Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Éclairage

Entre la Turquie et les pays du Golfe, le début d’un réchauffement

Après des années d’hostilité à l’égard de Riyad et d’Abou Dhabi, Ankara pourrait initier un rapprochement, poussé par la proposition de médiation qatarie.

Entre la Turquie et les pays du Golfe, le début d’un réchauffement

Photo d’archives AFP

« En tant que partenaire stratégique du Conseil de coopération du Golfe et en accordant une grande importance à la sécurité et à la stabilité dans la région du Golfe, la Turquie continuera à soutenir tous les efforts dans ce sens », s’est empressé de déclarer le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué publié immédiatement après l’annonce saoudienne de la réouverture des frontières terrestres, aériennes et maritimes avec le Qatar, le 4 janvier, précédant la réconciliation scellée entre Doha et les autres pays du CCG. Alors qu’Ankara, allié indéfectible de Doha, a été parmi les premiers à applaudir la réconciliation des pays du Golfe, sa nouvelle position contraste fortement avec le ton respectivement adopté ces dernières années par la Turquie et l’Arabie saoudite l’une envers l’autre, signe d’un possible rapprochement à venir entre les deux pays. « Il pourrait y avoir une baisse générale de tension entre Riyad et Ankara au vu de la modération de leur couverture médiatique. Cela pourrait constituer un point de départ pour un rapprochement politique », commente pour L’Orient-Le Jour Kristian Coates Ulrichsen, chercheur sur le Moyen-Orient à Chatham House. La Turquie a notamment trouvé son intérêt dans l’accord du CCG, alors que Riyad et ses alliés ont abandonné les 13 demandes adressées en 2017 au Qatar en échange de la levée de leurs restrictions, parmi lesquelles figurait la fermeture de la base militaire turco-qatarie. Lundi dernier, Doha s’est également dit prêt à servir de médiateur entre son allié turc et son nouveau partenaire saoudien. « Si ces deux pays voient que l’État du Qatar a un rôle dans cette médiation, alors il est possible de le faire », a suggéré l’envoyé spécial du ministre des Affaires étrangères du Qatar pour la lutte contre le terrorisme et la médiation dans le règlement des différends avant d’ajouter : « Il est dans l’intérêt de tous qu’il y ait des relations amicales entre (tous) ces pays. » La veille, ce sont les Émirats arabes unis qui, par la voix de leur ministre d’État aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, ont laissé entendre qu’un réchauffement des relations entre Abou Dhabi et Ankara était possible. Le ministre a affirmé que tout accord allant dans ce sens « respecterait la souveraineté mutuelle », mais il a également appelé la Turquie à se retirer de sa position de « principal soutien » des Frères musulmans, que les Émirats arabes unis tiennent pour leur bête noire.Depuis leur fuite hors d’Égypte en 2013, plusieurs membres et leaders de la confrérie des Frères musulmans, considérés par Abou Dhabi et Riyad comme un groupe terroriste et une menace pour la stabilité dans le monde arabo-musulman, ont trouvé refuge en Turquie.

Pour mémoire

Réconciliation dans le Golfe : pourquoi maintenant ?

Les deux alliés du Golfe, qui ont imposé un blocus au Qatar pour sa proximité avec le mouvement frériste et l’Iran, s’opposent aux liens qu’entretient Ankara avec ces derniers. Les deux parties soutiennent également des camps rivaux en Égypte et en Libye et affichent un désaccord sur plusieurs questions régionales, comme en Syrie et en Irak. « Le mélange d’islam et de politique a été un point de divergence entre Ankara et Riyad et surtout Abou Dhabi ces dernières années, et la Libye est particulièrement devenue un point de rupture qui a conduit les Émirats arabes unis et la Turquie dans deux chemins opposés », ajoute Kristian Coates Ulrichsen. Alors qu’Abou Dhabi s’oppose à toute forme d’islam politique, Ankara s’appuie quant à lui sur des rapprochements avec des formations tels que les Frères musulmans. Des liens qui pourraient entraver un possible rapprochement avec les pays du Golfe. «À ce stade, seule une amélioration progressive et superficielle est à prévoir et non un rétablissement des liens car les attentes des pays du Golfe, à savoir la fin du soutien turc aux Frères musulmans, sont irréalistes. La Turquie ne mettra pas la pression sur ces derniers et ne fermera pas les chaînes télévisées affiliées au mouvement qui émettent depuis le pays comme le souhaitent les alliés du Golfe », observe Sinan Ulgen, spécialiste des affaires internationales turques au Carnegie Europe à Bruxelles, interrogé par L’Orient-Le Jour. La rivalité turco-saoudienne s’explique surtout par le fait que les deux pays se disputent le titre de modèle de l’islam politique sunnite et veulent tous deux prendre la tête du leadership sunnite. La concurrence politico-religieuse entre Ankara et le royaume wahhabite s’appuie sur des justifications historiques, alors que l’Empire ottoman contrôlait la région où se trouvent les villes saintes de Médine et de La Mecque, aujourd’hui situées en Arabie saoudite, et que les sultans ottomans se considéraient comme les dirigeants de la Oumma, la communauté des musulmans.

