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Culture - Récits de voyage

Elles jacassent, s’impatientent ou se rebellent, mais Gérard Bejjani les aime...

Dans « Les voyageuses », éditions Victor Le Brun (VLB), le professeur de littérature et guide de voyage Gérard Bejjani emmène ses lecteurs aux quatre coins du monde. Un pavé de 500 pages truffé d’anecdotes et d’aventures, mais aussi de moments poignants et forts, servi par un être perfectionniste, autoritaire... et tendre.

Elles jacassent, s’impatientent ou se rebellent, mais Gérard Bejjani les aime...

Les caprices, les lubies, les obsessions de ses voyageuses, Bejjani les retranscrit au final avec beaucoup d’humour et de tendresse. Photo DR

Lorsque l’on décide d’aller au musée, de découvrir une ville inconnue ou de visiter un site archéologique, il arrive souvent de regretter de n’avoir pas eu recours aux services d’un guide. Et lorsque l’on pense à un voyage de groupe, on imagine souvent un séjour aseptisé et confortable, organisé à l’abri de l’aventure et des imprévus. Mais partir avec Gérard Bejjani est une expérience qui prend une tout autre allure. Professeur de littérature, de théâtre et de mythologie, cinéphile invétéré, obsédé de culture, de légendes et d’histoires, cet amoureux de la vie, cet homme de foi, passionné et passionnant, drôle et émouvant, vous fait découvrir le monde autrement à bord de son Bateau ivre (agence de voyages éminemment rimbaldiens). Preuve en est, s’il en faut, son nouveau livre, Les voyageuses, publié en septembre 2020 aux éditions Victor Le Brun (VLB), où au détour de la dernière des 500 pages, au bout des 29 destinations et 29 témoignages, on regrette une seule chose : n’avoir jamais embarqué sur ce vaisseau spatio-temporel en si belles compagnies.

Intrépides et jalouses

Car oui, parlons-en, de ces compagnies ou compagnes de voyage. Elles sont intrépides, jalouses, courageuses et frivoles. Elles sont exigeantes, capricieuses, compétitives, insouciantes ou angoissées, coquettes ou décontractées. Elles sont tour à tour ses élèves, ses sœurs, sa mère, ses confidentes, ses meilleures amies et quelquefois, son pire cauchemar, mais elles sont les héroïnes de ses voyages, les élèves de « monsieur le professeur » Gérard Bejjani.

Lors de ces périples, elles vont certes combler leurs rétines, éveiller leurs sens, êtres heureuses comme Ulysse, mais pas que… Bejjani va également mettre leurs connaissances, leur capacité à composer les unes avec les autres et leur tolérance à l’épreuve. Elles vont questionner leurs existences, se remettre en question, se dévoiler et mettre leur âme à nu. Et apparaître sans fard et sans fioritures et même quelquefois en bigoudis… Car ces voyages, ces sortes de pèlerinages, sont également comme un parcours intérieur où les voyageuses sont libres, renaissent et se découvrent, se font violence pour affronter leurs angoisses, leurs obsessions et leurs faiblesses, accepter les différences...

Il a fallu à Gérard Bejjani beaucoup de temps et de patience pour les amadouer, pour composer avec leurs jalousies et la rivalité féminine qui les oppose, leurs bouderies et leurs prises de bec. Il lui a fallu souvent trouver les mots qui réconfortent. Lui qui se targue d’avoir le don des narrations impossibles se trouvait souvent à court d’arguments. Il lui a fallu de la gentillesse mais aussi de l’autorité pour faire respecter les lieux et le silence qui s’impose au milieu du bavardage incessant et de l’agitation orientale, respecter les rituels de chaque pays et les habitudes. Il a fallu combattre les nuits sans sommeil et les départs à l’aube, les avions inconfortables et les hôtels aux chambres exiguës. Il a même cru par moments au complot : « Elles se sont toutes liguées contre moi », dira-t-il.

