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Société - Justice

Une juge acquitte 14 activistes accusés de vandalisme lors des manifestations de 2015

Dans un jugement inédit, proche d’un plaidoyer pour la défense des droits des citoyens, Nadia Jadayel, juge unique pénale de Beyrouth, a justifié les actes des manifestants par l’incurie des autorités.

Une juge acquitte 14 activistes accusés de vandalisme lors des manifestations de 2015

Une manifestation organisée par le collectif « Vous puez », le 22 août 2015. Photo d’archives AFP

Quatorze manifestants, accusés d’avoir commis des actes de vandalisme lors des mouvements de protestation menés en octobre 2015 sur fond de crise des déchets, ont été acquittés lundi par Nadia Jadayel, juge unique pénale de Beyrouth. L’arrêt des poursuites tranche avec la tendance actuelle marquée par une répression violente des manifestants ainsi que par le renvoi en justice de protestataires simplement parce qu’ils ont manifesté, parfois violemment certes, contre une caste dirigeante qui les prive de leurs droits fondamentaux. Au-delà de l’acquittement, ce jugement constitue un précédent, car il représente un véritable plaidoyer pour la défense des citoyens face à l’incurie des autorités publiques.

Dans les faits, les activistes avaient été arrêtés le 8 octobre 2015 pour avoir tenté d’arracher des fils barbelés installés devant l’hôtel Le Gray (centre-ville) et avoir cassé une dalle du bâtiment. Ce barrage avait été installé pour bloquer l’accès au Parlement et au Grand Sérail (situés dans la zone) aux contestataires rassemblés à l’appel des collectifs « Vous puez » et « Nous réclamons des comptes ». Ceux-ci manifestaient après la fermeture de la décharge de Naamé en juillet 2015, qui avait provoqué une véritable crise se traduisant par l’accumulation de déchets dans les rues, de juillet 2015 à mars 2016. Les 14 protestataires avaient d’abord été déférés devant le tribunal militaire, mais leurs avocats avaient demandé le renvoi de l’affaire devant une juridiction pénale de droit commun, au motif que les civils ne doivent pas être jugés par une juridiction militaire. En mars 2017, le tribunal militaire s’était déclaré incompétent et avait transmis les dossiers au parquet général près la cour d’appel de Beyrouth. Lequel a porté plainte auprès de Mme Jadayel pour « vandalisme et destruction de biens privés et publics ».

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Me Mazen Hteit, membre du collectif d’avocats bénévoles créé à l’époque pour défendre les droits des manifestants, indique à L’Orient-Le jour que les prévenus avaient été détenus pendant quelques jours, mais avaient ensuite comparu libres. Avec la lenteur judiciaire habituelle, aggravée par l’interruption des audiences durant l’année écoulée en raison de la propagation du coronavirus, la juge a finalement rendu sa décision lundi. « Deux mois auparavant, les représentants du collectif avaient fait une plaidoirie qui l’avait visiblement beaucoup émue », affirme Me Hteit. Au cours de leur prestation, les avocats avaient requis l’acquittement de leurs mandants, tout en exhortant la magistrate à rendre un jugement qui constituerait « un bouclier contre la caste corrompue gouvernant le pays ».

« Au nom du peuple »

Un appel visiblement entendu par Nadia Jadayel, connue dans les milieux judiciaires pour sa « conscience », son « objectivité » et son « courage ». Elle a décidé l’arrêt des poursuites, évoquant « l’absence d’une intention criminelle ». « Les manifestants ont tenté d’arracher les barbelés pour parvenir à la place de l’Étoile afin de faire parvenir leurs voix aux autorités publiques, et non pour détruire les biens d’autrui », dispose le jugement. Considérant que « tous ceux qui s’étaient rendus au centre-ville l’avaient fait de manière spontanée, sans entente ni planification préalable », le document relève par ailleurs qu’ « aucun accusé n’était muni d’objets contondants ». Le jugement émis par Nadia Jadayel s’apparente à un discours pour la défense des libertés d’expression et de manifestation.

