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Nos Lecteurs ont la Parole

Elle s’appelle Sarah

Elle s’appelle Sarah

Elle s’appelle Sarah. Lève-tôt depuis sa plus tendre enfance, c’est souvent d’elle que je reçois les premiers messages du matin sur mon portable. « Salut, tu vas bien ? Tu me manques. Je voulais juste te dire bonjour et te souhaiter une bonne matinée. Je t’aime. » Rien d’aussi simple. D’aussi sincère. D’aussi beau.

Dans le chaos qui nous entoure, surtout en ces temps-ci, entre nouvelles morbides relatives au Covid-19 et crises politico-financières interminables, nous oublions à quel point notre vulnérabilité humaine a soif de preuves d’amour, de présence, de transparence. Ce sont les êtres spéciaux, considérés comme des fardeaux aux yeux de la société, notamment dans les pays sous-développés, qui sont les premiers donateurs d’affection gratuite et d’amour inconditionnel. Sans arrière-pensées. Sans fins arrivistes. Sans fard. Ils laissent leur cœur s’épancher et leur esprit s’exprimer, ils donnent libre cours à leurs réflexions, à leurs angoisses, à leurs rêves. Si pleins de vérité, ils irradient d’authenticité. Une denrée rare de nos jours.

Sarah, ma sœur, a maintes cordes à son arc. Passionnée de natation depuis l’âge de six ans, elle a remporté une pléthore de médailles (deux médailles d’or, six médailles d’argent et 3 médailles de bronze) au nom du Liban aux Jeux mondiaux de « Special Olympics » aux quatre coins du monde, des États-Unis jusqu’en Chine, en passant par la Grèce, les Émirats arabes unis, l’Égypte… Dans l’eau, Sarah étale ses nageoires, elle déploie ses ailes. Elle fonce en avant, tout droit, défiant les limites de son propre corps, défiant les préjugés du monde extérieur. Dans l’eau, sa liberté se déchaîne. Dans l’eau, elle se libère de sa trisomie 21, des contraintes sociétales externes, de l’étroitesse de l’univers où elle peut évoluer au Liban.

Férue de musique, elle se réveille dès l’aube en dansant au tempo des rythmes orientaux ou internationaux. Il suffit de la regarder se déhancher, le sourire aux lèvres, les yeux mi-clos, le soleil dans l’âme, pour comprendre que l’être humain naît libre, entier, plein d’assurance et de confiance. Plein d’estime pour soi, conscient de sa valeur, de sa dignité, de l’étendue des ressources et du potentiel qu’il cache au fond de lui-même, qu’il est capable de développer et de faire fructifier, à condition qu’il n’en soit pas empêché ou freiné par la discrimination, l’injustice ou la cruauté du monde extérieur ; fléaux contre lesquels nos parents, et beaucoup d’autres, ont lutté des années durant, et luttent encore et toujours. Une lutte sans merci, qui requiert du courage et du cœur, pour imposer l’insertion de Sarah et de ses semblables, ses compatriotes, dans la vie normale d’une société et d’un pays, au lendemain de la guerre civile, à une époque où il était encore inconcevable, voire indécent, de montrer les personnes « handicapées » en public. Mais quand il s’agit de son propre enfant, de ses droits, de ses libertés, Aida et Joseph sont montés au créneau, les manches relevées, et se sont battus avec détermination, sans relâche. Entre cours de danse, cours d’anglais, adhésion aux guides du Liban, emploi à Sesobel, son univers et sa seconde famille, aucune opportunité n’a été épargnée.

Cet article leur rend aujourd’hui hommage. Un salut à tous les parents, au cercle d’éducateurs, d’entraîneurs, d’assistants, d’activistes, aux associations, aux ONG qui luttent avec acharnement et sans répit pour la protection des droits et pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap au Liban, surtout dans les conditions extrêmement difficiles imposées par le confinement dû au Covid et la conjoncture socioéconomique du pays.

Un hommage à Sarah et à ses compagnons d’armes qui se révèlent jour après jour comme des vecteurs de lumière et d’espérance, des symboles de courage et de détermination. À les voir évoluer si sûrs d’eux-mêmes, souriants et positifs, contre vents et marées, contre un univers souvent impitoyable, insoutenable dans toute son absurdité, n’est-ce pas la plus belle, la plus humble leçon d’amour, l’amour de soi, l’amour des autres, l’amour de la vie ?


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Elle s’appelle Sarah. Lève-tôt depuis sa plus tendre enfance, c’est souvent d’elle que je reçois les premiers messages du matin sur mon portable. « Salut, tu vas bien ? Tu me manques. Je voulais juste te dire bonjour et te souhaiter une bonne matinée. Je t’aime. » Rien d’aussi simple. D’aussi sincère. D’aussi beau. Dans le chaos qui nous entoure, surtout en ces...

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