Tabi’i, ou Naturel , c’est le titre du dernier single de Joseph Attieh, mais pas que. Car cet adjectif décrit parfaitement et en un mot le chanteur libanais qui a su rester ce même jeune homme découvert par le public il y a 15 ans lors d’une émission de télé-réalité. Toujours aussi proche de sa famille, de ses racines et de son public, Joseph Attieh est un grand cœur que la célébrité n’a pas changé, comme le montrent ses récentes vidéos postées sur Instagram où il se dévoile à ses fans en répondant à des questions sur sa vie privée et son quotidien. En pleine pandémie, ce dernier n’a toutefois rien de très palpitant à vivre. Isolé au Liban-Nord, le chanteur passe ses journées entre le sport, la lecture et la musique, alors que lui parviennent les échos positifs de sa chanson qui avoisine les deux millions de vues sur la Toile.
« Tabi’i est un titre un peu étrange car il mélange le dialecte du Golfe à un dialecte arabe plus standard communément appelé dialecte blanc, explique-t-il à L’Orient-Le Jour. J’avais donc des craintes, surtout que la musique n’est pas très commerciale et ressemble plutôt à une bande sonore de film. En fait, ça passait ou ça cassait, et je suis content de voir que la chanson est un succès, même auprès d’un public qui n’écoute pas forcement de la musique arabe. » Sur le clip réalisé en noir et blanc par Jad Shwery, et qui raconte l’histoire d’une trahison, Joseph Attieh guette l’arrivée de sa bien-aimée et de son amant à l’entrée d’une villa. Armé d’un revolver, il les suit, les observe, avant de tirer une balle depuis sa cachette, sans que le spectateur ne découvre le dénouement du drame. « Ce n’est pas ma première collaboration avec Jad Shwery qui est devenu un ami, indique l’artiste. Sur le clip, nous faisons les choses ensemble et décidons de la direction à prendre. Jad a ainsi suggéré que l’acteur soit incarné par l’auteur-compositeur Rami Chalhoub qui chante un des couplets. » « Quand il a également proposé un clip en noir et blanc, je n’ai pas été rebuté par l’idée, car la chanson est assez triste et la musique très cinématique », poursuit l’artiste, qui répète sur son single : « Il est naturel que je souffre et que je devienne fou en ton absence, et si naturel que les secondes passent comme des heures dans tes errances… »
Numéro 5
Avec ce single, Joseph Attieh donne le ton de son prochain et cinquième album, baptisé simplement JA5. « J’ai toujours privilégié une stratégie particulière concernant mes albums, explique-t-il. Même mes chansons sorties en format single ont, plus tard, été réunies dans un album. C’est d’abord et en grande partie en raison de mon côté obsessionnel, très “OCD”, car j’aime mettre de l’ordre dans ma discographie. Mais c’est aussi pour moi une manière de pouvoir explorer et présenter sur un même projet différents styles musicaux qui s’adaptent à tous les goûts. » Alors que son opus est prêt depuis plus d’un an et que sa sortie a été retardée en raison de la crise sanitaire, Joseph a décidé d’opter pour une stratégie différente. « Je vais dévoiler les chansons au fur et à mesure, l’une après l’autre, d’ici à un an, et à de courts intervalles. Elles gagneront chacune en visibilité », estime l’artiste, qui assure avoir abordé ce projet avec une plus grande maturité. « Je ne m’intéresse pas trop à savoir ce qui fonctionne en ce moment car je préfère choisir mes chansons au feeling, dit-il. Mais avec le temps, on commence à comprendre davantage ce que le public apprécie, même en termes d’interprétation. Et pour l’album suivant, auquel je réfléchis déjà, je voudrais pousser mes limites et prendre de nouvelles directions artistiques. »
Sur JA5, l’interprète de Mawhoum, Te’eb el-Shawk et Ella Enta a collaboré avec un éventail d’artistes, des habitués ou d’autres, comme Nasser el-Assaad, Tony Bou Khalil, Georges Kassis, Jamal Yassine et Rami Chalhoub. L’album marque en outre une première collaboration avec le poète en vogue Ali Mawla sur trois titres, dont deux mis en musique par Jad Katrib et un titre composé par Joseph Attieh lui-même. Décédé il y a quelques semaines du Covid-19, le compositeur Jean Saliba avait également signé un titre. L’opus devrait par ailleurs contenir une chanson jordanienne. « Après Tabi’i, le prochain single sera Helwin, une chanson égyptienne que j’ai travaillée avec DJ Rodge, qui signe la production musicale. Cela faisait un bon bout de temps que nous voulions travailler ensemble et nous avons choisi cette chanson qui sera filmée bientôt », précise Joseph Attieh.
Une prière pour Beyrouth
Si cet album doit apporter du neuf sur le plan musical, il marque toutefois le retour du chanteur au bercail, puisqu’il reprend son contrat avec sa boîte de management StarSystem qui l’avait accompagné depuis ses débuts en 2005, après un an de coupure durant lequel il avait eu envie de voler en solo. « Je suis resté en très bons termes avec tout le monde et je comprends aujourd’hui à quel point il est important d’être entouré d’une équipe, ajoute le chanteur. Je suis surtout reconnaissant de n’avoir jamais eu de problèmes de production et d’avoir pu me donner les moyens de vivre de ma musique. Dans ce métier, on récolte autant qu’on sème. On retrouve tout ce que l’on donne. »
Le jeune homme de 33 ans n’a en tout cas pas peur de s’investir corps et âme dans tout ce qui lui tient à cœur. Au lendemain du drame du 4 août, il était parmi les premiers artistes à descendre sur le terrain pour assister les victimes de la double explosion du port et aider à la reconstruction de sa bien-aimée Beyrouth. L’interprète de Lebnan Rah Yerjaa, devenu un classique pour toutes les occasions nationales, a même offert à sa capitale meurtrie un hymne poignant intitulé Sallou La Beyrouth (« Priez pour Beyrouth, celle qui n’avait jamais perdu le sourire… »). « J’ai senti qu’il fallait que je présente quelque chose à la hauteur de la tragédie, que ce soit musicalement ou sur le plan humain », affirme Joseph Attieh, qui reconnaît que les Libanais ne sortiront pas facilement du traumatisme vécu, surtout à l’ombre de la crise actuelle qui ne facilite pas les choses. Depuis son lieu de confinement, loin de la ville, il révèle que ce qui lui manque le plus, mis à part retrouver la scène, c’est de prendre quelqu’un dans les bras. Et ce ne sont certainement pas les volontaires qui manqueront…
Pour la dernière idée, oui il est temps Joseph. A part ça, c'est le , ou plutôt, l'un des plus aimables des chanteurs libanais. Naturel, modeste, avec une voix "rocheuse", beaucoup de belles chansons, mais.. pas toutes. Et sûrement, grand patriote.
12 h 00, le 30 janvier 2021