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Politique - Décryptage

La formation du gouvernement otage de logiques contradictoires

Le « momentum » favorable qui avait suivi la désignation de Saad Hariri pour former le gouvernement, le 22 octobre, semble passé. Ni les pressions intérieures, ni les menaces extérieures, ni même la visite de l’émissaire présidentiel français Patrick Durel n’ont réussi à accélérer le processus, qui reste rythmé par des rencontres épisodiques entre le chef de l’État et le président du Conseil désigné, destinées à rappeler que le dossier de la formation du gouvernement n’est pas totalement oublié.

De l’avis de la plupart des milieux politiques locaux, la formation du gouvernement ne serait donc pas imminente. Mais ces milieux ne sont pas d’accord sur les causes qui entravent ce processus.

La tendance locale la plus courante, c’est de faire assumer la responsabilité du blocage au Courant patriotique libre et à son chef Gebran Bassil. C’est en tout cas la position relayée par les médias proches des Forces libanaises, du courant du Futur et de la thaoura. Toutefois, le leader du CPL a déclaré à plusieurs reprises que ce qu’il réclame, c’est l’adoption d’un critère unifié dans le choix des ministres. Si le Premier ministre désigné souhaite choisir tous les ministres, cela signifie qu’il devra le faire avec les ministres de toutes les communautés. Or, on sait déjà que le tandem chiite ne devrait lui remettre les noms des ministres chiites qu’à la dernière minute. Avec le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, il y a déjà une entente préalable. Donc au final, Saad Hariri ne choisira que les ministres sunnites et... chrétiens. Et c’est là où le bât blesse.

L'édito de Issa Goraïeb

Les nids du déni

Selon une autre lecture du dossier gouvernemental, le véritable obstacle viendrait du Hezbollah qui, tout en annonçant une politique d’ouverture et en se présentant comme « un facilitateur » pour accélérer la formation du gouvernement (les deux derniers discours du secrétaire général du Hezbollah étaient clairs sur ce point), ne ferait en réalité rien pour aplanir les difficultés. Plus encore, ce serait lui le plus attaché à la participation du Parti démocratique libanais de Talal Arslane au gouvernement à travers un ministre druze et à la participation du courant des Marada avec deux ministres. Au cours des dernières semaines et en dépit des promesses de Hassan Nasrallah, le parti chiite n’aurait rien fait pour tenter de régler ces problèmes, et même le président de la Chambre, qui a l’habitude de sortir des lapins de son chapeau, se tient actuellement à l’écart. Sa seule activité connue dans le cadre du processus de formation du gouvernement a été de s’entretenir la semaine dernière avec le leader du PSP Walid Joumblatt.

Pour les partisans de cette lecture, qui appartiennent essentiellement au courant politique hostile au Hezbollah, ce dernier ne voudrait pas d’un gouvernement dans un proche avenir parce qu’il préfère attendre l’évolution de la situation internationale et régionale après l’élection de Joe Biden à la tête des États-Unis. Dans cette logique, le Hezbollah – et à travers lui l’Iran – ne verrait pas l’utilité de faciliter maintenant la formation du gouvernement, alors que les conditions internationales et régionales pourraient changer et être plus favorables à son camp. De plus, toujours selon la même logique, le parti chiite voudrait aussi que la situation intérieure s’envenime pour justifier le choix de « l’option de l’Est », c’est-à-dire de pousser le Liban à s’adresser à la Russie, à la Chine et... à l’Iran, puisque toutes les autres portes seront fermées.

