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Nos Lecteurs ont la Parole

Le groupe s’était immiscé pendant leur sommeil

Après la guerre, il fallait bien dormir, reprendre des forces ; pleurer les absents et reconstruire la vie. Certains étaient partis, d’autres étaient restés. Ainsi, ils avaient reconstruit un semblant de réalité : une maison, des enfants, une famille...

Mais un soir, ou plusieurs – les notions sont troubles – le groupe a creusé son siège. Entré très aisément par la clé sous le paillasson.

Et dire qu’ils avaient laissé leurs clés sous le paillasson... Confiants peut- être que les voisins les protégeraient ? Fatigués peut-être de se méfier des autres ? Ne trouvant pas d’alternatives, pour rentrer/sortir à leur guise ?

Toujours est-il que le groupe est entré et a refermé la porte derrière lui.

D’abord, il les a ligotés, séquestrés dans leur propre cours. Il a dévalisé leurs biens, utilisé leurs ressources, fait la fête devant les victimes pendant que celles-ci les regardaient, hébétées...

S’en suivirent des mois de torture psychologique et physique. La peur du lendemain, de ne pas savoir. La peur du Vice qu’on voyait devant soit. L’incrédule.

Ils ont tenté quelques coups qui ont été stoppés – sans doute, par la tempête de nuages lacrymogènes et les coups de bâtons qui leur tombaient dessus. Sans doute pour protéger le peu qui leur restait : leur famille, leur intégrité physique, leur vie et celle de leurs proches – d’autant plus que la pandémie frappait à la porte et bien entendu que ces voleurs allaient ouvrir : le groupe en a profité pour reprendre ses forces et se ravitailler.

La famille commençait à s’adapter à cette vie de victime : ils usaient de leurs forces pour survivre et avancer, s’entraidant au quotidien dans ce camp de concentration appelé Maison, vivant dans l’espoir d’en sortir un jour.

Si bien que ce soir, personne ne l’attendait, ce grand boum ! On avait déjà rendu les armes : que pouvaient-ils prendre encore ? Sans doute le toit au-dessus de leurs têtes...

Ligotée dans sa cour, la famille a vu sa maison s’effondrer. Le salon a brûlé, la chambre de jeu des enfants se couvrit de cendres et de sang, des enfants dedans sont morts ou blessés.

Les membres qui étaient partis avant cette tragédie ont brûlé de l’intérieur ; ligotés à leur tour par le lien invisible de l’amour de leurs proches.

Terreur. Horreur. Désespoir.

Suite à ce boom, la famille a tenté de crier de nouveau. De se rebeller. Cette fois-ci, ce sont des tirs à balles réelles qu’ils ont trouvées devant soi : de vraies balles, encore plus de sang... Ça les a vite stoppés.

Mais aussi, suite à ce boom, quelqu’un a finalement appelé la police.

Sauf qu’en attendant l’intervention, entendant sans doute le bruit des sirènes, le groupe a brûlé les preuves pour préparer sa sortie. Notamment hier soir, à l’ombre d’une grande fumée noire visible sur les lieux du crime.

Cette histoire n’est pas un conte ni un film d’horreur. Cette histoire est l’histoire du Liban actuel. Cette famille dans la cour est la mienne. Ce peuple, refusant d’abandonner, s’entraidant et se solidarisant est le mien, mais il vit l’agonie.

Et me voilà, survivante, échappée. Je les regarde et je m’effondre. Je me relève et je prends la route. Porter leurs paroles, conter leurs histoires... Ces héros de mon temps, ces victimes de la vie, ces ordures de l’histoire.

Kidnappés, torturés, appauvris, affamés ; certains sans abri, d’autres sans enfant, les plus chanceux les regardant vivre une vie meilleure...

Il nous reste cette parole, cette prière : que le monde le sache et le crie très fort. Et que personne n’arrête d’en parler : mon gouvernement a tué mon peuple et il brûle les preuves. Il prépare sa sortie – ou pire – sa renaissance.

Il est important de reconnaître le crime : identifier la victime, dénoncer son bourreau. Porter son soutien. Et espérer, œuvrer, pour que justice soit faite !

Car les brigands sont toujours sur place.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Après la guerre, il fallait bien dormir, reprendre des forces ; pleurer les absents et reconstruire la vie. Certains étaient partis, d’autres étaient restés. Ainsi, ils avaient reconstruit un semblant de réalité : une maison, des enfants, une famille... Mais un soir, ou plusieurs – les notions sont troubles – le groupe a creusé son siège. Entré très aisément par la clé sous...

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