Même des phrases particulièrement dures – qui sonnent parfois comme des gifles – telles que celles prononcées dimanche soir par le président français, Emmanuel Macron, n’y font plus rien. Au premier jour du nouveau délai de quatre à six semaines accordé à la classe politique pour former le gouvernement de mission tel que préconisé par M. Macron, rien ne prête à croire à ce stade que les protagonistes mettront en place un tel cabinet rapidement.
On serait tenté de croire que les informations rapportées hier par certains médias selon lesquelles près de dix fonctionnaires du palais de Baabda ont été testés positifs au coronavirus ont amené le chef de l’État, Michel Aoun, à retarder les consultations parlementaires contraignantes qu’il doit mener avec les groupes parlementaires pour désigner un Premier ministre. Mais c’est surtout pour des raisons politiques que ces consultations ne se tiendront probablement pas dans les jours qui viennent. Le président Aoun semble en effet une fois de plus s’en tenir à sa politique liant la désignation du Premier ministre à un accord politique élargi autour du nom du candidat, mais aussi de la nature et de la composition de l’équipe ministérielle. Une démarche qu’il avait suivie avant la désignation aussi bien de Hassane Diab, qui continue à expédier les affaires courantes, que de Moustapha Adib, en dépit de la colère que cela suscite dans les rangs de la communauté sunnite. Celle-ci pourrait bien y voir, une fois de plus, une atteinte aux prérogatives du Premier ministre, notamment pour ce qui est du choix des membres de son équipe. Ces atermoiements ne sont pas sans susciter des craintes quant à une éventuelle dégradation de la situation économique et sécuritaire. Mais la présidence préfère « préparer le climat propice à la tenue des consultations », pour reprendre les termes d’un proche de la présidence contacté par L’Orient-Le Jour. « Actuellement, le président évalue les événements survenus depuis la nomination de Moustapha Adib jusqu’à sa récusation, avant de convier les parlementaires aux consultations », explique-t-il avant d’assurer que « le président Aoun désire donner aux blocs parlementaires le temps de choisir leur candidat à la présidence du Conseil ». « Il entend mener des concertations avec le chef du législatif, Nabih Berry, et les chefs de file politiques », dit-il encore.
En attendant, Michel Aoun a réitéré hier son attachement à l’initiative française en faveur du Liban, se félicitant de « l’attention » qu’accorde le chef de l’Élysée au pays du Cèdre, notamment après le cataclysme du 4 août. Il s’exprimait devant l’ambassadeur de France à Beyrouth, Bruno Foucher, venu lui faire ses adieux à l’occasion de la fin de sa mission diplomatique au Liban. M. Aoun n’a pas manqué de se dire « désolé » de l’échec de Moustapha Adib à former une équipe ministérielle. Des propos qui semblent être une réaction aux déclarations d’Emmanuel Macron, dimanche soir. Le président français avait imputé à la classe dirigeante libanaise dans son ensemble la responsabilité de l’échec à former un nouveau gouvernement, et à tenir les engagements pris le 1er septembre à la Résidence des Pins.
C’est donc dans un contexte politique tendu que le flou entoure aussi bien la date des consultations parlementaires que l’identité du futur chef du gouvernement, et par là même la prochaine phase. D’autant que le leader du Futur, Saad Hariri, a annoncé dimanche, sur Twitter, qu’il n’était pas candidat à la présidence du Conseil sous le sexennat en cours.
« En dépit du veto du Hezbollah »
Mais dans certains milieux politiques, on n’exclut toutefois pas une possible nomination de M. Hariri, sous l’effet d’un forcing que pourrait exercer le tandem Amal-Hezbollah dans ce sens. Une façon pour le binôme de garantir la désignation d’un Premier ministre avec qui il pourrait s’entendre. Mais Marwan Hamadé, député démissionnaire du Chouf, contacté par L’OLJ, exclut cette option, du moins pour le moment. « Saad Hariri ne veut pas diriger la prochaine équipe », dit-il, estimant que le contexte régional n’est pas favorable à une telle démarche. Il assure, en outre, que Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies et juge à la Cour internationale de justice, est toujours le candidat du camp joumblattiste à la présidence du Conseil, « en dépit du veto du Hezbollah, et probablement à cause de celui-ci », déclare M. Hamadé. Il se félicite du fait qu’« Emmanuel Macron n’ait pas assumé l’échec de l’initiative française, mais l’a clairement imputé au Hezbollah, pour la première fois ».
La réponse du parti chiite à ces reproches est attendue ce soir de la bouche de son secrétaire général, Hassan Nasrallah. Lors de son discours prévu à 20h30, il devrait détailler la position de son parti au sujet de la formation du gouvernement.
En attendant, Gwendal Rouillard, député français proche de M. Macron, assure à L’OLJ que Paris tient toujours à son initiative. Mais il ne manque pas de renvoyer la balle dans le camp des protagonistes. « C’est désormais à eux de s’entendre et de former un cabinet », dit-il, mettant en garde contre « une impasse mortifère » dans laquelle le Liban est plongé depuis la récusation de Moustapha Adib. Mais comment la France compte-t-elle contraindre les protagonistes libanais à tenir leurs engagements ? « Pour le moment, nous optons pour les pressions politiques et le dialogue », répond M. Rouillard.
commentaires (12)
Le gouvernement invite la péripatéticienne et c'est le peuple qui continue à payer la chambre. Aoun voudrait consulter qui ? Ils sont tous là. Il a le même panier mais c'est la pioche qui va changer. Le vers est dans le fruit mon président.
Citoyen
18 h 26, le 29 septembre 2020