Pour la troisième année consécutive, les Libanais passent les fêtes de fin d’année en attendant la formation d’un nouveau gouvernement. Après l’entrée en force de Bkerké dans le jeu des tractations, un accord semble actuellement se dessiner, notamment autour du ministère de l’Intérieur. De ce fait, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a évoqué hier un possible accord autour d’une « formule » gouvernementale « avant Noël », soit dans les prochaines 24 heures.
M. Hariri s’est rendu hier à Baabda pour un entretien avec le chef de l’État, Michel Aoun. Il s’agit de la treizième réunion entre les deux hommes, depuis la nomination du leader du Futur pour former le cabinet le 22 octobre dernier. Une rencontre qui intervient dans un contexte politique tendu, marqué par un bras de fer entre le tandem Baabda-Courant patriotique libre d’une part, et la Maison du Centre de l’autre.
Un différend oppose les deux camps autour du rôle du président de la République dans le processus gouvernemental et de la répartition des portefeuilles, Baabda et le CPL étant accusés d’œuvrer pour obtenir le tiers de blocage (sept ministres dans le cadre d’une formule de 18).
Une source proche de la présidence confie à L’Orient-Le Jour que la rencontre d’hier s’est tenue dans une atmosphère « très positive » et fait savoir que la discussion a principalement porté sur la répartition des portefeuilles au sein de la future équipe. La même source n’exclut pas la formation du cabinet dans les prochaines 48 heures, « si MM. Aoun et Hariri parviennent à surmonter les obstacles qui persistent ».
De même source, citée par notre correspondante Hoda Chédid, on indique que MM. Aoun et Hariri ont examiné la mouture que le Premier ministre désigné avait remise au chef de l’État, le 9 décembre. Lors d’une quatorzième entrevue prévue aujourd’hui, ils devraient plancher sur une éventuelle modification de la répartition des portefeuilles. Selon notre chroniqueur politique Philippe Abi-Akl, elle devrait s’accompagner de contacts avec Bkerké.
En attendant, une source informée souligne que le principe de la mise en place d’un cabinet formé de 18 ministres (répartis à raison de 6 ministres pour le tandem Baabda-CPL, 6 ministres pour le tandem chiite et ses alliés tels que les Marada et le Parti syrien national social, et 6 ministres relevant du lot de Saad Hariri et du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt) semble désormais acquis. Mais que le gouvernement buterait principalement sur les portefeuilles de la Justice et de l’Intérieur. Selon cette source, Saad Hariri tient à ne pas accorder tous les ministères sécuritaires au chef de l’État, notamment l’Intérieur et la Justice. Le Premier ministre pourra donc obtenir l’Intérieur, à l’heure où la Justice relèvera du lot présidentiel. Une proposition à laquelle M. Hariri devrait apporter une réponse aujourd’hui. Certains s’attendent à ce que le leader du Futur choisisse un sunnite pour ce poste, alors que d’autres estiment qu’il nommerait un maronite.
Si cette dernière option venait à être adoptée, elle signifierait qu’un sunnite devrait être nommé ministre des Affaires étrangères, sachant que depuis l’indépendance de 1943, les quatre ministères régaliens comptent au moins un maronite et un sunnite, alors que les Finances relèvent aujourd’hui de la quote-part chiite, et que la Défense ira aux grecs-orthodoxes.
« Des réunions successives à partir d’aujourd’hui »
Quoi qu’il en soit, Saad Hariri a évité de fournir des détails, préférant insister sur le climat positif de sa rencontre avec Michel Aoun. « La réunion avec le président de la République était positive, et nous avons décidé de nous concerter demain (aujourd’hui) », a déclaré le Premier ministre désigné, précisant que l’heure de cet entretien n’a pas été communiquée pour des raisons de sécurité. « Il y aura également d’autres réunions successives afin de trouver une formule avant Noël », a ajouté M. Hariri, sans pour autant expliquer ce que le terme « formule » veut dire au juste à ce stade.
Outre le « progrès » que les tractations semblent avoir enregistré selon les milieux de Baabda, c’est surtout le timing de la réunion d’hier qui lui confère son caractère significatif.
Cette rencontre intervient quelques jours après des efforts menés par le patriarche maronite, Béchara Raï, auprès de MM. Aoun et Hariri, pour relancer les négociations. Le chef de l’Église maronite s’était entretenu avec le président Aoun et Saad Hariri, mais aussi avec le chef du CPL, Gebran Bassil, afin de presser en faveur d’un déblocage.
Au vu de ce contexte, un analyste politique contacté par L’OLJ estime que le discours de Saad Hariri à Baabda n’est autre qu’un « signe positif adressé à Bkerké ». Et de rappeler que le patriarche maronite avait clairement fait comprendre à ses visiteurs récemment que si un cabinet n’est pas formé dans les prochains jours, il opterait pour une sorte d’escalade politique, notamment dans le cadre de son message de Noël, attendu demain.
Le CPL revient à la charge
Avant que les sources de Baabda et M. Hariri lui-même ne fassent part des progrès survenus, le groupe parlementaire du Liban fort, dont le CPL est la principale composante, était revenu à la charge hier, en ce qui concerne le gouvernement. Dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire, le bloc aouniste a réitéré son appel à ce que des « critères unifiés » soient respectés lors de la formation du cabinet. Et d’insister sur le rôle du président de la République en tant que partenaire à part entière dans le processus ministériel.
Cela fait dire à un proche de M. Hariri que les obstacles entravant la naissance du cabinet sont « entièrement locaux ». Il réagissait ainsi aux analyses publiées dans certains médias selon lesquelles Saad Hariri préférerait annoncer son équipe après le 20 janvier, date du début du mandat du démocrate Joe Biden à la Maison-Blanche. Une façon pour lui d’éviter une éventuelle réaction de la part de l’administration Trump à un cabinet où le Hezbollah serait présent d’une façon ou d’une autre.
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Vous voulez une formule qui marche? Voila: je prends la crasse (pardon, classe) politique actuelle, je multiplie par zéro, je ne retiens rien, et j’ajoute des nouvelles têtes, compétentes, non-affiliées à des partis politiques, et de religion indifférente. Et surtout je les laisse travailler! Difficile faire plus simple.
Gros Gnon
15 h 15, le 23 décembre 2020