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Moyen-Orient - Éclairage

Réconciliation dans le Golfe : pourquoi maintenant ?

Après plus de trois ans d’une crise opposant Doha à Riyad et ses alliés, une réconciliation a été scellée hier lors du sommet du CCG à al-Ula.


Réconciliation dans le Golfe : pourquoi maintenant ?

Le prince héritier, Mohammad ben Salmane, accueille l’émir du Qatar, Tamim ben Hamad al-Thani, à l’occasion du sommet du CCG organisé en Arabie saoudite, le 5 janvier 2021. Photo AFP/Palais royal saoudien

C’est une image que l’on n’avait pas vue depuis trois ans qui a été diffusée en boucle sur les chaînes d’information arabes hier. On y voit une embrassade chaleureuse entre l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, sur le tarmac de l’aéroport d’al-Ula, dans le nord-ouest du l’Arabie saoudite, site historique qui accueillait hier le sommet régional des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Une scène qui marque la réconciliation scellée entre Doha et les autres pays du CCG, dont Riyad, tandis que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte ont décidé de rétablir des relations diplomatiques complètes avec le Qatar, comme cela a été annoncé en fin de journée à l’issue du sommet, mettant fin à une crise en cours depuis 2017.

« Il a été décidé aujourd’hui, grâce à la sagesse des dirigeants du Golfe et de l’Égypte, de tourner la page et de rétablir toutes les relations diplomatiques » avec Doha, a déclaré à la presse le prince et chef de la diplomatie saoudienne Fayçal ben Farhan al-Saoud. Les 6 pays membres du CGG et l’Égypte ont également signé une « déclaration d’al-Ula » et un communiqué final, portant sur la coopération multilatérale. Mohammad ben Salmane et cheikh Tamim ben Hamad al- Thani se sont ensuite entretenus au cours d’une rencontre bilatérale sur le « développement des relations entre les deux pays et de l’action commune des pays du Golfe », selon l’agence de presse officielle saoudienne SPA.Obtenu grâce aux efforts du Koweït et des États-Unis, comme l’a indiqué MBS à l’ouverture du sommet, cet accord lève notamment le blocus imposé à Doha depuis 2017. Le Qatar s’était retrouvé isolé, accusé par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte de soutenir le mouvement des Frères musulmans et d’être trop proche de leur ennemi commun, l’Iran. Une brouille qui avait pris la forme d’une rupture des relations commerciales et diplomatiques de ces pays avec Doha et de restrictions de voyage pour les Qataris à destination de ces pays. Lundi soir, l’Arabie saoudite avait rouvert au Qatar son espace aérien et ses frontières terrestres et maritimes, après l’annonce de la nouvelle, en fin d’après-midi, par le ministre koweïtien des Affaires étrangères.

La fin du blocus aérien et maritime imposé à Doha aurait été obtenue en échange de l’arrêt des poursuites juridiques intentées par ce dernier, notamment auprès de la Cour internationale de justice, contre ses trois voisins du Golfe au sujet des restrictions qui le visent depuis trois ans et demi. Les deux parties, le Qatar et les autres États, s’engagent de plus à cesser leurs campagnes médiatiques hostiles les unes à l’égard des autres. Selon le Washington Post, qui a pu s’entretenir avec une source familière des négociations ayant conservé l’anonymat, Riyad et ses alliés ont abandonné la liste des 13 demandes qu’ils avaient formulées à Doha en échange de la levée du blocus. Parmi celles-ci, la fermeture d’al-Jazeera et d’une base turque installée dans le pays ainsi que la réduction de sa coopération avec Téhéran.

Gage de confiance

« Je pense que le principal moteur de ce développement est la victoire du (président élu Joe) Biden aux élections américaines. Un nouveau président aux États-Unis signifie un nouveau jeu dans la région. Il ne fait aucun doute que si Trump avait remporté un second mandat, nous ne verrions probablement aucune résolution au moins pour le moment », analyse pour L’OLJ Ali Bakir, professeur assistant au centre qatari Ibn Khaldoun.

La décision saoudienne est motivée par le souci de faire bonne figure face à la future administration démocrate, alors que Joe Biden s’installe à la Maison-Blanche dans deux semaines. Le vainqueur de la présidentielle américaine s’est montré plus ferme que son adversaire républicain sur la question des droits de l’homme et du conflit yéménite et annonce probablement un changement de cap vis-à-vis du royaume ainsi qu’une rupture par rapport à la carte blanche octroyée par Donald Trump à Riyad. « Notre attachement aux valeurs démocratiques et aux droits de l’homme sera une priorité, même avec nos partenaires dans le domaine de la sécurité », avait par exemple déclaré en octobre dernier Joe Biden, dans un communiqué sur la possible évolution des relations américano-saoudiennes.

