Rechercher
Rechercher

Société - Témoignage / 4 août

« Mon fils, sourd-muet, est resté 24 heures sous les décombres avant d’être retrouvé mort »

Chadi Abi Chakra était âgé de 38 ans quand il a péri dans la double explosion du 4 août, lors de l’effondrement d’un immeuble non loin de l’hôpital Saint-Georges. Trois mois après, sa mère, qui tient un parking dans le quartier, raconte son traumatisme.

« Mon fils, sourd-muet, est resté 24 heures sous les décombres avant d’être retrouvé mort »

Chadi, 38 ans, a péri sous les décombres d’un immeuble le 4 août dernier. Photo P.K.

« Avec les aides que j’ai reçues, j’ai acheté une place au cimetière pour mon fils. Je n’y avais jamais pensé auparavant. Je n’avais pas idée que ça coûtait 5 000 dollars », témoigne Hayat Abi Chakra, montrant une photo de la dalle en marbre qu’elle a fait faire pour son fils Chadi et qu’elle a installée à la porte du nouveau caveau familial. Chadi Abi Chakra était âgé de 38 ans quand il a péri lors de la double explosion du 4 août dans l’effondrement d’un immeuble, non loin de l’hôpital Saint-Georges. Chadi était sourd-muet. Sa mère, Hayat, a fait le tour des écrans télévisés après la catastrophe, appelant ceux qui gouvernent le pays à partir au plus vite. « Ce sont eux qui ont tué mon fils », martèle-t-elle en racontant cette journée où elle a presque tout perdu. « Chadi est sorti de la maison cinq minutes avant l’explosion. Il m’a dit : “Maman je vais prendre le café chez des amis.” Il est mort chez eux, dans l’effondrement du bâtiment », raconte-t-elle. « Je l’ai enterré provisoirement au cimetière de Mar Mikhaël. Maintenant, le caveau familial est prêt à Fanar. Dans peu de temps, je ferai transporter son corps là-bas », poursuit Hayat.

Cette grande femme blonde et mince, âgée de 65 ans, tient un parking situé en face de l’église Saint-Joseph de La Sagesse. Elle habite une vieille maison mitoyenne du parking que Chadi l’aidait à gérer. Sociable et avenant, il tissait des liens facilement avec les clients, même si ces derniers ne parlaient pas le langage des signes. Il était incollable sur internet et les réseaux sociaux.

Lire aussi

Comment le 4 août a changé leur vie à tout jamais

« Beaucoup de personnes sont venues présenter leurs condoléances, je ne les connaissais pas. Mais ils connaissaient Chadi. Beaucoup de personnes m’ont aidée financièrement aussi. J’aurais dû prendre leur numéro de téléphone, au moins pour les remercier. Mais en fait, je prie pour eux tout le temps. D’ailleurs, je passe ma journée à prier », raconte-t-elle.

C’est grâce à l’aide de ces personnes que Hayat et sa famille réussissent aujourd’hui à survivre. Et c’est aussi grâce à l’aide de particuliers que sa vieille maison lourdement endommagée est en cours de restauration, malgré le fait qu’elle n’ait pas encore remplacé son réfrigérateur et sa machine à laver, tous deux détruits par le souffle de l’explosion.

« Regardez, ses affaires sont toujours là »

Originaire de Bécharré et mariée à un homme originaire de Aley, Hayat a toujours habité Beyrouth avec sa famille. Elle n’a jamais été riche, et c’est grâce au petit parking en face de l’église qu’elle pouvait subvenir aux besoins de sa famille. « J’étais en train d’arroser les fleurs du parking avec ma petite-fille quand il y a eu la première explosion. Je lui ai dit de courir se réfugier en face, au rez-de-chaussée de l’évêché, puis je l’ai suivie. Si j’étais restée dehors, j’aurais probablement été tuée », dit-elle.

La fille de Hayat, qui était à la maison, a été blessée par des bris de verre, après qu’une fenêtre lui est tombée dessus. Hayat a été blessée au bras et a reçu des éclats de verre dans tout le corps. « J’ai mis un bandage sur ma main et je me suis rendue à l’hôpital Geitaoui pour qu’ils me fassent un garrot. J’ai vécu la guerre ici à Achrafieh, mais je n’avais jamais vu de telles scènes ou senti de telles odeurs dans un hôpital. Je suis rentrée à la maison et je n’arrêtais pas de téléphoner à Chadi. Son portable sonnait, mais il ne répondait pas », dit-elle, avant de marquer une pause, fixant un point sur le sol pour se donner courage et continuer : « Mon fils est sourd-muet, il ne peut pas entendre si on l’appelle et ne peut donc pas répondre pour qu’on le localise. Il est resté 24 heures sous les décombres avant d’être retrouvé sans vie. La nuit du 4 au 5 août, je l’ai passée à ma fenêtre, guettant chaque bruit, attendant que Chadi revienne. Comme je saignais beaucoup, un ami de mes enfants m’a emmenée en moto à l’Hôtel-Dieu. Je l’ai couvert d’une serviette pour ne pas l’entacher de sang et je me suis installée derrière lui sur sa moto », dit-elle. Dans sa modeste maison toujours en plein chantier, Hayat montre la chambre de Chadi. « Regardez, ses affaires sont toujours là. Parfois, j’oublie ce qui s’est passé et je me mets à attendre son retour. »

« Avec les aides que j’ai reçues, j’ai acheté une place au cimetière pour mon fils. Je n’y avais jamais pensé auparavant. Je n’avais pas idée que ça coûtait 5 000 dollars », témoigne Hayat Abi Chakra, montrant une photo de la dalle en marbre qu’elle a fait faire pour son fils Chadi et qu’elle a installée à la porte du nouveau caveau familial. Chadi Abi...

commentaires (1)

Pauvre homme... On pensait avoir lu et entendu toutes les horreurs relatives à ce 4 août... il semble que non...

NAUFAL SORAYA

11 h 21, le 10 novembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Pauvre homme... On pensait avoir lu et entendu toutes les horreurs relatives à ce 4 août... il semble que non...

    NAUFAL SORAYA

    11 h 21, le 10 novembre 2020

Retour en haut