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Monde - Éclairage

Avant l’investiture de Biden, Trump va-t-il frapper un dernier coup contre l’Iran ?

Israël pourrait pousser le président américain sortant à mener une action.


Avant l’investiture de Biden, Trump va-t-il frapper un dernier coup contre l’Iran ?

Benjamin Netanyahu et Donald Trump, lors de la révélation des détails du plan américain pour la paix au Moyen-Orient, le 28 janvier 2020 à la Maison-Blanche. Shealah Craighead/Official White House Photo

Donald Trump va-t-il faire un dernier cadeau à Israël ? Alors que l’État hébreu s’apprête à dire au revoir à son plus fidèle allié à la Maison-Blanche, le gouvernement de Benjamin Netanyahu pourrait profiter des deux prochains mois, avant l’investiture de Joe Biden le 20 janvier, pour jouer ses dernières cartes. L’objectif : convaincre l’administration sortante d’infliger un « dernier » gros coup de pression à Téhéran.

La période de transition qui s’ouvre est traditionnellement un temps mort, dédié à l’expédition des affaires courantes et à la préparation de l’arrivée de la nouvelle administration. Elle pourrait cette fois réserver son lot de surprises, avec un président sortant qui a fait de l’imprévisibilité sa marque de fabrique au cours des quatre dernières années.

Israël n’en est pas à son coup d’essai en la matière. L’État hébreu avait déjà tenté par le passé de profiter des périodes électorales ou transitoires pour faire monter les enchères contre son ennemi juré. Benjamin Netanyahu avait déjà suggéré une action militaire – voire en avait agité la meance – pour saboter les ambitions nucléaires iraniennes suite à la découverte de l’usine d’enrichissement d’uranium de Fordo en 2008 sous George W. Bush, puis en 2012 sous Barack Obama, toujours à l’approche de la présidentielle américaine. Un jeu de poker menteur alors qu’une opération israélienne contre Téhéran forcerait Washington à se positionner aux côtés de l’État hébreu afin de ne pas être accusé de lâcher son allié principal dans la région.

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À chaque fois, le Premier ministre israélien s’était heurté à un refus catégorique de Washington : par crainte de plonger les États-Unis dans un énième conflit dans la région sous l’administration Bush, pour une question d’approche stratégique sous celle de Barack Obama. « La nouvelle équipe d’Obama était très inquiète d’une frappe contre l’Iran en 2008 », se souvient Bruce Riedel, ex-responsable au sein de la CIA et chercheur à la Brookings Institution, qui avait assisté à plusieurs réunions à ce sujet.

Un pari risqué

Cette fois-ci, le contexte est différent. Alors que le locataire de la Maison-Blanche conteste toujours le résultat de l’élection présidentielle, celui qui a érigé l’Iran comme principal ennemi de Washington au Moyen-Orient pourrait décider de faire le plus mal possible à son adversaire avant de partir. Différents scénarios sont envisageables : salves de sanctions supplémentaires, feu vert américain pour une frappe unilatérale israélienne en Iran ou sur ses obligés en Syrie, voire opération américaine – confidentielle ou non – à une échelle similaire à l’élimination du général iranien Kassem Soleimani en janvier dernier.

« L’administration Trump serait très réceptive à un souhait d’Israël de frapper l’Iran dans les prochains mois, en particulier le secrétaire d’État américain Mike Pompeo », estime Nick Grinstead, analyste concernant la sécurité régionale à LeBeck International, un think tank basé à Bahreïn. « La question serait surtout de savoir s’ils iraient jusqu’à lancer l’opération puisqu’il s’agit d’une décision collective », poursuit-il.

Le pari ne serait toutefois pas sans risques pour le gouvernement de Netanyahu. « Une frappe militaire contre l’Iran nuirait considérablement aux relations entre Israël et la nouvelle administration avant même qu’elles ne commencent », remarque Bruce Riedel.

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De son côté, Téhéran devrait surtout faire profil bas au cours des prochaines semaines. L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche est une bonne nouvelle : le régime iranien est dans une position délicate sur le plan interne, alors que son économie est asphyxiée et que la colère populaire gronde. « Je ne pense pas qu’il y aura une escalade majeure entre l’administration Trump et l’Iran », anticipe Alex Vatanka, chercheur spécialiste de l’Iran au Middle East Institute. « Les Iraniens devraient être prudents dans les prochaines semaines pour s’assurer qu’il n’y a pas de “pièges” sur leur chemin. Ils s’attendent à ce que les opposants de la République islamique tentent d’encourager Trump à prendre des mesures décisives », observe-t-il.

L’équipe du président américain sortant, en coordination avec Israël et plusieurs pays du Golfe, table déjà sur un plan visant à imposer une longue série de nouvelles sanctions contre l’Iran dans les dix semaines restantes avant l’investiture du président élu Joe Biden, selon des sources israéliennes citées dimanche dernier par le site d’information Axios. Ces sanctions devraient se concentrer sur le programme iranien de missiles balistiques, l’engagement de Téhéran dans la région à travers ses proxys et les violations des droits de l’homme par le régime. Mike Pompeo doit par ailleurs se rendre en Israël la semaine prochaine, et pourrait se déplacer dans d’autres pays de la région, dans le cadre des efforts américains visant à accentuer la pression sur Téhéran, a rapporté Axios.

« Pas fan de Bibi »

Des mesures qui ne sont pas surprenantes au vu de la stratégie de « pression maximale » appliquée par Donald Trump qui, dans le sillage de son retrait unilatéral de l’accord sur le nucléaire (JCPOA) en 2018, s’est appliqué à défaire l’héritage de son prédécesseur. Soigneusement calculé, le timing de ces nouvelles sanctions refléterait aussi sa volonté de mettre toujours plus de bâtons dans les roues à la future administration démocrate alors que le processus pour lever des sanctions est long et fastidieux.

Joe Biden a d’ores et déjà fait savoir qu’il se tenait prêt à réengager le dialogue avec Téhéran, évoquant même une réintégration de Washington dans le JCPOA si la République islamique respecte « strictement » ses engagements. Un discours qui annonce un retour à la diplomatie par l’ancien vice-président de Barack Obama, mais qui ne signifie pas nécessairement une traduction dans les actes alors que le contexte en Iran et dans la région n’est plus celui de 2016.

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Joe Biden et Benjamin Netanyahu se sont déjà côtoyés lorsque le démocrate était vice-président entre 2009 et 2016 sous Barack Obama. À la fin de son mandat, les relations entre l’administration américaine et le gouvernement israélien s’étaient largement détériorées. « Comme Obama, Biden n’est pas fan de Bibi », note Bruce Riedel.

Alors que les autorités iraniennes devraient rester sur le qui-vive d’ici au mois de janvier, le discours de l’État hébreu pourrait s’apparenter à un coup de bluff à des fins surtout politiques. « La rhétorique d’Israël sur le fait de frapper l’Iran est surtout conçue de manière à façonner le cadre de la conversation entre Washington et Téhéran une fois que Biden sera président », estime Alex Vatanka. « Il s’agit pour les Israéliens de s’assurer qu’ils auront leur mot à dire à la table des négociations », poursuit-il. L’État hébreu avait notamment été mis à l’écart des négociations entre l’administration de Barack Obama et la République islamique en vue de la signature de l’accord sur le nucléaire en 2015, provoquant la colère des responsables israéliens d’une part, et fragilisant la confiance entre les deux alliés d’autre part.

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