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Idées - Point de vue

Améliorer la situation des droits de l’homme au Liban

Photo d'illustration : Julian Bregnard

Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits de l'homme. À cette même date, en 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme rédigée par un groupe de diplomates éminents autour d'Éléonore Roosevelt, dont l'ancien ministre libanais des Affaires étrangères Charles Malek. Ce lien étroit avec la Déclaration universelle des droits de l'homme se reflète également dans sa mention dans le préambule de la Constitution libanaise.

La promotion des droits de l'homme est une pierre angulaire de la politique intérieure et extérieure de nos pays - le Canada, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni. Par conséquent, nous nous efforçons activement d’améliorer la situation des droits de l’homme dans nos propres pays et dans le monde, y compris au Liban.

La situation des droits de l'homme au Liban sera bientôt examinée en présence des États membres des Nations Unies lors de l'Examen périodique universel (EPU). L'EPU est un mécanisme unique du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, qui vise non seulement à améliorer la situation des droits de l'homme danschacun des 193 États membres de l'ONU, mais aussi àoffrir une plateforme pour discuter des droits de l'homme entre États. Dans le cadre de ce mécanisme, un examen par ses pairs du bilan des droits de l'homme de chaque État membre, y compris de nos pays, est effectué tous les 5 ans. Il en découle des recommandations au pays examiné faites par d'autres États Membres. Le troisième EPU du Liban aura lieu le 18 janvier prochain.

Dans cette optique, nous voudrions saisir l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme aujourd’hui, pour mettre en lumière certains domaines spécifiques dans lesquels le Liban, avec l'aide de ses partenaires internationaux et de sa société civile active, doit agir, en particulier à l’heure où la crise du Liban s'aggrave :

Premièrement, malgré un grand nombre de recommandations faites (par d'autres États membres des Nations Unies), très peu de progrès ont été réalisés dans le domaine des droits des femmes depuis le dernier EPU du Liban. Nous nous félicitons des progrès accomplis par le Parlement sur la législation contre le harcèlement sexuel et la violence domestique, comme le soulignent les recommandations que le Liban a accepté lors de son dernier EPU. Nous encourageons donc vivement le Liban à poursuivre ces efforts et à adopter les deux projets de loi relatifs le plus tôt possible. La lutte contre la violence domestique est d'autant plus importante au cours de la pandémie actuelle avec lesconfinements et autres mesures, qui ont malheureusement conduit à une augmentation globale de la violence domestique. Toute loi sur le harcèlement sexuel devrait également protéger contre la discrimination fondée sur l'expression du genre et l'orientation sexuelle. Lors de son dernier EPU, le Liban n'a pas accepté la recommandation de modifier ses lois sur le statut personnel fondées sur les religions et d'assurer l'égalité de traitement de tous les citoyens et des droits tels que ceux relatifs au divorce, aux droits de propriété et à la garde des enfants après un divorce. Le Liban n’a pas non plus accepté la recommandation de réformer la loi sur la nationalité afin que les Libanaises mariées à des étrangers puissent transmettre la nationalité libanaise à leurs enfants, à l’instar des hommes libanais. Nous exhortons le Liban à accepter ces recommandations lors de son prochain EPU en janvier 2021 puis à rapidement les mettre en œuvre. La fréquence des mariages des enfants et le fait que toutes les communautés religieuses autorisent le mariage des filles et des garçons de moins de 18 ans sont également préoccupants. Le gouvernement libanais est instamment invité à adopter une loi interdisant le mariage avant l'âge de 18 ans sans exception et à parachever le Plan d'action national sur le mariage des enfants visant à l’empêcher au plus vite puis à le mettre en œuvre. Accepter les recommandations dans ces domaines critiques permettra au Liban d'éliminer les formes les plus graves de discrimination à l’égard des femmes et des enfants dans les années à venir.

Deuxièmement, en ce qui concerne l’interdiction et la prévention de la torture et autres mauvais traitements, le Liban n'a fait que des progrès limités bien qu'il ait accepté la majorité des recommandations relatives à ce sujet lors de son dernier EPU. Le Liban a adopté une loi visant à créer un Institut national des droits de l'homme et un mécanisme national de prévention de la torture. Cependant, aucun budget n’a encore été attribué à ces institutions. Nous appelons le Liban à régler cette question lors des prochaines discussions budgétaires. Le Liban a également adopté une nouvelle loi interdisant la torture et d'autres formes de mauvais traitements. Toutefois, aucune mesure n’a été prise pour enquêter, poursuivre et punir des tortionnaires. Au contraire, des cas de torture continuent d’être signalés, surtout lors des interrogatoires. Le Liban doit impérativement prendre toutes les mesures concrètes possibles pour empêcher la torture, conformément à ses engagements internationaux.

