Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, qui se positionne dans l'opposition aux forces politiques actuellement au pouvoir, a déclaré que son parti n'avait "plus confiance dans les Forces libanaises" de Samir Geagea, un autre parti chrétien qui se revendique également de l'opposition. Il leur reproche notamment de faire partie du compromis qui a permis à Michel Aoun d'accéder à la présidence de la République.
Ces propos de M. Gemayel, tenus lors d'un entretien diffusé lundi soir sur la chaîne al-Hurra, viennent porter un coup à l'initiative que souhaite lancer Samir Geagea en se plaçant au cœur d'un large front d'opposition au mandat du chef de l'Etat. Un responsable FL avait dans ce cadre annoncé à L'OLJ que le parti allait "entamer des contacts en direction des Kataëb, du courant du Futur, du Parti socialiste progressiste (PSP), du Parti national libéral (PNL), du Bloc national et de personnalités d’opposition indépendantes et de groupuscules de la société civile" afin de constituer ce front, dans une démarche qui viendrait faire écho à la constitution d’un autre front qu’on dit en gestation, celui du club sunnite qu’avait rejoint le chef du PSP, Walid Joumblatt, il y a quelques jours.
"Les Kataëb n'ont plus confiance dans le directoire des FL et je pense d'ailleurs que la confiance est également rompue entre les responsables FL et leur base", a déclaré M. Gemayel. Il a souligné que si "l'audience" du parti de Samir Geagea se veut "résistante", le directoire de ce parti "a permis le compromis" avec le Courant patriotique libre (CPL, aouniste). "Je n'ai pas confiance dans le fait que les FL diffèrent de la classe politique au pouvoir alors qu'elles font partie de ce compromis, qu'elles ont approuvé la loi électorale (de 2017, ndlr) qui a permis au Hezbollah d'accéder au pouvoir", a ajouté le responsable. "Les FL changent de point de vue en fonction de leurs intérêts et de leurs calculs partisans", a encore accusé Samy Gemayel.
La réponse des FL
Il a encore reproché aux FL de "dire qu'ils sont contre les armes du Hezbollah mais d'avoir voté pour le candidat du parti chiite à la présidentielle", Michel Aoun. "Il est temps de comparer les paroles aux actes", a-t-il déclaré. Et d'accuser le président de la République d'avoir "couvert les armes" du parti chiite, ce qui a provoqué l'isolement du Liban sur la scène arabe et internationale".
Evoquant la constitution d'un éventuel front d'opposition, Samy Gemayel a indiqué qu'une telle initiative "n'avait pas encore été lancée", mais qu'il était en contact avec "certaines parties" afin de proposer un cadre "fédérateur". "Il est temps de proposer aux Libanais une alternative aux méthodes actuelles, basées sur les tricheries", a-t-il poursuivi.
Dans un communiqué, les Forces libanaises ont répondu aux propos de Samy Gemayel, l'accusant de vouloir "faire échouer les efforts des FL pour former un front sérieux d'opposition". "M. Gemayel accuse les FL d'avoir fait partie du compromis présidentiel, ce qui est trompeur. Il est en effet devenu clair que le compromis a été conclu entre le CPL et le courant du Futur et que les FL ont choisi de participer à l'élection de Michel Aoun parce qu'il n'y avait pas d'alternative et que la vacance présidentielle durait depuis deux ans et demi". Le parti de Samir Geagea a encore déploré le fait que le chef des Kataëb cherchait à lui faire porter "la responsabilité des actes du président Aoun et du chef du CPL, Gebran Bassil", rappelant par ailleurs que le parti de Samy Gemayel s'était présenté aux élections législatives sur des listes comportant des personnalités du groupe parlementaire aouniste. Le bureau de presse des FL a par ailleurs qualifié de "mensonges" les informations de M. Gemayel selon lesquelles la confiance était rompue entre le directoire des FL et sa base.
"Les campagnes de dénigrement (...) n'auront aucun effet sur les Kataëb et les Libanais qui affrontent ce système en place et qui ambitionnent un nouveau Liban", a répondu le parti de Samy Gemayel aux FL. La formation a également appelé ses partisans à s'abstenir de polémiquer avec ceux des FL sur les réseaux sociaux.
Présidentielle 2022
"Je ne suis pas candidat à la présidence de la République", a en outre déclaré le responsable politique maronite, ajoutant "ne pas savoir ce que le futur lui réserve".
Concernant les élections législatives, attendues en mai 2022, le chef des Kataëb a dit craindre "une tentative qu'elles ne volent en éclats, alors que le peuple a le droit de décider de son avenir". "Nous lutterons par tous les moyens possibles contre cette éventualité", a-t-il assuré.
Les trois députés des Kataëb, Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Elias Hankache, font partie des huit membres du Parlement qui ont démissionné après les explosions du port de Beyrouth, en août 2020.
Un cadre FL interrogé par L'OLJ avait affirmé lundi être non seulement en faveur de législatives anticipées, mais également d'une présidentielle, avant les échéances de 2022, pour lesquelles les partis politiques préparent d’ores et déjà le terrain. Certaines formations veulent en effet préserver les acquis obtenus depuis le soulèvement du 17 octobre 2019, tandis que d’autres, et c’est le cas de la majorité des protagonistes, souhaitent améliorer leur score et leur présence en espérant récupérer une partie de leur base séduite par la révolution.
Les Forces libanaises et les Kataëb pourraient d'ailleurs sortir renforcés en cas d’élections anticipées et les réclament depuis un certain temps, en raison de l’effondrement du système en place. Ayant rejoint assez tôt, notamment en ce qui concerne les Kataëb, les rangs de l’opposition, les deux formations, qui n’ont pas été huées autant que les autres dans la rue, peuvent encore tabler sur leurs bases populaires respectives pour s’attirer des voix et récupérer une partie des déçus du aounisme. Le Courant patriotique libre, justement, arrivé en tête en 2018, est sûrement la formation qui risquerait de perdre le plus de sièges en cas d’élections anticipées. C’est au président et à son parti qu’une large part de l’opinion publique fait assumer une grande partie de la responsabilité de la faillite du pays et de l’effondrement.
commentaires (16)
Ce ne sont que des gamins qui n'ont pas mûri, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Quelle bande de clowns !
Robert Malek
20 h 18, le 19 janvier 2021