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Monde - Éclairage

La politique de VGE au Proche-Orient : un changement dans la continuité

On retiendra surtout la position de l’ancien président en faveur des Palestiniens.

La politique de VGE au Proche-Orient : un changement dans la continuité

Le président français, le général Charles de Gaulle, et Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances et de l’Economie, à l’Elysée le 7 juillet 1962. AFP

Lorsqu’il arrive à l’Élysée en 1974, Valéry Giscard d’Estaing ignore tout du Proche-Orient. L’ancien chef d’État, qui s’est éteint mercredi soir à l’âge de 94 ans des suites du Covid-19, a développé durant son septennat la politique pro-arabe entamée par le général de Gaulle. Dès son investiture, VGE va certes faire de la construction européenne son cheval de bataille, mais se tournera aussi vers la région en proie à d’importants bouleversements, en partie pour des raisons économiques. C’est à cette époque que la France investit dans le développement des relations commerciales avec le monde arabe, en signant notamment d’importants contrats d’armement avec l’Irak. Le 1er décembre 1974, Jacques Chirac, alors Premier ministre, se rendra d’ailleurs à Bagdad pour mettre sur pied un accord commercial avec le nouvel homme fort du pays, Saddam Hussein. « Giscard aura été à l’initiative d’un rapprochement avec les pays arabes après le premier choc pétrolier (1973), on lui a d’ailleurs reproché d’avoir fait une sorte de paix séparée avec les pays arabes producteurs de pétrole. Il avait une vision qui s’inscrivait dans la logique du droit international et une vision de la défense des intérêts français d’autonomie énergétique », explique Frédéric Charillon, professeur des universités en sciences politiques à l’École nationale d’administration, à l’Université de Clermont Auvergne et Sciences Po Paris.

De la politique étrangère dans la région de VGE, on retiendra surtout sa position en faveur des Palestiniens. Pourtant, son nom parle moins à la rue arabe que celui de ses successeurs, principalement en raison de sa personnalité moins chaleureuse et de son peu d’intérêt pour le Proche-Orient. « Il a marqué le monde arabe en substance, mais ce n’était pas l’homme des grands gestes symboliques comme Mitterrand à la Knesset avec Arafat, ou Chirac à Jérusalem. C’était un homme plus froid, plus cérébral, qui ne parlait pas aux masses arabes », estime Michel Duclos, conseiller spécial à l’Institut Montaigne (Paris) et ancien ambassadeur de France en Syrie.

Gaullo-giscardisme

À la fin de sa présidence, le général De Gaulle marque un coup d’arrêt dans les relations franco-israéliennes en affichant une neutralité après la guerre des Six-Jours en 1967. Après le mandat Pompidou, Giscard d’Estaing décide de poursuivre cette voie, allant jusqu’à refuser de voir les dirigeants israéliens. « On parle beaucoup du gaullo-miterrandisme, mais je crois qu’il y a surtout un gaullo-giscardisme. C’est Giscard qui a donné corps à la politique arabe de la France lancée par De Gaulle », estime Michel Duclos. Du fait de son entourage largement pro-israélien, certains n’imaginent pas à l’époque qu’il puisse adopter une position favorable aux Arabes. « De manière surprenante, il a épousé la cause palestinienne », poursuit l’ancien diplomate. VGE se montrera très critique vis-à-vis du voyage du président égyptien Sadate à Jérusalem puis des Accords de Camp David, dénonçant le fait que cela ne puisse conduire « qu’à une paix séparée, qui a trahi le peuple palestinien totalement oublié ».

Le 22 octobre 1974, le ministre français des Affaires étrangères, Jean Sauvagnargues, rencontre même Yasser Arafat à la Résidence des Pins à Beyrouth pour évoquer les relations franco et euro-palestiniennes. Les initiatives en faveur des Palestiniens se multiplient. Le 13 juin 1980, le président français frappe un coup lors de la déclaration de Venise qui appelle à la reconnaissance des droits des Palestiniens à l’autonomie gouvernementale et aux droits de l’OLP à participer aux initiatives de paix. L’accord de paix israélo-égyptien vient d’être signé un an plus tôt, en mars 1979, et c’est la première fois que l’Europe se démarque ainsi des États-Unis sur la question palestinienne. « La déclaration de Venise est une étape importante et il faut rappeler qu’elle a permis l’ouverture d’un bureau de l’OLP à Paris en 1975. Il y en avait un à New Delhi, un autre à Moscou, mais que le troisième soit en France, c’était un peu surprenant », relate Frédéric Charillon. Un geste qui ne peut que déplaire aux Israéliens, mais aussi aux Syriens, alors que l’OLP est omniprésente au Liban.

