur la sellette en Suisse dans le cadre d’une enquête pour "blanchiment d’argent aggravé en lien avec de possibles détournements de fonds au préjudice de BDL". Pour faire suite à la demande d'entraide envoyée par Berne à la justice libanaise sur cette affaire, le procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, a demandé aux personnes concernées de lui fournir les documents et informations requis concernant les transferts incriminés, afin qu'il puisse envoyer jeudi prochain sa réponse à la Suisse. Selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), le juge Oueidate a demandé au gouverneur, à la commissaire du gouvernement près la BDL, Christelle Wakim, à la Commission spéciale d'investigation et à la Commission de contrôle des banques de lui fournir "toutes les données demandées par la demande d'entraide suisse" et notamment les informations concernant les mécanismes de transfert à partir de la BDL vers l'étranger.
commentaires (3)
L'abus de confiance étant une infraction intermédiaire entre le vol et l'escroquerie, il lui est reproché , entres autres, de s'être approprié des fonds prélevés sur les comptes de clients a des fins personnelles par le biais de transferts d'argent dont le montant dépasse tout entendement... Dans tout pays respectant les lois des citoyens, les déposants pourraient porter plainte contre les banques, qui elles devraient se retourner contre la BDL pour obtenir réparation auprès de l'auteur de l'infraction.... mais ce procédé n'existe que dans un pays normalement constitué, parce que le fait imputé est un acte criminel. Malheureusement , à l'image de toutes les affaires précédentes, celle là se noiera dans les méandres d'une corruption, que l'on sait, endémique.
C…
22 h 02, le 02 février 2021