Troisièmement, nous avons été témoins d’une tendance inquiétante limitant le droit à liberté d'expression, y compris la liberté de la presse, au cours de la dernière année. La Fondation Samir Kassir a documenté 70 cas d'agressions physiques contre des journalistes et des médias sociaux en 2020, contre 15 l'année dernière, 13 cas d'arrestation ou de détention contre neuf cas l'année dernière et 16 cas signalés de menaces, de harcèlement ou de violence verbale contre sept l'année dernière. Cette tendance inquiétante attirera probablement plus l'attention des États membres en janvier que la dernière fois.

Quatrièmement, depuis octobre 2019, Human Rights Watch, ainsi que d'autres associations, ont documenté une détérioration de la situation concernant la liberté de réunion pacifique, caractérisée par le recours à une violence excessive contre les manifestants par les forces de sécurité, notamment par la police parlementaire. Le droit à la liberté de réunion pacifique est donc également susceptible d'attirer l'attention lors du prochain EPU. Les performances des forces de sécurité en matière de droits de l'homme doivent être renforcées et accompagnées de mesures visant à améliorer la transparence et la responsabilité publique.

Cinquièmement, le Liban n'a accepté aucune des nombreuses recommandations relatives à garantir les droits humains des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, en modifiant l'article 534 du code pénal. Nous sommes également très préoccupés par la décision du Liban de ne pas signer un récent engagement pour la liberté des médias car il contenait un texte relatif aux droits des LGBT. Nous recommandons un changement d’opinion pour le prochain EPU afin de réaliser des progrès dans ce domaine au cours des prochaines années.

Sixièmement, nous avons assisté à une grave détérioration de l'espace de protection des réfugiés et des personnes déplacées dans le pays, notamment des expulsions, des arrestations arbitraires et des déportations. La protection juridique par le renouvellement de la résidence a diminué au cours des dernières années, malgré le soutien financier de la communauté internationale. Le Liban doit veiller à ce que toutes les procédures et garanties juridiques nationales et internationales soient mises en œuvre en ce qui concerne les déportations et garantir le plein respect du principe de non-refoulement. Simultanément, l'exclusion structurelle des travailleurs migrants de la législation du travail laisse des centaines de milliers de personnes vulnérables à l'exploitation, à la traite et, dans certains cas, à l'esclavage. Nous encourageons donc le Liban à accepter les recommandations de renforcer la protection des réfugiés et adopter des mesures sérieuses pour abolir le système dit de Kafala cette fois-ci.

Enfin, des mesures urgentes et tangibles devraient être incessamment prises pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire qui estessentielle pour améliorer la redevabilité, enrayer la corruption généralisée et garantir le droit à un procès équitable. La Constitution libanaise consacre à la fois le principe de la séparation des pouvoirs et l'indépendance des juges et du pouvoir judiciaire.

Ainsi exhortons-nousle Liban à mettre ces principes en pratique et à adopter des lois pour réglementer les systèmes judiciaires, administratifs et financiers qui respectent les normes internationales d'indépendance judiciaire.

Le Canada, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni sont prêts à approfondir leur partenariat avec le Liban. Nous appelons le Liban à saisir l'occasion de l'EPU pour prendre des mesures urgentes sur ces questions cruciales. Nous continuerons d'assurer le suivi avec les autorités et de travailler avec nos partenaires internationaux et locaux pour plaider en faveur de mesures concrètes qui conduiront à des progrès pour améliorer le respect des droits de l'homme au Liban.

Par Chantal Chastenay, Ambassadrice du Canada ; Merete Juhl, Ambassadrice du Danemark ; Tarja Fernández, Ambassadrice de la Finlande ; Frédérique de Man, Ambassadrice du Royaume des Pays-Bas ; Johnny Almestad, chargé d'affaires de la Norvège ; Ann Dismorr, Ambassadrice de la Suède ; Monika Schmutz Kirgöz, Ambassadrice de la Suisse ; Chris Rampling, Ambassadeur du Royaume-Uni.


Aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits de l'homme. À cette même date, en 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme rédigée par un groupe de diplomates éminents autour d'Éléonore Roosevelt, dont l'ancien ministre libanais des Affaires étrangères Charles Malek. Ce lien étroit avec la Déclaration...

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