Giscard-Assad

Fin décembre 1978, VGE envoie son proche collaborateur Michel Poniatowski à Téhéran où la colère gronde contre le Chah. Le rapport de son ex-ministre de l’Intérieur est sans appel : « C’est foutu », aurait-il dit au président. Depuis quelques mois, l’ayatollah Khomeyni a trouvé refuge à Neauphle-le-Château, dans les Yvelines. « Il y a deux reproches que l’on cite souvent concernant cette époque. Le premier a été l’abandon du Chah par l’administration Carter et le second l’accueil de Khomeyni par Giscard », commente Frédéric Charillon. « Giscard était très ami avec le Chah, mais il a autorisé le retour à Téhéran de Khomeyni, ce qui lui a été beaucoup reproché. C’est pourtant le Chah lui-même qui avait donné son accord en pensant qu’il serait plus facile de contrôler l’ayatollah sur son territoire », rappelle Michel Duclos. Un calcul qui s’avérera mauvais et les bonnes relations entre la France et le nouveau pouvoir en place partiront en fumée.

Lorsque la guerre civile libanaise éclate, VGE tentera quelques initiatives sans s’impliquer outre mesure. Au terme d’une visite officielle aux États-Unis le 22 mai 1976, le président français annonce que la France est disposée à envoyer une force d’intervention au Liban dans les 48 heures si la demande en est faite par l’autorité légale libanaise et si toutes les parties au conflit y consentent. L’annonce fait tousser Américains et Israéliens et tombe finalement à l’eau. C’est dans ce contexte qu’il reçoit en juin 1976 Hafez el-Assad avec qui le courant ne passe pas. Alors que Paris appelle à une table ronde pour résoudre la crise libanaise, Damas pousse pour l’entrée de ses troupes pour mettre fin aux combats. Selon le journal al-Bayan, le président syrien serait sorti de cette rencontre avec une certaine impression que Paris ne se souciait plus du Liban ou du sort des chrétiens qui s’y trouvaient.

Lorsqu’il arrive à l’Élysée en 1974, Valéry Giscard d’Estaing ignore tout du Proche-Orient. L’ancien chef d’État, qui s’est éteint mercredi soir à l’âge de 94 ans des suites du Covid-19, a développé durant son septennat la politique pro-arabe entamée par le général de Gaulle. Dès son investiture, VGE va certes faire de la construction européenne son cheval de...

commentaires (3)

Merci OLJ pour l'éclairage sur Giscard , la faute que le président Giscard a fait d'accueillir ce criminel de khomeini en France

Eleni Caridopoulou

21 h 18, le 04 décembre 2020

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Commentaires (3)

  • Merci OLJ pour l'éclairage sur Giscard , la faute que le président Giscard a fait d'accueillir ce criminel de khomeini en France

    Eleni Caridopoulou

    21 h 18, le 04 décembre 2020

  • La vérité des faits exacte est la suivante: Giscard a convoqué un sommet à la Guadeloupe (territoire français), les 4-7 janvier 1979 avec Jimmy Carter (USA), Helmut Schmidt (Allemagne) et James Callaghan (Grand-Bretagne). Le 7 janvier 1979, les 4 occidentaux ont décidé de lâcher le Shah d'Iran car Giscard avait le rapport médical confidentiel (!) du médecin français du Shah qui expliquait que ce dernier avait un cancer. De plus, la situation politique en Iran était très agitée en1978. Le Shah a alors décidé de partir en exil le 16 janvier 1979, soit 9 jours seulement après la décision des Occidentaux. Le 1er février 1979, Giscard a affrété un avion spécial d'Air France afin de reconduire Khomeini à Téhéran, après avoir passé quelques mois à Neufle le Château. Accueil exceptionnel à Téhéran. FIN.

    rabier christian

    12 h 31, le 04 décembre 2020

  • "envoyer une force d’intervention au Liban dans les 48 heures si la demande en est faite par l’autorité légale libanaise et si toutes les parties au conflit y consentent": une façon hypocrite de de dire: "Il n'en est pas question!". "le président syrien serait sorti de cette rencontre avec une certaine impression que Paris ne se souciait plus du Liban ou du sort des chrétiens qui s’y trouvaient", ce qui était, en effet parfaitement exact. Giscard se souciait du Liban en général et des chrétiens en particulier, comme de sa première chemise.

    Yves Prevost

    07 h 36, le 04 décembre 2020

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