Aventurisme

Pour autant, malgré cette rivalité, Ankara a plus que jamais intérêt à calmer le ton et apaiser ses relations avec ces derniers. « La nouvelle approche et le changement de position turcs vis-à-vis des pays du Golfe doivent être replacés dans le contexte de ce qui s’est passé ces derniers temps dans la politique étrangère d’Ankara. Le pays affiche une réelle volonté de redresser ses relations les plus conflictuelles car il s’est rendu compte qu’elles étaient contraires à ses intérêts économiques. Cela s’observe notamment à l’égard d’Israël, de l’Égypte et maintenant des pays du CCG », ajoute le spécialiste. L’aventurisme turc en Libye, en Méditerranée orientale ou encore au Haut-Karabakh se paie au prix fort. Ankara a dépensé des centaines de millions d’euros ces dernières années pour accroître ses capacités militaires et assiste en parallèle à l’effondrement de sa livre, qui a perdu près du quart de sa valeur face au dollar depuis le début de l’année 2020. À une semaine de l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, la Turquie pourrait également avoir intérêt à nouer de nouvelles alliances régionales. Marquant une rupture avec la relation personnelle entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, qui a penché en faveur d’Ankara sur plusieurs dossiers, la nouvelle relation turco-américaine s’avère bien moins favorable au Reis turc. Joe Biden avait notamment déclaré, au cours d’un débat organisé en novembre dernier, qu’il adopterait en cas de victoire à la présidentielle une ligne dure à l’égard du président turc. « Je lui ferai savoir qu’il paiera un lourd tribut pour ce qu’il a fait », avait-il dit à propos de la campagne turque menée dans le nord de la Syrie un an plus tôt.

Lire aussi

Golfe : une crise pour rien ?

La Turquie craint peut-être pour l’avenir de ses relations avec les États-Unis, alors que le futur locataire à la Maison-Blanche a nommé, vendredi dernier, au poste de conseiller pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au Conseil de sécurité nationale Brett McGurk, qui s’est opposé au régime d’Erdogan à de nombreuses reprises. Un réchauffement des liens avec les pays du Golfe permettrait à ces derniers de constituer un front anti-Téhéran, dans lequel la Turquie pourrait trouver son intérêt. De son côté, Riyad a également reçu des signaux de la part de Joe Biden qui laissent penser que les relations américano-saoudiennes vont être moins favorables à MBS que lorsque Donald Trump était au pouvoir. « La transition politique aux États-Unis est un facteur important dans ce possible rapprochement car elle réduit considérablement la portée de l’aventurisme régional et encourage un retour à des relations politiques et diplomatiques », conclut Kristian Coates Ulrichsen.

« En tant que partenaire stratégique du Conseil de coopération du Golfe et en accordant une grande importance à la sécurité et à la stabilité dans la région du Golfe, la Turquie continuera à soutenir tous les efforts dans ce sens », s’est empressé de déclarer le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué publié immédiatement après l’annonce...

commentaires (3)

Allez tous unis contre l'axe des losers Iran, Syrie, Yémen que le Soudan vient de quitter et dont hélas le Liban pris en otage par la milice fait partie à ce jour. Tandis que ces pays parlent business développement régional, pipelines, gaz, tourisme, développement durable, loisirs, organisations sportives, culture, coopération régionale, nous on en est encore à se chamailler qui prendra la barre d’un navire déjà à trois quarts coulé.

Liban Libre

22 h 42, le 13 janvier 2021

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Allez tous unis contre l'axe des losers Iran, Syrie, Yémen que le Soudan vient de quitter et dont hélas le Liban pris en otage par la milice fait partie à ce jour. Tandis que ces pays parlent business développement régional, pipelines, gaz, tourisme, développement durable, loisirs, organisations sportives, culture, coopération régionale, nous on en est encore à se chamailler qui prendra la barre d’un navire déjà à trois quarts coulé.

    Liban Libre

    22 h 42, le 13 janvier 2021

  • Quid du dossier Kashoggi ! L’Oscar des crimes d’Etat !

    LeRougeEtLeNoir

    21 h 06, le 13 janvier 2021

  • GARDER LA TURQUIE LOIN DE LEUR REGION EST DANS L,INTERET STRATEGIQUE DES PAYS DU GOLFE SAOUDITE INCLUSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 34, le 13 janvier 2021

Retour en haut