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Société - Contestation au Liban

La colère continue de gronder à Tripoli pour le 4e jour consécutif

Un deuxième manifestant blessé par balle décède.

La colère continue de gronder à Tripoli pour le 4e jour consécutif

Un manifestant lançant un cocktail molotov lors d'une violente manifestation à Tripoli, au Liban-nord, le 28 janvier 2021. Photo João Sousa

Pour le quatrième jour consécutif, Tripoli, grande ville du Nord et cité la plus pauvre du Liban, était le théâtre de violents affrontements entre manifestants qui protestaient contre les restrictions sanitaires et leurs difficiles conditions de vie et les forces de l'ordre. Ces violences, quasi-interrompues depuis lundi, ont repris après les obsèques d'un jeune homme, première victime de ces troubles qui ont fait deux morts et plus de 300 blessés depuis le début de la semaine.

Omar Tayba, 29 ans, a été blessé par balle alors qu'il observait les manifestations et les heurts, a déclaré à l'AFP son frère Ahmad Tayba. Le jeune homme était hospitalisé à l'hôpital al-Nini, à Tripoli. Il a été inhumé à Bab el-Tebbané, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). "Mon frère regardait les manifestations quand il a été touché. Il ne participait pas aux rassemblements", a ajouté Ahmad Tayba.

Photo ANI

Jeudi soir, Omar Tamo, journaliste de notre confrère anglophone L'Orient Today, a confirmé qu'un deuxième manifestant est décédé après avoir été blessé par balle mercredi. La victime s'appelait Oussama Ghemraoui et était originaire du quartier de Bab el-Tebbané.

Avec plus de la moitié de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté, Tripoli était l'un des épicentres du mouvement de contestation sans précédent déclenché en octobre 2019 à travers le pays contre une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence. Le Liban connaît sa pire crise économique depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), aggravée par la pandémie qui a entraîné des segments entiers de la population dans la précarité.

"Prêt à mourir en martyr"
Depuis lundi, les manifestations prennent dans ce contexte chaque soir un tour violent dans la capitale du Nord et dégénèrent en affrontements avec les forces de l'ordre. Les manifestants protestent contre le prolongement du confinement sanitaire. Ce bouclage et les mesures strictes mises en place privent en effet de nombreux citoyens de leur revenu et l'État n'a encore fourni aucune compensation ou aide aux personnes fragilisées.

Après les obsèques de Omar Tayba jeudi, des centaines de contestataires sont à nouveau descendus dans les rues de la ville en début d'après-midi. Comme les jours précédents, un groupe se trouvait sur la place al-Nour, où ils criaient des slogans antipouvoir, tandis qu'un autre caillassait l'entrée principale du Sérail. Des protestataires ont encore marché dans les rues de la ville, afin de se rendre devant les maisons des responsables politiques. Devant le domicile du député Fayçal Karamé, ils ont appelé à sa démission et promis que "le sang des jeunes de Tripoli ne coulera pas en vain". Un autre sit-in a eu lieu devant la résidence du député Samir Jisr.

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« J’en suis à un point où je peux tuer pour nourrir ma famille »

Sur la place al-Nour, Ibrahim, 17 ans, confie à notre journaliste Lyana Alameddine être "prêt à mourir en martyr" comme Omar Tayba. "On préférerait mourir par balle que de faim", affirme-t-il, soulignant que "si l'armée s'en prend à nous, nous nous en prendrons à elle". Un autre jeune originaire de Bab el-Tebbané déclare que "ce sont les députés qui nous ont affamés et il faut qu'on se rende devant chez eux pour les confronter". Un peu plus loin, des jeunes garçons d'une dizaine d'années lancent des pierres en direction du sérail. Sleiman, huit ans, crie : "On a faim, on n'a même pas une tranche de pain et on est venu réclamer nos droits".

L'entrée du Sérail incendiée
En soirée, les heurts ont éclaté dans le périmètre du Sérail gouvernemental de la ville dont l'entrée a été incendiée par les manifestants, alors que l'armée et la police tiraient des grenades lacrymogènes pour disperser la foule. Une grenade à main a également été lancée dans la cour intérieure du Sérail, selon la police, qui fait état d'un agent légèrement blessé. Selon la Croix-Rouge libanaise, trois blessés ont été évacués aux hôpitaux de la ville et une trentaine d'autres traités sur place.
Mercredi soir
, 226 personnes ont été blessées dans les heurts, dont 66 ont été hospitalisés. Selon l'AFP, des tirs à balles réelles d'origine inconnue ont été entendus.