Il lui a fallu « confronter Monica armée de sa caméra et de ses excès de colère, Michèle loquace et envahissante à Istanbul, Viviane qui a perdu sa valise, Mireille qui a fini à l’hôpital, Myriam agrippée à son sac et ses vieux sterlings, Nayla tombée malade, Fadia victime d’un vol, Yolla et son éternelle impatience, Feriale et son obsession pour la villa Hadrianna, Christiane perdue et son texto incompréhensible, Marcelle et sa phobie du bungalow, Roula et Carla et leur robinet ensablé, Siham que l’on oublie au bord de la route, Maie qui étouffe et n’arrive plus à suivre le rythme, Raghida qui s’impatiente face au rituel du thé, Yousra et son faible pour Baudelaire, Mimie qui se prend pour Emma Bovary ou Evita Peron, Helene et son désir de se purifier dans le mikveh, Roula qui regrette d’être végétarienne, Arlette qui s’épanouit au cœur de Vienne et Dédé qui refuse le voile ». Il lui a fallu de l’imagination et de la persévérance pour affronter toutes leurs questions et leurs prises de position : « Mais qui est cet Antinoüs dont on n’a jamais entendu parler ? Pourquoi ne va-t-on pas à la rencontre des lions? Aujourd’hui, je veux aller à la piscine ! Moi, je rentre demain, c’est décidé ! Il fait trop chaud dans cette chambre, non il fait trop froid. »

Les caprices, les lubies, les obsessions de ses voyageuses, Bejjani les retranscrit au final avec beaucoup d’humour et de tendresse. Sans oublier le bonheur de partager, de découvrir, de se cultiver, de rire ensemble, de danser et de chanter et même de s’essayer au théâtre, car monsieur le professeur exige de ses accompagnatrices de monter une saynète, avec les moyens du bord.

Voyager pour croire en la vie

Une compagnie exclusivement féminine ? Pas tout à fait. C’est accompagné de l’inégalable Saleh que Gerard Bejjani embarque sa petite tribu sur le Bateau ivre. Saleh son bouclier, son rempart face à ces faces angéliques qui dissimulent des fureurs incontrôlables, Saleh qui préfère se régaler de gelato que d’écouter les élucubrations littéraires, Saleh qui préfère réveiller les papilles féminines plutôt que de sonder leur savoir, l’homme des situations difficiles, celui qui sauve le professeur quand son expérience pédagogique et son pouvoir de persuasion lui feront défaut. Saleh qui sauve des situations rocambolesques, des grèves impromptues, des vols annulés, et des valises perdues.

Mais voyager à bord du Bateau ivre, c’est aussi partir au pays du Soleil levant ou des aurores boréales, aux confins des Cyclades, sur les bords du Loch Ness ou sur la route de l’île de Skye, suivre le fil d’Ariane ou aller sur les pas de Naguib Mahfouz, de Hemingway, de Che Guevara, de l’empereur Hadrien, des sœurs Brontë, de Kipling, de Gogol, de Chopin et de Liszt, de Zeus et de Héra, pénétrer le somptueuse palais Gangi et se retrouver face à face avec Claudia Cardinale et Burt Lancaster, grimper la colline jusqu’au village où fut tourné Cinéma Paradiso, flâner sur le Corso Umberto et s’asseoir à la table de Liz Taylor et de Richard Burton.

Voyager à bord du Bateau ivre, c’est évacuer ses chagrins, abandonner sa pudeur, se livrer au jeu des confidences, aux aveux d’abord retenus, ensuite libérés par la force de ce lien communautaire qui soude les voyageuses et leur guide.

Voyager à bord du Bateau ivre, c’est croire en Dieu et à la grâce d’être simplement vivant. « Rien n’égale le bonheur de partager ses émotions avec les gens qu’on aime », dira l’auteur. Et, après chaque voyage, souvent tenté de ne pas réitérer l’expérience, il se couchait heureux et reconnaissant pour ces moment vécus et reprenait son agenda pour organiser la prochaine aventure.Mais tout cela, c’était avant un fatidique 4 août...

Lorsque l’on décide d’aller au musée, de découvrir une ville inconnue ou de visiter un site archéologique, il arrive souvent de regretter de n’avoir pas eu recours aux services d’un guide. Et lorsque l’on pense à un voyage de groupe, on imagine souvent un séjour aseptisé et confortable, organisé à l’abri de l’aventure et des imprévus. Mais partir avec Gérard Bejjani est...

commentaires (1)

super!

Marie Claude

07 h 52, le 09 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • super!

    Marie Claude

    07 h 52, le 09 novembre 2020

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