Avec cet accord, MBS chercherait à offrir un gage de confiance au futur président américain et montrer qu’il peut être à l’initiative d’une décision encourageant la stabilité dans la région. « L’Arabie saoudite et MBS ont leurs propres raisons de négocier cet accord, ils veulent atténuer les problèmes avant que Biden ne prenne le pouvoir, c’est pourquoi les Saoudiens ajustent leur position en conséquence non seulement avec le Qatar mais aussi avec d’autres pays de la région comme la Turquie. De son côté, Doha a toujours eu intérêt à résoudre la crise mais pas à ses propres frais, c’est pourquoi les conditions étaient importantes. Doha ne voulait pas céder aux exigences au détriment de son indépendance et de sa souveraineté », ajoute Ali Bakir.

Front commun à Téhéran

Du côté de l’administration républicaine, qui accroît la pression sur ses partenaires du Golfe depuis plusieurs semaines pour tenter de mettre fin au différend entre Doha et Riyad et ses alliés, ce rapprochement permet à Washington d’isoler encore plus son rival iranien. Le gendre et conseiller du président américain, Jared Kushner, a d’ailleurs fait le déplacement et assisté en personne à la signature de l’accord. Depuis le blocus imposé à Doha, ce dernier payait chaque année plus de 100 millions de dollars à l’Iran pour emprunter son espace aérien. La levée des restrictions de voyage privent donc, pour le bonheur de Washington, la République islamique de ce montant. MBS a d’ailleurs assuré que l’objectif de ce sommet était de faire front commun face aux « défis » posés par Téhéran, en particulier son programme iranien et « son programme de missiles balistiques et ses projets de sabotage ». Téhéran a répliqué par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui a salué Doha pour « sa résistance à la pression » et redit à ses « autres voisins arabes que l’Iran n’est ni un ennemi ni une menace », les invitant à accepter « l’offre » de l’Iran « pour une région forte ».

Cette réconciliation survient également après plusieurs accords de normalisation entre Israël et des pays arabes, toujours sous la houlette des États-Unis, dans l’objectif de créer un front anti-Téhéran. Des efforts d’autant plus importants pour Donald Trump qui s’activait pour obtenir un dernier succès diplomatique avant la passation des pouvoirs. « Trump cherche à bâtir son héritage et à montrer qu’il est un négociateur et qu’il a résolu un problème au Moyen-Orient », commente pour sa part Dania Thafer, directrice exécutive de l’institut Gulf International Forum (GIF), basé à Washington, interrogée par L’Orient-Le Jour, avant d’ajouter : « Le président a mis tout son poids derrière la résolution de cette crise, ce qui a eu un effet positif sur la levée du blocus du Qatar. »

Malgré ce rapprochement entre le Qatar et les autres pays du Golfe, peu d’analystes parient sur la fin immédiate de la crise qui les oppose, alors que des États au sein même du CCG n’y seraient pas favorables, en particulier les Émirats arabes unis, ennemis jurés des Frères musulmans. Des tensions ne sont donc pas exclues dans les semaines à venir. « Je ne pense pas qu’avec cet accord seul, les relations reviendront à celles d’avant 2017. Il doit y avoir beaucoup plus de renforcement et de confiance entre les parties, de nombreux griefs et préoccupations semblent encore prendre le dessus », conclut Dania Thafer.

C’est une image que l’on n’avait pas vue depuis trois ans qui a été diffusée en boucle sur les chaînes d’information arabes hier. On y voit une embrassade chaleureuse entre l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, sur le tarmac de l’aéroport d’al-Ula, dans le nord-ouest du l’Arabie saoudite, site historique qui...

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UNE NOUVELLE DONNE PREND FORME DANS LE GOLFE ET CE SERA AU DETRIMENT DE L,IRAN AVANT TOUT PUIS INCHALLAH DE LA TURQUIE DE L,OTTOMAN MINI APPRENTI SULTAN ERDO.

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 00, le 06 janvier 2021

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  • UNE NOUVELLE DONNE PREND FORME DANS LE GOLFE ET CE SERA AU DETRIMENT DE L,IRAN AVANT TOUT PUIS INCHALLAH DE LA TURQUIE DE L,OTTOMAN MINI APPRENTI SULTAN ERDO.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 00, le 06 janvier 2021

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