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Économie - Finance

Un rapport bancaire plaide pour un « renforcement » du secteur

Bank Audi estime qu’il faudra que les établissements de crédit réduisent le nombre de leurs agences de 30 à 40 %.

Un rapport bancaire plaide pour un « renforcement » du secteur

Le siège de Bank Audi à Beyrouth. Photo M.A.

La crise de confiance que traverse le secteur bancaire ne pourra se résoudre qu’à travers une réforme qui renforce ses capacités financières, sa gouvernance et sa résistance aux chocs, ce qui lui permettra de recommencer à jouer son rôle de financement de l’économie et de l’action de l’État. Telle est en substance la conclusion autour de laquelle s’articule le dernier rapport trimestriel de Bank Audi sur la situation économique et financière du pays, marquée par une crise multidimensionnelle sans précédent qui a éclaté depuis plus d’un an.

Cet objectif ne pourra cependant être atteint qu’à travers la restructuration d’un secteur bancaire « surchargé », dont le montant total des actifs, soit 192,6 milliards de dollars à fin septembre, en baisse de 11,2 % depuis le début de l’année, vaut « près de cinq fois le PIB du pays ». Le rapport souligne de plus que le Liban a le troisième plus important ratio actifs total du secteur bancaire sur PIB, selon les calculs de ses auteurs. Ceux-ci anticipent que la valeur de ces actifs devrait diminuer pour atteindre 150 % du PIB après la restructuration.

Augmentation de capital

Les auteurs du rapport rappellent que la Banque du Liban (BDL), qui a d’ailleurs créé en juillet dernier une commission pour restructurer le secteur, a déjà imposé aux banques d’augmenter leur capital de 20 % par rapport à leur niveau de fin 2018. Ces obligations ont été fixées par la circulaire intermédiaire n° 532 du 4 novembre 2019, puis par la circulaire principale n° 154 du 27 août dernier, qui a repoussé le délai d’application de cette mesure à fin 2020. Selon nos calculs, les banques doivent ainsi trouver 5 milliards de dollars supplémentaires avant l’échéance fixée, ce que la banque centrale leur a suggéré de faire en convainquant une partie de leurs clients qui ont transféré plus de 500 000 dollars à l’étranger entre le 1er juillet 2017 et le 27 août dernier de rapatrier une partie de ces fonds, entre autres (circulaire n° 154).

Le jour de la publication de ces circulaires, le gouverneur de la BDL Riad Salamé avait déclaré dans la presse que les banques qui n’auraient pas augmenté leur capital à fin février 2021 devront « sortir du marché », alors que peu d’établissements y ont effectivement souscrit. Dans son rapport, Bank Audi reconnaît que « certaines banques pourraient avoir des difficultés dans le contexte actuel » à s’adapter à ces exigences. Elle a également estimé que d’autres pourraient se retrouver contraintes de vendre une partie de leurs filiales à l’étranger pour pouvoir augmenter leur capital. Elle ajoute que 18 banques sur la soixantaine qui opèrent au Liban (dont 49 sont des banques commerciales) « sont présentes à l’étranger dans 32 pays » où elles contrôlent « 329 agences » et gèrent « 37 milliards de dollars d’actifs cumulés ». Certaines banques locales, dont Bank Audi et BLOM Bank, sont d’ailleurs en pourparlers pour céder une partie de leurs actifs à l’étranger en vue de réaliser l’augmentation de capital demandée.

En l’absence d’informations supplémentaires concernant les lignes directrices imposées par la BDL, il n’est pas cependant acquis, comme le souligne le rapport, que ce sont les banques « saines » qui absorberont celles qui possèdent trop d’actifs toxiques. En juillet, une source bancaire bien informée avait indiqué que les établissements ayant un faible rapport entre le montant des eurobonds – titres de dettes en devises sur lesquels le Liban a annoncé l’arrêt de paiement en mars dernier et dont le montant total s’est élevé à 34,4 milliards de dollars à fin avril – et leurs capitaux propres seraient privilégiés. Elle avait ajouté que ce premier critère passerait cependant au second plan par rapport à celui de la taille des établissements. Il y a donc davantage de chance de voir les grands établissements en absorber d’autres plus modestes dans le cas d’une potentielle restructuration.

