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Lifestyle - La Mode

Rami Kadi, une nouvelle respiration pour un monde désenchanté

« Nous nous sommes réveillés dans un monde sans joie », constate Rami Kadi. Pour le couturier libano-américain qui a réussi l’exploit, à seulement 25 ans, d’imposer sa marque dans les événements planétaires, réenchanter le monde est une nouvelle priorité. Il s’y attelle en qualité d’ambassadeur de bonne volonté régional du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).

Rami Kadi, une nouvelle respiration pour un monde désenchanté

Rami Kadi, collection haute couture automne-hiver 2021 : « Dessiner le vide ». Photos DR

Apporter une nouvelle respiration dans un monde étouffé par la pandémie, tenter de réinsuffler de la joie dans un Liban laminé par les crises, profondément blessé par l’explosion du port de Beyrouth, remettre en question les processus de production dans une industrie qui compte parmi les plus polluantes du monde – et qui pourtant a besoin de la beauté du monde pour survivre… « On ne peut pas porter deux pastèques dans une seule main », dit un dicton libanais. Qu’à cela ne tienne, Rami Kadi fait le pari, au détour de sa nouvelle collection haute couture automne-hiver 2021, de porter tout le monticule d’un seul tenant. Lui qui se distingue depuis ses débuts par un fascinant côté savant fou, tirant parti de toutes les technologies disponibles pour créer une mode d’avant-garde, tantôt avec des fibres fluorescentes, tantôt avec des effets hologramme et des sophistications géométriques, physiques et même chimiques, ne cherche en définitive qu’à réinventer le romantisme entre pop échevelée et manifestes contemporains.

« Dessiner le vide »

Il importait, dans une démarche où l’environnement compte désormais bien plus que le vêtement en soi, de se plier à la discipline primordiale des beaux-arts qui consiste à observer les contours avant de dessiner les formes. Dessiner le vide, titre de la nouvelle collection automne-hiver 2021 de Rami Kadi, ne commande pas autre chose que cette exigence : faire apparaître l’objet à partir de ce qui l’entoure. « Dessiner le vide, c’est proposer une approche révolutionnaire de la matière, qui consiste à transformer le vide en un élément respiratoire qui grouille de vie », souligne le couturier. « Nous nous sommes endormis dans un monde passionnant, vibrant de vie, d’espoir et de rêves, mais nous nous sommes réveillés en saignant, sans certitude, sans joie et sans tranquillité d’esprit », ajoute Kadi, qui rappelle que « le 4 août 2020, une explosion massive a détruit la ville de Beyrouth, la vidant du dernier souffle de vie auquel elle était encore accrochée dans le contexte d’une pandémie dévastatrice qui déjà changeait tous les paramètres connus à travers le monde ». Le vide créé par ces données nouvelles a inspiré au créateur l’idée de représenter l’ère nouvelle surgie de ce vide et de la dépeindre dans une perspective optimiste, primordialement soumise au principe de durabilité. « La créativité ne craint pas l’inconnu et la beauté n’est pas négociable, même lorsque les choses se compliquent. Au contraire, la beauté tire la bête du vide par ses cornes et l’apprivoise à son gré », précise le couturier, qui confie avoir tenté « une approche révolutionnaire de la matière, transformant le vide en un élément respiratoire qui grouille de vie ».

Rami Kadi, collection haute couture automne-hiver 2021 : « Dessiner le vide ». Photos DR

Les feux d’une nouvelle saison

En vingt modèles, dont deux robes de mariée, Kadi adopte une approche minimaliste pour dessiner le vide. Il remplit cette mission dans l’esthétique qui le distingue, attentif à la dissymétrie qu’il appelle son « chaos », sans jamais compromettre la simplicité du mouvement ni la pureté des lignes. Graphismes simplifiés et géométrie adoucie fusionnent avec délicatesse entre tulle pointillé de velours, broderies de cristaux Swarovski taillés en larmes, perles de verre, paillettes métalliques tricotées en volutes irisées, feuilles de paillettes découpées au laser. La collection dégage une impression de profondeur et d’optimisme. La palette, qui évoque la nature automnale, varie entre corail des mers profondes, mélancolie du mauve orchidée, bordeaux, pêche, coucher du soleil, coulée de glace, ainsi que le jade le plus clair et le vert murmure, décline une lumière immatérielle qui inaugure le mouvement d’une nouvelle saison allégée par un foisonnement de plumes.

« Production responsable et durabilité »

Désigné le 5 novembre ambassadeur régional du Programme des Nations unies pour l’environnement, Rami Kadi prend ce nouveau rôle le plus sérieusement du monde. Ce programme de mode durable du PNUE en Asie occidentale a été lancé au début de 2020 pour lutter contre les menaces que les pratiques de l’industrie de la mode font actuellement peser sur l’environnement. Il vise à sensibiliser aux effets néfastes de l’industrie, à promouvoir la circularité ainsi que la consommation et la production durables, tout en encourageant les collaborations intersectorielles pour trouver des solutions innovantes. Le projet consiste à poser une stratégie en vue de modifier le cours de l’industrie de la mode d’un point de vue social, économique et environnemental en œuvrant à la réalisation des objectifs de développement durable du Programme 2030.

Rami Kadi, collection haute couture automne-hiver 2021 : « Dessiner le vide ». Photos DR

Une robe en plastique recyclé

En tant qu’ambassadeur de bonne volonté régional, Rami Kadi s’engage à donner l’exemple en usant de son influence pour faire la lumière sur les effets néfastes de l’industrie de la mode sur l’environnement et promouvoir les pratiques durables qui peuvent être adoptées pour repartir sur des bases solides après la pandémie de Covid-19. Sa précédente collection couture printemps-été 2020, intitulée Kaléidoscope, a été présentée dans le cadre du premier défilé de mode virtuel de la région. Ce procédé en soi-même réduisait aussi bien les coûts de production que l’impact carbone d’un événement qui entraîne généralement voyages et déplacements d’invités du monde entier. Cette collection mettait aussi en lumière des problèmes mondiaux tels que la nature progressive et destructrice du changement climatique. Rami Kadi y présentait sa toute première robe couture entièrement réalisée à partir de plastiques recyclés. L’inventeur en lui n’a pas attendu cette opportunité pour se déchaîner, mais on peut gager que cette nouvelle mission à travers laquelle il s’engage à réutiliser ses stocks, reconvertir ses modèles existants et recycler de vieux textiles va pousser encore plus loin sa folie bricoleuse et son inventivité.

Apporter une nouvelle respiration dans un monde étouffé par la pandémie, tenter de réinsuffler de la joie dans un Liban laminé par les crises, profondément blessé par l’explosion du port de Beyrouth, remettre en question les processus de production dans une industrie qui compte parmi les plus polluantes du monde – et qui pourtant a besoin de la beauté du monde pour survivre…...

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