Un enfant tente d'enlever des fils barbelés, le 28 janvier 2021 lors d'une nouvelle journée de manifestations violentes à Tripoli, au Liban-nord. Photo João Sousa

Les sit-in en signe de solidarité avec Tripoli se sont multipliés à travers le Liban. A Beyrouth, une manifestation s'est tenue devant le siège du ministère de l'Intérieur dans le quartier Sanayeh. "Celui qui tue son peuple est un traître", ont scandé certains manifestants, selon le journaliste de SkyNews Arabia Salman Andary. Les protestataires, un petit groupe de quelques dizaines de partisans du Parti communiste libanais (PCL), ont ensuite manifesté sur la place Riad el-Solh, dans le centre-ville de la capitale. Un sit-in devant le domicile du ministre sortant de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, a également eu lieu à Koraytem ainsi qu'un autre devant le siège du ministère à Sanayeh. Des routes ont été coupées ailleurs dans le pays, notamment dans la Békaa, à Marj-Bar Elias et Baalbeck-Hermel, ou encore à Bhamdoun, dans le caza de Aley.

Les réactions
Réagissant aux violences des derniers jours, le chef des Kataëb Samy Gemayel,a affirmé dans un tweet que "les habitants de Tripoli, les agents des forces de sécurité et tout le Liban sont victimes de l'indifférence, de l'inconscience (des responsables, ndlr) et de la vacance des institutions, ainsi que des tentatives d'implanter un État policier".

L'ancien Premier ministre Nagib Mikati, également député de Tripoli, a pour sa part déploré le décès du jeune manifestant et le nombre de blessés parmi "les civils et les militaires", mettant en garde contre toute tentative de "détourner les besoins des gens afin de mettre en œuvre des plans politiques et sécuritaires". Des avertissements similaires avaient été lancés la veille par le Premier ministre sortant Hassane Diab, et le Premier ministre désigné Saad Hariri. 

Le courant du Futur, dirigé par ce dernier, a estimé que la solution sécuritaire aux manifestations violentes à Tripoli n'était en réalité pas une solution. Il a dénoncé une sorte de complot de la part des services de renseignement et de certaines formations politiques, mais sans les nommer. Évoquant "des mains suspectes qui œuvrent à noyer Tripoli dans le chaos", tout en reconnaissant "le cri juste qui reflète la souffrance sociale des quartiers populaires" de la grande ville du Nord, le Futur a estimé que "de nombreuses prises de positions durant les dernières heures montrent qu'il y a des partis politiques et des notables locaux qui exploitent la souffrance des citoyens et qui financent des groupes, dont certains viennent de l'extérieur de la ville". La formation de Saad Hariri ne va toutefois pas jusqu'à nommer ces partis-là, alors que certains accusent le frère du Premier ministre désigné, Baha' Hariri, d'alimenter la grogne populaire afin d'exploiter le malaise de la rue sunnite au service d'objectifs politiques et personnels.

Les Forces libanaises (du chef chrétien Samir Geagea) ont quant à elles dénoncé "la négligence" des autorités libanaises qui n'ont pas assuré d'"alternatives" financières aux citoyens lors du confinement total. Elles ont accusé le gouvernement de ne pas avoir assumé "ses responsabilités vis-à-vis du peuple et surtout des travailleurs journaliers". Dans un communiqué, les FL ont dit "comprendre les souffrances des gens face à la crise financière catastrophique ainsi que leur colère", appelant toutefois à éviter le recours "au chaos et au vandalisme.

Quant au chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, il a dénoncé "la mobilisation d'une rue connue pour son affiliation et son financement", dénonçant la "main claire de certains coordinateurs et actuels et anciens responsables de services de sécurité". M. Bassil ne nomme toutefois personne dans ses accusations. "Faire bouger la rue ne protégera pas votre système politico-financier et ne fera pas dévier notre regard de votre corruption. Nous continuerons de vous poursuivre tous, avec détermination et réalisme, jusqu'à ce que vous rendiez ce que vous avez volé", conclut-il sur son compte Twitter, encore une fois sans citer ceux à qui il s'adresse.

Pour le quatrième jour consécutif, Tripoli, grande ville du Nord et cité la plus pauvre du Liban, était le théâtre de violents affrontements entre manifestants qui protestaient contre les restrictions sanitaires et leurs difficiles conditions de vie et les forces de l'ordre. Ces violences, quasi-interrompues depuis lundi, ont repris après les obsèques d'un jeune homme, première victime...

commentaires (8)

Il suffit que les libanais des autres régions se joignent à leurs frères Tripolitains comme eux l’ont fait lors du début de la thaoura pour que cette union tant attendue soit réelle et fasse trembler les plus durs des vendus et les oblige à déguerpir. Les rumeurs sur des cinquièmes colonnes et mercenaires sont utilisés pour que ce miracle n’ait pas lieu. En 2019 ils ont traités les révolutionnaires d’agents étrangers qui œuvrent sous des ordres pour détruire le pays non? A la télé nous n’avons vu que des libanais déterminés à en découdre avec ces pourris qui ont pillé le pays et regardent son peuple mourrir à petit feu. Ça c’est une révolution.

