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Lifestyle - Patrimoine

Coup de bleu sur une belle villa patrimoniale de la rue du Liban

Le rideau d’arbres, qui longeaient une portion de la rue du Liban, n’existe plus. Le vide laisse apparaître, pour la première fois, la villa Tabet, un bâtiment d’intérêt architectural.

Coup de bleu sur une belle villa patrimoniale de la rue du Liban

La façade de la villa Tabet en pleine rénovation. Photo DR

Derrière un panneau d’affichage sur lequel on peut lire « Nihako Management SARL, restauration et réhabilitation, Project Tabet Palace » se dresse une magnifique construction en pierre ramleh datant de la fin des années 1800. Jusque-là, ce bijou architectural, sis rue du Liban à Beyrouth, était dissimulé aux regards par un rideau d’arbres, aujourd’hui disparus. Cette bâtisse est la propriété privée de Jacques Tabet, une imposante demeure posée sur un vaste terrain. Il regroupe deux autres vieux bâtiments dont l’un a longtemps fait office de restaurant, La Closerie, le Time Out et aujourd’hui Ritage (by Maroun Chedid). Les membres de la famille étant injoignables, le seul interlocuteur de L’Orient-Le Jour a été Vatché Nigoghossian, un des responsables de l’entreprise Nihako Management, spécialisée dans l’entrepreneuriat général des espaces résidentiels et commerciaux. La belle bâtisse n’a pas échappé au désastre du 4 août : sa façade a été lourdement endommagée par l’explosion du port. « Les fenêtres en bois quotrane (du bois de cèdre importé de Turquie, NDLR) et leurs châssis ont été soufflés, le vitrage a été brisé. La peinture de la façade, déjà très ancienne, s’est décollée sur une grande surface, et en raison des vieilles lésions, la flore s’y était implantée. Seul le fer forgé – ornant les fenêtres, la balustrade du perron et les rampes des escaliers menant à l’étage du bâtiment – a résisté au choc », explique Nigoghossian.

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Le ravalement de la façade est dans sa phase finale. Et le revêtement couleur bleu ciel sublime aujourd’hui la maison. « Pour les travaux de menuiserie, nous avons réemployé le matériau existant en réparant les fissures du bois quotrane, qui a été réutilisé pour les fenêtres, donc pour un usage identique à celui pour lequel il avait été conçu », ajoute le responsable. Il fait également observer que la rénovation de l’intérieur de la demeure n’est pas actuellement au programme. « Nous avons toutefois renouvelé toute la plomberie et remis aux normes les tableaux électriques en les équipant de toutes les protections nécessaires. » Aussi en entreprenant ces travaux, il a fallu décoller le carrelage de marbre carrare dont une partie s’est cassée lors de l’opération. « Nous les avons remplacés avec les mêmes dalles de marbre ancien qui entouraient la pièce d’eau située sous le perron. Nous en avons d’ailleurs acheté aussi pour réparer les escaliers dont quelques nez de marches sont cassés », précise Vatché Nigoghossian.

La façade de la villa Tabet en pleine rénovation. Photo DR


La maison, façade nord

Dans une interview au Daily Star datant du 18 février 2013, Jacques Tabet avait expliqué que la maison familiale a été bâtie au-dessus d’un vieux khan du XIIIe siècle. L’ensemble des deux constructions totaliseraient 2 500 mètres carrés, selon Nigoghossian. Un escalier extérieur à double volée mène à l’étage supérieur, où se dresse la façade principale avec ses cinq arcs orientés nord. Interdit de filmer ou de prendre des photos de l’espace intérieur. Celui-ci est typique des habitations libanaises de la grande bourgeoisie. Les pièces sont agencées autour d’un vaste hall central aujourd’hui encombré de meubles anciens et de sculptures. À l’arrière de la salle centrale se trouve une pièce caractéristique : le liwan. Les plafonds sont décorés de peintures, et tout le sol est revêtu de marbre blanc pur. D’après M. Nigoghossian, la maison remonte aux années 1840. Les spécialistes du patrimoine architectural signalent cependant que le bâtiment appartient au style ottoman tardif et qu’il daterait probablement de la fin du XIXe siècle.