Enfin, la troisième lecture de la situation gouvernementale consiste à faire attribuer les entraves dans la formation du gouvernement à l’administration de Donald Trump. Selon cette interprétation, qui est celle des milieux proches du Hezbollah, après avoir semblé pousser vers la formation du gouvernement juste après l’annonce par le président de la Chambre de l’accord-cadre pour le tracé des frontières, l’administration américaine s’est rétractée, notamment après la deuxième séance des négociations, lorsque le Liban a réclamé, en plus des 860 km² du bloc 9, près de 2 400 km² supplémentaires, déstabilisant ainsi les présents, en particulier les Israéliens et le médiateur américain. À partir de cette séance, l’ambassadrice des États-Unis au Liban Dorothy Shea a multiplié les rencontres avec les différents responsables, d’abord pour demander au Liban de modifier sa position dans les négociations, ensuite pour demander que le prochain gouvernement ne soit pas sous l’emprise du Hezbollah. Autrement dit, l’administration américaine ne serait pas prête à appuyer un gouvernement dans lequel le parti pro-iranien serait représenté directement ou indirectement. Ce qui va à l’encontre des entretiens préalables effectués par Saad Hariri avec les représentants d’Amal et du Hezbollah. D’ailleurs, toujours selon cette lecture, depuis ce changement d’attitude américain, le président du Conseil désigné n’a plus eu aucun contact avec les formations chiites, alors que celles-ci estiment être incontournables dans le processus, ne serait-ce que lorsqu’il faudra choisir les ministres appartenant à cette communauté.

Toujours selon cette interprétation, il convient de noter la dernière visite de l’ambassadrice des États-Unis au Premier ministre sortant Hassane Diab et ses conseils de relancer l’action de son gouvernement, qui seraient une façon indirecte de dire que la formation du prochain cabinet n’est pas imminente. Pour les milieux proches du Hezbollah qui font cette lecture, l’administration de Donald Trump veut poursuivre jusqu’au bout sa politique de sanctions maximales contre le parti chiite et ses alliés, tout en donnant l’impression que celle-ci ne changera pas, même s’il y a un nouveau locataire à la Maison-Blanche. Mais pour le Hezbollah, il n’est pas question de céder à ces pressions et à cette logique. Et si effectivement rien ne devrait changer lorsque la nouvelle administration américaine prendra ses fonctions, il serait alors toujours temps de faire preuve de pragmatisme si cela s’avérait nécessaire.

Ces approches ont beau être contradictoires, elles aboutissent au même résultat : la formation du gouvernement ne semble pas aisée ni imminente. Que peuvent faire les Français dans un tableau aussi compliqué ? Selon certaines sources diplomatiques, leur mission pourrait être favorisée par l’élection de Joe Biden aux États-Unis, mais là aussi, les effets positifs attendus ne seraient pas imminents.

Le « momentum » favorable qui avait suivi la désignation de Saad Hariri pour former le gouvernement, le 22 octobre, semble passé. Ni les pressions intérieures, ni les menaces extérieures, ni même la visite de l’émissaire présidentiel français Patrick Durel n’ont réussi à accélérer le processus, qui reste rythmé par des rencontres épisodiques entre le chef de...

commentaires (2)

Je continue mon comentaire, parti incomplet suite à une fausse maneuvre.... On leur accorderait le bâtiment du Parlement, qui deviendrait le siège de ces "Nations-Unies-pro-Liban". Faudrait juste trouver un remplaçant polyglotte pour Tonton Berry...Quant au locataire actuel du palais de Baabda, il serait responsable du service traiteur-récéption, ayant déjà pas mal d'expérience dans ce domaine. - Irène Saïd

Irene Said

16 h 24, le 18 novembre 2020

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Commentaires (2)

  • Je continue mon comentaire, parti incomplet suite à une fausse maneuvre.... On leur accorderait le bâtiment du Parlement, qui deviendrait le siège de ces "Nations-Unies-pro-Liban". Faudrait juste trouver un remplaçant polyglotte pour Tonton Berry...Quant au locataire actuel du palais de Baabda, il serait responsable du service traiteur-récéption, ayant déjà pas mal d'expérience dans ce domaine. - Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 24, le 18 novembre 2020

  • Au fait, pourquoi s'entêter à vouloir former un gouvernement avec 1er ministre et tout le décor très coûteux en ministres et leurs salaires etc., qui va avec ? Puisque de toute façon, ce sont: la France, les USA, l'Iran, la Syrie et Israël, sans oublier la Russie qui tirent les ficelles ? On le accorderait le bâtiment du Parlement qui deviendrait le siège de ces "Nationsnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn

    Irene Said

    16 h 03, le 18 novembre 2020

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