Sissi zayyat

11 h 46, le 29 janvier 2021

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Commentaires (8)

  • Il suffit que les libanais des autres régions se joignent à leurs frères Tripolitains comme eux l’ont fait lors du début de la thaoura pour que cette union tant attendue soit réelle et fasse trembler les plus durs des vendus et les oblige à déguerpir. Les rumeurs sur des cinquièmes colonnes et mercenaires sont utilisés pour que ce miracle n’ait pas lieu. En 2019 ils ont traités les révolutionnaires d’agents étrangers qui œuvrent sous des ordres pour détruire le pays non? A la télé nous n’avons vu que des libanais déterminés à en découdre avec ces pourris qui ont pillé le pays et regardent son peuple mourrir à petit feu. Ça c’est une révolution.

    Sissi zayyat

    11 h 46, le 29 janvier 2021

  • Est-ce la révolution, la vraie, qui n'a pas l'air de céder avant d'aboutir? L'autorité aveugle l'a attisé, et pire, elle tourne le dos à la misère.

    Esber

    21 h 53, le 28 janvier 2021

  • LA BLAGUE DANS TOUT CELA C,EST QUAND LE GENDRE... EDL. BARGES TURQUES, ETC... ! QUEL CULOT ! PARLE DE POURSUIVRE ET PUNIR LES CORROMPUS. ON NE BLANCHIT PAS EN JETTANT DE LA BOUE SUR LES AUTRES QUAND ON EST PLONGE SOI-MEME ET EN ENTIER DANS LA BOUE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 08, le 28 janvier 2021

  • Des milliers de syriens travaillent très dur a tripoli dans tous les secteurs. Mais bien sur, ce type de travail n'est pas au niveau requis pour ces Messieurs les tripolitains, qui préfèrent être assistés. Ou sinon, ils sont résolus a détruire leur sérail et leur ville. et/ ou a mourir en martyr... Maintenant, quand on dit les choses comme elles sont, on est traités de racisme.

    Mago1

    16 h 12, le 28 janvier 2021

  • M. Mikati ,M. Abou Abd Kabbara ,M. Jisr , M. Karamé, M. Fatfat , M. Samad, M. Alameddine, M. Nahas ,M.Alouche , M.Hariri fils et cousins pour nommer que ceux-là OU SONT ILS ??? Leurs photos ( preuve : si c’était possible de tourner à gauche la photo que vous publiez !! )sont toujours suspendus au-dessus des têtes des dit révolutionnaires populaires. Voyons voire aujourd’hui !!

    aliosha

    13 h 05, le 28 janvier 2021

  • ?????

    Eleni Caridopoulou

    12 h 51, le 28 janvier 2021

  • Il est quelque peu ironique de voir tant de violence dans les rues un jour et puis un autre tant d'admiration pour les politiques qui œuvrent pour enfoncer ce pays un peu plus dans l'apocalypse. La solidarité a des limites et il n'est pas cohérent de faire preuve d'indulgence à l'égard des complices des corrompus qui sabordent la nation. Je suis curieux de voir si ce type de manifestation va se transposer dans tous les quartiers "populaires" du pays...

    Georges Olivier

    12 h 22, le 28 janvier 2021

  • Nous sommes un pays de quelques millions d’otages. Nous sommes les otages d’incompétents, d’affairistes mafieux, plongeant les jeunes dans des conditions de vie lamentables. Peu m’importe s’il est Libanais ou non, mais qu’on se penche réellement sur les problèmes des jeunes sans horizon, et ce n’est pas de la langue de bois ce que je viens de dire. Hier soir, collé à l’écran de l’ordi pour voir la place "al nour" à Tripoli, et ce que je voyais : des badauds, des gyrophares, des jeunes criant leur douleur, et leur envie de s’en sortir, mais ils n’ont d’autres moyen que de lancer des pierres. J’ai très mal pour les jeunes. Hier soir, c’était une nuit de violence peu ordinaire, avec un bilan très lourd, un jeune succombe à ses blessures. Oui, la mort du manifestant est scandaleuse.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 11, le 28 janvier 2021

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