La saga familiale

Dans son ouvrage Les Tabet – Une histoire de famille, des origines à nos jours, Ibrahim Tabet raconte que la villa a été construite par l’aïeul Joseph Tabet (1840-1924), « qui fit don aux jésuites d’une parcelle de terrain sur lequel fut édifiée en 1875 l’Université Saint-Joseph. Celle-ci était contiguë aux deux terrains qu’il s’était réservé et sur lesquels furent construites deux grandes maisons entourées de jardins, la sienne et celle de mon grand-père Philippe Tabet (…) ». Celle-ci a été vendue aux jésuites, puis démolie pour faire place à un parking.

L’aïeul Joseph a eu trois fils : Émile (1879-1954), Jacques (1885-1955) et Joy (1907-1992). Homme d’affaires, Jacques Tabet a bâti le Grand Théâtre de Beyrouth, au centre-ville, en 1929, et a été l’un des membres fondateurs et le secrétaire général du Comité des amis des musées nationaux et des sites archéologiques, constitué en janvier 1923. Il fut l’un des principaux donateurs pour la création du musée national. « La fortune de la famille était considérable », souligne Ibrahim Tabet. Parmi leurs nombreuses propriétés figuraient le parc Tabet à Aley, des terrains agricoles à Maksé, dans la Békaa, et des immeubles en Égypte. Jacques était également actionnaire de la Société des grands hôtels du Levant, comprenant l’hôtel Saint-Georges de Beyrouth et les hôtels de Damas, de Bloudane et le casino de Lattaquié, en Syrie.

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De son temps, la somptueuse villa Tabet, communément appelée palais Tabet, a connu de fastueuses réceptions où se retrouvaient le Tout-Beyrouth mondain, les hommes d’affaires et les personnalités politiques et diplomatiques de l’époque. Dans son roman De la part de la princesse morte, Kenize Mourad, petite-fille du dernier sultan ottoman Mourad V, relate en détail l’une de ces magnifiques soirées organisées en 1933 en l’honneur du nouveau haut-commissaire, le comte Damien de Martel. Mais Jacques Tabet était également poète, essayiste et historien, et comptait parmi les pionniers de la littérature francophone au Liban. « Dans le Larousse, il côtoie les écrivains qui, comme lui, ont animé le mouvement littéraire et artistique du Liban au sortir de la Première Guerre mondiale », signale l’auteur de la saga familiale.

Jacqueline et Maurice sont les enfants de Jacques Tabet. Maurice (1919-2014) est dépeint comme un « intellectuel assoiffé de lectures et de recherches ». Il avait une formation pluridisciplinaire : droit, sciences politiques et histoire. C’était un passionné d’archéologie et grand collectionneur de pièces antiques, avec une prédilection pour les époques phéniciennes, grecques et romaines. Sportif de haut niveau, il a été champion de tennis et treize fois champion de tir du Liban, et remporté le championnat d’Europe de cette discipline en 1956 ainsi que la Coupe des Nations l’année suivante. « En Europe, les journalistes le surnommèrent Le magnifique », note Ibrahim Tabet. Bardé de l’ordre du Mérite italien et de décorations par les présidents Chamoun et Frangié, Maurice Tabet a eu trois fils, Jacques, le gardien du patrimoine familial et de la villa Tabet, Simon et Peter, tous deux décédés, ainsi qu’une fille,  Anna.

Derrière un panneau d’affichage sur lequel on peut lire « Nihako Management SARL, restauration et réhabilitation, Project Tabet Palace » se dresse une magnifique construction en pierre ramleh datant de la fin des années 1800. Jusque-là, ce bijou architectural, sis rue du Liban à Beyrouth, était dissimulé aux regards par un rideau d’arbres, aujourd’hui disparus. Cette...

commentaires (3)

Article interessant. Aussi belle architecture ... Le Liban a beaucoup de tresors d'architecture.

Stes David

19 h 51, le 08 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Article interessant. Aussi belle architecture ... Le Liban a beaucoup de tresors d'architecture.

    Stes David

    19 h 51, le 08 décembre 2020

  • Wadia Accari dite Dede est la deuxieme femme de feu Maurice Tabet

    Cadige William

    08 h 42, le 08 décembre 2020

  • l Architecte/Ingénieure du Gd théâtre (si je ne m'abuse) ainsi que du Palis Sursock, et de la Résidence des Pins fut Bahjat Abdunnur. A confirmer

    Zampano

    04 h 27, le 08 décembre 2020

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