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Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre à mes parents

Très souvent, on m’a rappelé que je vivais seul. Tel me dit avec admiration que je supporte beaucoup de choses tout seul, tel me dit avec bienveillance que je suis encore tout petit et que je dois accepter de demander de l’aide quand j’en ai besoin, moi qui me dis que j’ai appris malgré moi à devoir me prendre en main. Au quotidien, ça a souvent été dur. Papa, maman, je pense ne l’avoir jamais dit : dans des moments confinés de solitude, vous avez été les premiers à me manquer.

On peut avoir envie de revoir ses amis, de flâner dans les nuits, de se laisser porter par les vapeurs, d’alcool, d’amour, mais quand on est seul, qu’on dort dans une maison vide, qu’on ne parle qu’à des caissières, ce qui nous manque le plus, c’est le bruit d’un père peu discret qui se prépare son café à cinq heures du matin, c’est une mère qui n’est pas du matin et qui rouspète quand on va lui faire un bisou avant d’aller à l’école. C’est un père ou une mère que vous pouvez appeler à dix-huit heures quand vous n’avez pas envie de rentrer seul à pied. C’est un père qui attend impatiemment que vous soyez en période de révision, sans cours, pour pouvoir vous emmener boire un café et parler de l’avenir. C’est une mère qui veut, une fois par mois, à tout prix, vous traîner dans un magasin pour vous acheter un pull, un pantalon. C’est un parent qui vous voit grandir fièrement, qui ne vous dit pas souvent, par pudeur, ce que vous voyez dans ses yeux, mais, l’important, ça reste de le voir.

Papa, maman, souvent, j’ai eu peur de vous parler, parce que parfois, c’était dur, juste après. Dès qu’on raccrochait, la solitude paraissait tellement plus pesante, en un instant. Mais vous finissiez toujours par me rappeler que j’avais toujours un pilier sur lequel je pouvais retomber.

Papa, maman, j’ai souvent peur

J’ai des nausées, j’ai mal au cœur

J’reste allongé toute la journée

Je laisse les semaines passer*

L’importance d’une famille, le rôle de parents, la sécurité d’un foyer... cela fait partie de ces choses dont nous ne découvrons la valeur qu’après leur perte, ou bien leur mise à distance. Je n’avais pas le choix, d’être prêt à partir, et prêt à grandir. Les parents des pays comme le mien sont condamnés à devoir laisser partir leurs enfants s’ils veulent leur donner de vraies chances de réussite. Je ne veux pas être parti pour rien.

Je vous promets de continuer à avancer, mais aujourd’hui, j’ai besoin de rentrer, j’ai besoin de retrouver ma maison.

Maman, désolé, j’ai pris tes calmants

C’est pas que j’voulais partir, mais c’est violent

J’voulais juste dormir un peu plus longtemps

Papa t’inquiète, j’ai appris à courir**

Les choses les plus importantes ne peuvent pas être exprimées, et les choses les plus utiles ne peuvent pas être apprises. Merci pour tout ce que vous m’avez appris.

Joe MELKI

*Paroles de la chanson

« Papa Maman » de Bilal Hassani.

**Paroles de la chanson « Amour

Censure » de Hoshi.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Très souvent, on m’a rappelé que je vivais seul. Tel me dit avec admiration que je supporte beaucoup de choses tout seul, tel me dit avec bienveillance que je suis encore tout petit et que je dois accepter de demander de l’aide quand j’en ai besoin, moi qui me dis que j’ai appris malgré moi à devoir me prendre en main. Au quotidien, ça a souvent été dur. Papa, maman, je pense ne...

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