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Culture - Cimaises

« La peinture est un couperet qui dans l’éternité saisit l’instant qui l’a éblouie »

Pour sa première exposition post-4 août, la galerie Agial a choisi d’accrocher des « œuvres noires » de Bassam Kahwaji, évocatrices de « ce qui fut un jour construit »...

« La peinture est un couperet qui dans l’éternité saisit l’instant qui l’a éblouie »

Chez Bassam Kahwaji, le noir est proéminent, même mâtiné de bleu...

D’emblée, l’influence de Pierre Soulages sur Bassam Kahwaji saute aux yeux de quiconque pénètre à la galerie Agial. Comme chez le fameux peintre français (mais évidemment toutes proportions gardées), le noir est omniprésent dans la série d’œuvres que l’artiste libanais présente jusqu’au 7 novembre au sein de l’espace d’exposition de la rue Abdel-Aziz, à Hamra. Un noir qui s’accorde avec l’ambiance générale d’un Liban qui traverse l’une de ses périodes les plus sombres. Un noir proéminent, qui même mâtiné de brun, de pourpre, de bleu, de gris-vert, voire d’un halo rose et jaune, reste l’expression d’une cruelle réalité transposée picturalement de manière rigoureusement abstraite.

Un choix d’accrochage qui semble, d’ailleurs, être en lui-même un discret hommage à Firas Dahwish, fidèle collaborateur de Saleh Baraket et figure centrale sinon pivot de la galerie Agial, cruellement disparu dans l’explosion du port de Beyrouth.

Un noir proéminent, même mâtiné de brun, dans les peintures de Bassam Kahwaji.

Noir, c’est noir

« La peinture est un couperet qui dans l’éternité saisit l’instant qui l’a éblouie. » Cet énoncé, tiré d’un texte de Rabih Haddad, intégré dans la scénographie de l’exposition, formule au mieux le geste et l’intention de l’artiste.

Marqué par des compositions où la forme rectangulaire brute et le clair-obscur dominent, les acryliques sur toiles ou sur papier de Bassam Kahwaji semblent avoir été élaborées dans un état de ressenti émotionnel puissant. Rythmées par l’alternance de vigoureux aplats verticaux et horizontaux, elles dégagent une certaine violence sous-jacente. Une énigmatique architecture, comme des variations sur un même thème, s’en profile dont semble suinter, parfois, de fins coulis de peinture… Des peintures qui ouvrent aux spectateurs un champ mental propice aux interprétations les plus diverses. On peut ainsi voir dans ces abstractions, réalisées en 2017 et 2018, des représentations symboliques d’une situation délétère, où tout semble s’effondrer, se déconstruire, se défaire, comme en proie à une apocalyptique déliquescence. Comme une allégorie picturale d’une totale dégradation libanaise annoncée…

D’autant que cet ensemble d’œuvres non encadrées – ce qui en accroît l’effet dévasté –, formant une sorte d’installation, est présenté sous l’élégiaque intitulé « To Have Been Built », que l’on pourrait traduire par « A été construit ».

L’influence de Soulages sur Bassam Kahwaji est largement perceptible. Photos DR

Capter un moment fragile

Plasticien et graphiste, Bassam Kahwagi est l’un des fondateurs du Beirut Art Center (BAC). Peintre autodidacte, il avait suivi au début des années 80 quelques formations dans des ateliers d’artistes à Paris, avant de revenir rapidement au Liban. Appartenant à une génération devenue majeure dans les dernières années de la guerre civile libanaise, il s’est toujours distingué de ses confrères par sa tendance à privilégier l’impact d’une action artistique à la simple présentation d’œuvres en galerie. Ainsi, à l’exception de quelques expositions et interventions artistiques dispersées, il se détourne, dès le milieu des années 90, de la création artistique pour s’adonner à d’autres formes de travail créatif. « L’enjeu de l’art pour Kahwagi n’est pas sa beauté, sa supposée autonomie ou sa résilience face aux difficultés, à la désorientation et à la perte », écrit Natasha Gasparian dans le texte de présentation qui accompagne l’accrochage chez Agial. Pour la curatrice et critique, c’est la teneur du discours de cet artiste qui fait sa force. À l’instar de celle qui se dégage de la présente installation de peintures sérielles « qui captent un moment fragile de crise pleine de possibilités et de dangers dans un monde en évolution rapide et quasiment apocalyptique », note-t-elle.

« To Have Been Built » de Bassam Kahwaji, chez Agial, Hamra, rue Abdel Aziz, jusqu’au 7 novembre, de 11h à 18h.

D’emblée, l’influence de Pierre Soulages sur Bassam Kahwaji saute aux yeux de quiconque pénètre à la galerie Agial. Comme chez le fameux peintre français (mais évidemment toutes proportions gardées), le noir est omniprésent dans la série d’œuvres que l’artiste libanais présente jusqu’au 7 novembre au sein de l’espace d’exposition de la rue Abdel-Aziz, à Hamra. Un noir...

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