« Comme dans tout pays démocratique, manifester fait partie de la liberté d’expression et constitue pour le citoyen un devoir visant à consacrer le principe de la demande de comptes », lit-on dans le texte. La magistrate rappelle en outre dans le texte que « le juge rend ses décisions au nom du peuple libanais et parle au nom des membres de la société libanaise ». « Il pâtit des mêmes souffrances, respire la même pestilence d’ordures et subit les mêmes crises économiques », note-t-elle. « Toutes confessions, régions et professions confondues, les manifestants ont représenté un échantillon de la société qui s’est mobilisée pour réclamer le respect des droits fondamentaux. Le pouvoir doit garantir l’exercice de ces droits et traiter avec eux non comme un État policier, mais comme un État de droit », prône-t-elle. Évoquant la Charte de l’ONU qui stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé à travers notamment les services sociaux nécessaires, la juge Jadayel affirme que « le peuple ne supporte plus les crises successives qui privent le citoyen d’une vie digne ».Une décision inédite que celle de cette magistrate, qui occupe en parallèle la fonction de membre du tribunal des imprimés. Dans le cadre de sa fonction, elle a d’ailleurs participé à de nombreuses décisions judiciaires consacrant le respect de la liberté de la presse. Parmi celles-ci, le jugement décrétant, en octobre 2019, l’arrêt des poursuites contre Nida’ el-Watan. Dans son édition du 12 septembre de la même année, le quotidien avait titré sa une ainsi : « Aux nouveaux ambassadeurs : bienvenue dans la République de Khamenei ». Commentant un discours du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, prononcé la veille à l’occasion de Achoura et dans lequel ce dernier proclamait son allégeance au principe du wilayat el-faqih, le journal critiquait l’emprise du parti chiite sur l’État, notamment sur le chef de l’État, Michel Aoun. Le tribunal avait jugé que « l’article ne constitue pas une agression injustifiée contre la personne du président de la République », soulignant qu’« il s’inscrit dans le cadre de la liberté d’expression et reflète un pluralisme nécessaire à toute société démocratique ».

Quatorze manifestants, accusés d’avoir commis des actes de vandalisme lors des mouvements de protestation menés en octobre 2015 sur fond de crise des déchets, ont été acquittés lundi par Nadia Jadayel, juge unique pénale de Beyrouth. L’arrêt des poursuites tranche avec la tendance actuelle marquée par une répression violente des manifestants ainsi que par le renvoi en justice de...

commentaires (5)

Enfin un juge qui ne se soumet pas aux exigences de ceux qui l’ont nomme Quand les 525 juges comprendront que leur rôle est de juger suivant la loi et leurs convictions , alors seulement nous pourrons dire que le Liban a ressuscité MERCI MADAME LA JUGE VOUS FAITES HONNEUR À VOTRE PAYS ET À LA MAGISTRATURE AVEC VOS EXPLICATIONS SUR LE RAISONNEMENT QUI A ENTRAÎNÉ LA NON CONVICTION DES PRÉVENUS . J’ESPÈRE QUE CELA FERA JURISPRUDENCE

LA VERITE

15 h 59, le 03 décembre 2020

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Commentaires (5)

  • Enfin un juge qui ne se soumet pas aux exigences de ceux qui l’ont nomme Quand les 525 juges comprendront que leur rôle est de juger suivant la loi et leurs convictions , alors seulement nous pourrons dire que le Liban a ressuscité MERCI MADAME LA JUGE VOUS FAITES HONNEUR À VOTRE PAYS ET À LA MAGISTRATURE AVEC VOS EXPLICATIONS SUR LE RAISONNEMENT QUI A ENTRAÎNÉ LA NON CONVICTION DES PRÉVENUS . J’ESPÈRE QUE CELA FERA JURISPRUDENCE

    LA VERITE

    15 h 59, le 03 décembre 2020

  • Bravo , mille bravos!!! Ce que madame La juge a accompli ne plaira pas à ceux qui régissent par la répression arbitraire; il faudra par conséquent la protéger constamment.

    GAF

    11 h 56, le 03 décembre 2020

  • Quelle personne courageuse comme seules les femmes de ce pays savent l’être. Mes salutations respectueuses et admiratives Madame La Juge. Nous avons besoin de personne comme vous pour diriger notre pays à la place de ces guignols qui pensent nous gouverner

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 21, le 03 décembre 2020

  • Bravooo Mme la Juge ?? Je parle pour moi. Je suis fière de vous

    Khoury-Haddad Viviane

    08 h 05, le 03 décembre 2020

  • Bravo madame! Et Merci!

    Yves Prevost

    07 h 20, le 03 décembre 2020

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