Licenciements

Enfin, s’ils concèdent ne pas pouvoir se prononcer sur le nombre de banques qui parviendront à rester dans la course à l’issue de ces échéances, les auteurs du rapport estiment toutefois qu’il faudra de toute façon que le secteur réduise « de 30 à 40 % » le nombre d’agences dans le pays, qui gravite autour du millier aujourd’hui, toujours selon le rapport. Certaines agences ont déjà fermé leurs portes, soit en raison de la crise, soit en raison de la destruction d’une partie d’entre elles suite au mouvement de contestation du 17 octobre 2019 et de la double explosion du 4 août dernier.

Une perspective qui alimente les craintes d’une importante vague de licenciements au sein du secteur bancaire, dont les effectifs totalisent environ 26 000 salariés. De fait, les échos faisant état de coupes massives dans le secteur résonnent depuis plusieurs mois, tandis que chaque jour apporte son lot de témoignages de personnes récemment licenciées, relayés sur les groupes de messagerie instantanée réunissant des employés. Pour la Fédération des syndicats d’employés de banque, qui représente quatre organisations, il y a eu un « maximum » de 1 500 licenciements actés dans le cadre de décisions de restructuration depuis 2017, un total qui ne tient pas compte des départs volontaires ou à la retraite (mais qui inclut les accords pour un départ à la retraite anticipée). « Mais il ne faut pas se mentir : le secteur est bel et bien en danger et le pire reste à venir si la classe politique continue de repousser la formation du gouvernement et le lancement des réformes attendues », a déclaré à L’Orient-Le Jour le président de la fédération, Georges el-Hajj.

La restructuration du secteur bancaire et financier ne fonctionne plus depuis le début de la crise marquée par des restrictions bancaires (toujours illégales) et le défaut de paiement du Liban sur sa dette en devises. Les banques en détiennent pour 10 milliards de dollars sur une dette publique de plus de 95 milliards à fin août (en comptant la partie libellée en livres). Mais les différentes parties prenantes (banques, BDL, responsables politiques ou encore Fonds monétaire international) ne sont pas d’accord sur l’approche à adopter pour calculer les pertes totales du secteur financier, tandis que le secteur bancaire souhaite que l’État privatise une partie des entreprises publiques du pays ou transfère une partie de ses terrains dans un fonds souverain qui « compenseraient une partie des pertes », comme le rappelle Bank Audi dans son rapport. Une solution critiquée par ses détracteurs (une partie de la classe politique et les groupes issus de la société civile notamment), qui pointent du doigt le fait que cela reviendrait à mobiliser le patrimoine libanais pour éponger l’ardoise de banques, lesquelles se sont enrichies pendant des années grâce aux intérêts encaissés sur la dette du pays.

La crise de confiance que traverse le secteur bancaire ne pourra se résoudre qu’à travers une réforme qui renforce ses capacités financières, sa gouvernance et sa résistance aux chocs, ce qui lui permettra de recommencer à jouer son rôle de financement de l’économie et de l’action de l’État. Telle est en substance la conclusion autour de laquelle s’articule le dernier rapport...

commentaires (3)

Les patrons des banques, par leur cupidite et leur profonde betise, ont mene le secteur banquaire a la derive. Qu'ils vident leurs poches, en remettant l'argent dans le capital de leur banque, ils doivent bien ca a leurs clients, a leur honneur et consciense. Et qu'ils mangent des pattes pour le restant de leur vie, pas bien mechant quand ils meriteraient bien plus...

Citoyen lambda

09 h 04, le 14 novembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Les patrons des banques, par leur cupidite et leur profonde betise, ont mene le secteur banquaire a la derive. Qu'ils vident leurs poches, en remettant l'argent dans le capital de leur banque, ils doivent bien ca a leurs clients, a leur honneur et consciense. Et qu'ils mangent des pattes pour le restant de leur vie, pas bien mechant quand ils meriteraient bien plus...

    Citoyen lambda

    09 h 04, le 14 novembre 2020

  • Question: est-ce que ce rapport a été pondu par les mêmes "analystes" qui nous disaient il y a à peine plus d’un an que nous avions un des meilleurs secteurs bancaires au monde et que nous devions y investir nos plans d’épargne sans crainte? Si c’est le cas, alors veuillez s’il vous plaît l’imprimer sur du papier soft, pour qu’il puisse au moins servir aux toilettes...

    Gros Gnon

    13 h 07, le 13 novembre 2020

  • A NOTER QUE, TOUT COMME PARMI LES VRAIS KELLON, AUCUN DIRIGEANT BANQUIER N'A FAIT SOM MEA MAX CULPA ET PRESENTER SA DEMISSION . OH QU'IL EST BEAU LE GRAND PEUPLE DU LIBAN

    Gaby SIOUFI

    10 h 21, le 13 novembre 2020

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