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Politique - SAINT-SYNODE

La neutralité, une ombrelle, plaide Bkerké

Le patriarche maronite présente ses condoléances à la France, tout en condamnant « l’atteinte aux symboles religieux ».

La neutralité, une ombrelle, plaide Bkerké

« Édification d’un État civil et démocratique, décentralisation administrative élargie du point de vue du développement, application de la Constitution et du document d’entente nationale (accord de Taëf, 1989) dans le respect de son esprit et de sa lettre » : voilà trois des grands piliers du Liban de l’avenir tel que le défend le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, dans le communiqué final du saint-synode de l’Église maronite qui s’est tenu la semaine dernière (26-31 octobre), et de nature à « prévenir toute possibilité qu’une partie locale tire sa force d’une puissance étrangère pour exécuter un agenda et des politiques incompatibles avec l’intérêt et la souveraineté du Liban ».

Le saint-synode a par ailleurs annoncé l’élection de deux nouveaux évêques qui succèdent à d’autres ayant atteint la limite d’âge. Il s’agit de LL. SS. Youssef Soueif, évêque maronite de Chypre qui prendra en charge l’évêché de Tripoli, à la suite de Mgr Georges Aboujaoudé, et Charbel Abdallah, qui succède à Mgr Chekrallah Nabil Hage au diocèse de Tyr. Aucune mention n’est faite du diocèse d’Antélias, qui aurait normalement dû être pourvu, après le décès de Mgr Camille Zeidan, ce qui laisse penser que sur ce point, une consultation est encore nécessaire, ni d’ailleurs du diocèse de Chypre, que l’élection de Mgr Soueif à Tripoli laisse vacant.

Le saint-synode a par ailleurs examiné les points suivants inscrits à son agenda : réforme liturgique, formation des prêtres, travail des tribunaux religieux, situation des diocèses maronites au Liban et dans le monde, pastorale sociale et service de la charité et écoles privées catholiques.

Sur le plan social, il a fait état des résultats suivants : distribution de 5 000 bourses scolaires, de 25 000 rations alimentaires par mois, de 5 000 aides en médicaments et hospitalières, participation à la réhabilitation de 3 000 logements dans les zones sinistrées par l’explosion du 4 août, formations assurées à des centaines de jeunes dans les secteurs agricole et professionnel.

Dans son homélie dominicale, hier, le patriarche a repris les thèmes principaux qu’il défend depuis juillet dernier, et d’abord celui de la « neutralité active » du Liban, qu’il avait déjà évoqués dans l’homélie qui a conclu samedi les travaux du saint-synode. Il y avait vigoureusement dénoncé les crimes commis en France par des islamistes et plaidé pour qu’à l’ombre d’une neutralité bien comprise, le Liban continue d’être un trait d’union entre l’Orient et l’Occident.

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Mais d’abord, le chef de l’Église maronite avait commencé cette homélie marquante en appelant la classe politique libanaise à céder volontairement la place à une « équipe cohésive et solidaire » afin que celle-ci puisse former un gouvernement. « Nous sommes face à une échéance historique aujourd’hui, qui consiste en la formation d’un nouveau gouvernement. La classe politique doit reconnaître qu’elle a échoué à représenter les citoyens et gagner leur confiance pour la gestion du pays. Qu’elle cède volontairement la place, temporairement et dans l’intérêt du Liban, à une équipe gouvernementale cohésive et solidaire qui puisse relever le pays. »

Plans régionaux secrets

Sur le plan géopolitique, le patriarche maronite avait mis en garde contre une reconfiguration du Moyen-Orient dont le Liban pourrait faire les frais. Il a noté à ce sujet « l’existence de plans régionaux et internationaux secrets et aux objectifs finaux inconnus, qui sont mis en œuvre jour après jour et année après année progressivement et par étapes, indépendamment des régimes existants et de la volonté des peuples. C’est pourquoi nous renouvelons notre foi dans l’entité indépendante du Liban dans ses frontières internationalement reconnues, et dans l’unité de son peuple dans le cadre d’un partenariat fondé sur un pacte portant sur un pluralisme décentralisé et une allégeance absolue au Liban, coiffé d’un régime démocratique dans le respect des libertés, et des valeurs spirituelles, nationales et humaines. Notre Église estime que la préservation de l’entité libanaise mérite tous les sacrifices (…) C’est bien pourquoi, anticipant tous les dangers, nous avons proposé la neutralité active comme une ombrelle destinée à protéger le Liban en ces temps troublés. La valeur du Liban réside dans la conciliation entre cette neutralité, d’une part, et le maintien de sa présence active et durable de lien entre le Liban et le monde, d’autre part. Dans le souci de préserver son autonomie, le Mont-Liban historique était déjà, quand n’existaient encore ni entités ni États indépendants, en dialogue avec l’Orient et l’Occident. Combien plus le serait-il maintenant. »

Le collège des évêques maronites ayant participé au saint-synode. Photos MA/Bkerké

Éléments islamistes radicaux

Revenant sur la question de la publication en France de caricatures du Prophète par l’hebdomadaire Charlie Hebdo et les actes criminels commis par des islamistes qui l’ont suivie, notamment l’attaque au couteau qui a fait trois morts jeudi à Nice, le patriarche a déclaré : « L’Église maronite appelle à renforcer le partenariat islamo-chrétien dans le monde et à éloigner l’esprit d’un choc entre les religions, en particulier après le progrès du dialogue entre le christianisme et l’islam et la publication du “Document sur la fraternité humaine” à Abou Dhabi le 5 février 2019 (signé par le pape François et l’imam d’al-Azhar). Notre Église condamne fermement l’atteinte aux symboles religieux et la republication de caricatures offensantes sous couvert de liberté et de laïcité. Mais l’Église condamne fortement dans le même temps la décapitation perpétrée par des éléments islamistes radicaux d’un enseignant devant son école et celle de trois croyants à l’intérieur d’une église à Nice. Ces actes n’ont aucune justification humaine ou religieuse et constituent une grande offense à Dieu, seul maître de la vie et de la mort. Nous présentons à la France nos plus sincères condoléances et espérons que l’ambassadrice au Liban les transmettra au président de la République française, au gouvernement et aux familles des victimes, et prions pour le respect mutuel entre les religions, la préservation de saines relations, et le renforcement du dialogue de vie et du dialogue culturel entre les chrétiens et les musulmans. »

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