Appelé à convoquer des consultations parlementaires contraignantes pour désigner un nouveau Premier ministre après la récusation de Moustapha Adib, le président libanais Michel Aoun a réaffirmé lundi son attachement à l'initiative d'Emmanuel Macron, destiné à sortir le Liban de l'impasse politique et de la crise socio-économique. Le chef de l'Etat a réaffirmé sa position à ce sujet au lendemain d'une conférence de presse du président français au cours de laquelle il a fait assumer la responsabilité de cet échec à la classe politique libanaise. Le président français a pointé du doigt "la responsabilité institutionnelle" du président Aoun, "celle, dans les prochaines heures, de reprendre l'initiative".
Après le renoncement du Premier ministre désigné Moustapha Adib, dont la mission de former le gouvernement a été entravée par les revendications du Hezbollah et d'Amal qui réclamaient de nommer les ministres chiites, le Liban se retrouve sans la moindre perspective de sortie de crise. Le chef de l'Etat libanais doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre. Mais ce processus risque, une nouvelle fois, de s'éterniser, voire d'échouer. Le 1er septembre dernier, les partis politiques s'étaient toutefois engagés auprès de M. Macron, venu à Beyrouth, à former un cabinet de ministres "compétents" et "indépendants" dans un délai de deux semaines, condition pour l'octroi d'une aide internationale nécessaire au redressement du pays. Dimanche soir, le chef de l'État français a "pris acte de la trahison collective" des partis libanais qui, selon lui, "portent l'entière responsabilité" de cet échec, critiquant particulièrement le Hezbollah sur ce plan.
"Le président Michel Aoun a exprimé son attachement à l'initiative du président français Emmanuel Macron en ce qui concerne la crise libanaise, saluant l'attention portée par le président français au Liban et aux Libanais", indique un communiqué de la présidence publié à l'issue d'un entretien avec l'ambassadeur de France à Beyrouth, Bruno Foucher. A cette occasion, le président Aoun a également déploré "l'incapacité du Premier ministre désigné Moustapha Adib à former un nouveau gouvernement conformément à l'initiative française, notamment sur le plan des réformes qui doivent être menées, aussi bien celles qui doivent être votées par le Parlement que celles qui doivent être lancées par le gouvernement qui aura été formé et obtenu la confiance", indique ce communiqué.
Dimanche, le président français avait critiqué les "forces politiques libanaises, leur dirigeants et les dirigeants des institutions libanaises qui n'ont pas souhaité respecter l'engagement pris devant la France et la communauté internationale", regrettant que "les plus hautes autorités du Liban se contentent de constater l'échec". "Les institutions ne peuvent rester les spectateurs passifs de ce qui se passe", avait également ajouté Emmanuel Macron.
Selon des sources informées citées par la chaîne locale LBCI, le dossier gouvernemental est dans une "phase d'évaluation de tout ce qui s'est passé, en particulier après la récusation de Moustapha Adib, pour déterminer ce que sera la prochaine étape". Selon ces sources, "ce qui s'est passé avec Adib a créé un nouveau cadre et le président de la République déterminera quelle sera la prochaine étape conformément au mécanisme constitutionnel". Ces sources indiquent qu'il n'y aura pas de convocation des consultations parlementaires contraignantes "dans les jours qui viennent". Lors de sa conférence de presse de dimanche consacrée au dossier libanais, Emmanuel Macron a donné entre quatre à six semaines aux responsables libanais pour former un gouvernement.
"Injustice flagrante"
Le président français a également critiqué l'attitude du Hezbollah et du mouvement Amal lors des dernières tractations gouvernementales. "Le Hezbollah ne peut en même temps être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie et un parti respectable au Liban. Il ne doit pas se croire plus fort qu’il ne l’est. Il doit montrer qu’il respecte les Libanais dans leur ensemble et il a montré le contraire ces derniers jours", a-t-il également déclaré.
"Ce qui est demandé, c'est la formation d'un gouvernement d'entente nationale, pas un cabinet de mandat international", a déclaré le mufti jaafarite Ahmad Kabalan, réputé proche du Hezbollah, qui a critiqué les propos de M. Macron. "Ce qu'il a exprimé hier était d'une injustice politique flagrante. Ceux qui livrent la bataille de la protection du Liban sont la résistance, pas une milice", a-t-il déclaré. Et d'ajouter : "L'initiative française doit tenir compte de la représentation des composantes libanaises, et l'attention française doit se porter sur tout le Liban et pas sur le camp qui coupe les routes ou exerce une pression économique (...) Nous sommes extrêmement ouverts à l'initiative française mais nous n'accepterons pas moins que ce qui est l'intérêt d'une composante nationale".
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, doit s'exprimer mardi soir lors d'une allocution télévisée à partir de 20h30.
Le Hezbollah a pour parrain l'Iran, engagé dans un bras de fer contre les pays du Golfe et, à plus grande échelle, les Etats-Unis. Dans ce contexte, un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré lundi que "le dossier du Liban est un dossier interne". "Nous n'appelons aucun pays étranger à intervenir directement dans les affaires intérieures libanaises, car toute intervention n'aidera pas à régler le problème, mais le compliquera", a déclaré Saeed Khatibzadeh, affirmant que des "discussions" ont eu lieu entre l'Iran et la France, "mais nous faisons la différence entre l'intervention et l'aide". "Le dossier du Liban, c'est celui du terrorisme, des lâches sanctions américaines imposées au moment de tractions politiques pour régler le problème", a-t-il également déclaré.
De son côté, le député et ancien ministre des Finances, Ali Hassan Khalil (mouvement Amal), n'a pas souhaité commenter les propos tenus dimanche par le président français. "L'initiative et ses détails, sur lesquels nous nous sommes entendus, ont été couchés sur le papier et distribués à tous", a-t-il déclaré lundi sur LBCI. M. Khalil a par ailleurs indiqué qu'il n'y avait "aucun contact ou discussion à l'heure actuelle sur le plan interne concernant le gouvernement", ajoutant que rien n'empêchait des concertations entre le chef de l'Etat et le président du Parlement, Nabih Berry.
commentaires (17)
"nous n'accepterons pas moins que ce qui est l'intérêt d'une composante nationale".. En clair: nous n'accepterons pa moins que ce quo est de notre propre intérêt et tant pis pour le Liban!
Yves Prevost
22 h 31, le 28 septembre 2020