
Chamel Roukoz au Parlement, le 10 août 2018. Photo d’archives ANI
Depuis plus d’un an, Chamel Roukoz, député indépendant du Kesrouan, multiplie les signes de son divorce politique tant avec le chef de l’État Michel Aoun qu’avec le Courant patriotique libre. De plus en plus convaincu de son positionnement d’opposant à la ligne politique actuelle, il ne mâche plus ses mots en critiquant certains agissements de la part de la présidence de la République. Mais il continue à veiller à ne pas s’en prendre nommément au chef de l’État. Il attaque, en revanche, les proches du président Aoun.
Dans un entretien accordé hier à L’Orient-Le Jour autour des propos durs qu’il a tenus récemment contre son ancien camp, Chamel Roukoz exhorte le président de la République, dont il est par ailleurs le gendre, à opérer des changements au sein de son équipe de travail. Celle-ci a, selon lui, « échoué » tout comme la classe politique dans son ensemble. « Pour qu’il puisse mener à bien le reste de son mandat, je crois que le chef de l’État devrait introduire quelques changements dans son entourage. D’autant qu’au vu des attentes des Libanais de ce sexennat, l’expérience n’est pas, jusque-là, une réussite. »
Le député du Kesrouan s’empresse toutefois de préciser que les modifications pour lesquelles il plaide ne portent pas sur les personnes des conseillers du chef de l’État, « mais sur une certaine ligne politique et une manière d’agir et de penser ».
Voulant illustrer concrètement ce qu’il perçoit comme « un échec », M. Roukoz souligne que « les conseillers du président auraient pu proposer la tenue d’une table de dialogue national qui examinerait les dossiers épineux tels que la stratégie nationale de défense ». Pour rappel, Michel Aoun s’était engagé à parrainer un dialogue national consacré à cette question, à laquelle le Hezbollah s’oppose catégoriquement, après les législatives tenues le 6 mai 2018.
Mais pour Chamel Roukoz, un dialogue national qui se tiendrait dans la prochaine phase ne devrait pas être exclusivement consacré à la stratégie de défense, mais aussi aux « appréhensions de certaines communautés religieuses », dit-il.
Ces propos interviennent à l’heure où le tandem Amal-Hezbollah affirme se battre pour préserver le droit des chiites à contrôler de près l’action du pouvoir exécutif, au même titre que les maronites et les sunnites. Pour ce faire, le binôme plaide pour conserver le portefeuille des Finances. Une façon pour lui d’assurer le contreseing chiite de la quasi-totalité des décrets aux côtés des signatures du président de la République et du Premier ministre.
« Pas de partage par tiers »
En dépit du timing de ses propos portant sur les appréhensions de certaines composantes du tissu libanais, Chamel Roukoz confie ne pas appuyer la démarche suivie par les deux formations chiites. « La force de la communauté chiite n’est pas dans le portefeuille ministériel. Elle provient de sa présence sur la scène locale », déclare le député avant de poursuivre : « Les Finances et l’Énergie sont les pires ministères du pays. » Il décochait ainsi sans doute ses flèches en direction du CPL et de son chef, Gebran Bassil, qui ont dirigé ce dernier ministère depuis 2008.
Le député assure en outre qu’il n’est pas question d’opter pour le partage par tiers (chrétien, sunnite et chiite) en lieu et place de la parité islamo-chrétienne consacrée par l’accord de Taëf. « Ceux qui se sentent lésés par le système politique actuellement en vigueur (mis en place par Taëf) doivent appeler à la tenue d’un congrès national portant sur les failles de ce système », lance-t-il.
Quoi qu’il en soit, Chamel Roukoz se félicite de l’initiative du président français Emmanuel Macron en faveur du Liban. Il estime même que le chef de l’Élysée « connaît mieux le dossier libanais que plusieurs responsables locaux », rappelant que « la France a rapidement mobilisé la communauté internationale pour venir en aide à un Liban ravagé (après le cataclysme du 4 août) ».
À la faveur de son appui à l’initiative française, Chamel Roukoz appelle à la mise en place d’un gouvernement de spécialistes indépendants. « Il est grand temps de commencer à planifier l’avenir du pays conformément aux aspirations des jeunes, au lieu de continuer à se noyer dans des logiques obsolètes axées sur le partage du gâteau au détriment de l’intérêt du pays », souligne le député. Et c’est dans cette même logique qu’à deux semaines du premier anniversaire de la thaoura du 17 octobre, Chamel Roukoz appelle les groupes de la contestation à se renouveler, à s’unifier afin de pouvoir se présenter comme une véritable alternative à la classe dirigeante actuelle.
A QUAND DANS LE BORDEL LIBAN ON DEGAGERA LA PATRONNE POUR REBATIR UN PAYS ?
16 h 01, le 30 septembre 2020